La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/12/2004 | FRANCE | N°99NC01831

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 02 décembre 2004, 99NC01831


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 août 1999, complétée par mémoires enregistrés les 23 avril 2002 et 3 février 2003, présentée pour M. Michel X, élisant domicile ..., Mme Evelyne X, élisant domicile ... et M. Philippe Z, élisant domicile ..., par Me Beyer-Buchwalter, avocat ; les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 6 juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à condamner le centre hospitalier général de Neufchâteau à leur payer diverses indemnités en réparation du p

réjudice qu'ils ont subi à la suite du décès de leur parente, Mme Sylvie X, s...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 août 1999, complétée par mémoires enregistrés les 23 avril 2002 et 3 février 2003, présentée pour M. Michel X, élisant domicile ..., Mme Evelyne X, élisant domicile ... et M. Philippe Z, élisant domicile ..., par Me Beyer-Buchwalter, avocat ; les requérants demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 6 juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à condamner le centre hospitalier général de Neufchâteau à leur payer diverses indemnités en réparation du préjudice qu'ils ont subi à la suite du décès de leur parente, Mme Sylvie X, survenu le 13 mai 1992 ;

2°) de condamner le centre hospitalier général de Neufchâteau à verser une somme de 22 867,35 euros(150 000 F), 22 867,35 euros (150 000 F) et 13 720,41 euros (90 000 F), avec les intérêts au taux légal à compter du 18 mars 1998, respectivement à M. X, Mme X et M. Z ;

3°) de condamner le centre hospitalier général de Neufchâteau à leur verser une somme de 3 048,98 euros (20 000 F) au titre des frais irrépétibles ;

Ils soutiennent que c'est à tort que le tribunal administratif, qui a commis une erreur de droit et n'a pas tenu compte de l'argumentation des demandeurs, leur a opposé la prescription quadriennale ; le suivi de la grossesse ayant été faite par le Dr A dans son cabinet privé, les demandeurs ne pouvaient mettre en cause la responsabilité de l'hôpital ; en l'espèce, le délai de prescription a été interrompu par l'introduction d'une action devant les tribunaux judiciaires et ce n'est que par l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 17 septembre 1997 ayant statué sur l'action pénale formée par les requérants que le principe de leur créance à l'égard de l'hôpital a été définitivement tranché ; enfin, en tout état de cause, les requérants peuvent se prévaloir de la prescription décennale prévue par la loi du 4 mars 2002 qui est immédiatement applicable aux instances en cours ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 novembre 1999, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges ;

La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges conclut à ce que le centre hospitalier général de Neufchâteau soit condamné à lui rembourser les débours qu'elle a exposés du fait des négligences du service hospitalier ;

Elle soutient que le service hospitalier a commis des négligences qui ont entraîné plusieurs séjours et interventions chirurgicales et finalement le décès de Mme Z ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 6 septembre 2002 et 13 avril 2004, présentés pour le centre hospitalier général de Neufchâteau, représenté par son directeur à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et la Cour de Cassation ;

Le centre hospitalier général de Neufchâteau conclut au rejet de la requête des consorts X et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges ;

Il soutient que :

- à titre principal, la prescription quadriennale a été opposée à bon droit par le tribunal administratif ; en effet, une action judiciaire qui n'a pas mis en cause l'établissement public n'interrompt pas le cours de la prescription ; par ailleurs, la loi du 4 mars 2002 n'est pas applicable aux créances déjà prescrites à la date de son entrée en vigueur ;

- à titre subsidiaire, les prétentions indemnitaires des requérants sont exagérées ;

- enfin, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie sont irrecevables pour tardiveté car présentées hors du délai d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2004 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité présentées par M. X, Mme X et M. Z :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que durant l'année 1992, Mme Lassause, épouse Z, alors suivie pour une grossesse pathologique, a été hospitalisée à plusieurs reprises au centre hospitalier de Neufchâteau où elle a notamment subi le 7 mai 1992 une hystérectomie en urgence ; qu'après avoir été transférée au centre hospitalier universitaire de Nancy afin d'y subir une nouvelle intervention le 10 mai 1992, l'intéressée est décédée le 13 mai suivant ; que le préjudice moral subi par M. X, père de la victime, par M. Z, époux de la victime, et par Mme X, soeur de l'intéressée, consécutivement au décès de leur conjoint ou parente était pleinement apparu dès la date du décès de Mme X ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, leur créance ne trouve pas son origine dans l'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 17 septembre 1997, qui a confirmé la condamnation pénale prononcée à l'encontre du Dr A, chef de service du gynécologie-obstétrique ; que les requérants, qui ont immédiatement après le décès engagé des poursuites pénales contre les praticiens hospitaliers ayant assuré le suivi de la parturiente et alors qu'il est constant que la surveillance médicale et les examens échographiques se sont déroulés au sein du centre hospitalier de Neufchâteau où l'intéressée a été hospitalisée à trois reprises, ne sauraient pas davantage utilement faire valoir qu'ils n'étaient pas en mesure de mettre en cause l'hôpital au motif que la grossesse de la victime était suivie au cabinet privé du Dr A ; que, dès lors, en l'absence d'invocation par les intéressés de tout autre élément de nature à les faire légitimement regarder comme ignorant l'existence de leur créance à l'égard du centre hospitalier au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 précitée, le délai de prescription relatif à leur action dirigée contre le centre hospitalier général de Neufchâteau tendant à la réparation dudit préjudice a commencé à courir à compter du 1er janvier 1993 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : La prescription est interrompue par : toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ;...tout recours formé devant la juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; que ces dispositions subordonnent l'interruption du délai de prescription qu'elles prévoient en cas de recours juridictionnel à la mise en cause d'une collectivité publique ou d'un établissement public ;

Considérant que si les requérants se sont constitués partie civile dans l'action pénale pour homicide involontaire engagée contre le Dr A et un autre gynécologue du centre hospitalier général de Neufchâteau, il résulte de l'instruction que cette action pénale, qui n'était dirigée ni expressément ni directement contre ledit centre hospitalier et au cours de laquelle ce dernier n'a pas été mis en cause, n'a pas eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription quadriennale ; que, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 susvisée, le délai de prescription quadriennale doit être regardé comme étant venu à expiration le 31 décembre 1997, soit antérieurement à la date du 18 mars 1998 à laquelle les requérants avaient saisi le centre hospitalier d'une demande d'indemnité tendant à la réparation du dommage dont ils ont été victimes ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique issu de l'article 98 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage ; qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 101 de la même loi : Les dispositions de la section 6 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la première partie du même code sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique que le législateur a entendu instituer une prescription décennale se substituant à la prescription quadriennale instaurée par la loi du 31 décembre 1968 pour ce qui est des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics en matière de responsabilité médicale ; qu'il s'ensuit que ces créances sont prescrites à l'issue d'un délai de dix ans à compter de la date de consolidation du dommage ; qu'en prévoyant à l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 que les dispositions nouvelles de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique relatives à la prescription décennale en matière de responsabilité médicale sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, le législateur a entendu porter à dix ans le délai de prescription des créances en matière de responsabilité médicale, qui n'étaient pas déjà prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi et qui n'avaient pas donné lieu, dans le cas où une action en responsabilité avait été engagée, à une décision irrévocable ; que l'article 101 de cette loi n'a cependant pas eu pour effet, en l'absence de dispositions le prévoyant expressément, de relever de la prescription celles de ces créances qui étaient prescrites en application de la loi du 31 décembre 1968 à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement invoquer à hauteur d'appel l'application des dispositions de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002 précitée, dès lors que leur créance était prescrite en application de la loi du 31 décembre 1968 à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X, M. Z et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande en accueillant l'exception de prescription quadriennale opposée par le directeur du centre hospitalier général de Neufchâteau ;

Sur les conclusions à fin de remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges :

Considérant, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, que la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges dans le cadre de l'instance ouverte par la requête des consorts X-Z, et tendant au remboursement des débours qu'elle a exposés à la suite des hospitalisations et du décès de Mme X, a également été enregistrée après l'expiration du délai de prescription quadriennale ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier général de Neufchâteau aux conclusions présentées en appel par ladite caisse, les conclusions à fin de remboursement présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par les consorts X et Z doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête susvisée de M. Michel X, Mme Evelyne X et M. Philippe Z, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel X, Mme Evelyne X et M. Philippe Z, au centre hospitalier général de Neufchâteau et à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges.

2

N° 99NC01831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC01831
Date de la décision : 02/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : BEYER-BUCHWALTER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-12-02;99nc01831 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award