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02/12/2004 | FRANCE | N°99NC01007

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 02 décembre 2004, 99NC01007


Vu, enregistrée le 23 juin 1999, la décision en date du 2 juin 1999 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Nancy la requête présentée à tort à la cour administrative d'appel de Nantes le 5 mai 1999 par Mme Béatrice Y ;

Vu la requête, enregistrée à la Cour de céans le 7 mai 1999, complétée par mémoires enregistrés les 23 juin 1999, 13 juin 2003 et 5 novembre 2004, présentée pour Mme Béatrice X élisant domicile à ..., par Me Weyl, avocat ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annule

r le jugement en date du 2 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif de Châlons...

Vu, enregistrée le 23 juin 1999, la décision en date du 2 juin 1999 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de Nancy la requête présentée à tort à la cour administrative d'appel de Nantes le 5 mai 1999 par Mme Béatrice Y ;

Vu la requête, enregistrée à la Cour de céans le 7 mai 1999, complétée par mémoires enregistrés les 23 juin 1999, 13 juin 2003 et 5 novembre 2004, présentée pour Mme Béatrice X élisant domicile à ..., par Me Weyl, avocat ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 2 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 9 mai 1995 par laquelle le ministre de l'agriculture et de la pêche a rejeté sa demande tendant à ce qu'elle soit reclassée dans le corps des adjoints administratifs en tenant compte des services accomplis antérieurement au sein de la chambre des métiers de l'Aube ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susvisée ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme égale à la différence entre la rémunération qui lui aurait été servie en tenant compte de ses services antérieurs et celle qui lui a été effectivement versée depuis le 1er septembre 1992, assortie des intérêts légaux à compter du 23 mars 1995 pour les sommes échues à cette date, et les intérêts légaux décomptés à compter de leur exigibilité mensuelle pour les sommes ultérieures, lesdits intérêts étant capitalisés en application de l'article 1154 du code civil ;

4°) de procéder à la reconstitution de sa carrière pour la période courant depuis le 1er septembre 1992 en tenant compte de la durée moyenne d'avancement des membres du corps des adjoints administratifs des services extérieurs ;

5°) d'établir le compte des rémunérations qui auraient dû lui être servies en considération de ce classement et de cette reconstitution de carrière ;

6°) d'établir mois par mois le compte du différentiel de rémunération tel que défini ci-dessus ;

7°) d'ordonner à l'administration la communication des justificatifs du reclassement et de ces décomptes ;

8°) de procéder au mandatement des sommes dues ;

9°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit, le tribunal administratif ayant fondé sa décision sur des textes qui n'étaient plus en vigueur ;

- la requérante, qui relève du personnel administratif de la chambre des métiers de l'Aube, a la qualité de personnel statutaire et d'agent de droit public ; elle peut donc se prévaloir du bénéfice des dispositions de l'article 6 du décret du 27 janvier 1970 relatif aux non titulaires afin que ses services au sein de la chambre des métiers soient pris en compte dans le cadre de son reclassement, sauf à lui appliquer subsidiairement les dispositions de l'article 5 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2001, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ; en particulier, la requérante ne relevait pas du régime statutaire du personnel des chambres des métiers mais était un agent contractuel soumis aux règles du droit privé, comme l'atteste le contenu de son contrat de travail ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 52-113 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, de commerce et des chambres des métiers ;

Vu le décret n° 70-78 du 27 janvier 1970 ;

Vu le décret n° 70-79 du 27 janvier 1970 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2004 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Weyl, avocat de Mme X,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que pour rejeter les conclusions de Mme X dirigées contre la décision en date du 9 mai 1995 par laquelle le ministre de l'agriculture et de la pêche a rejeté la demande de l'intéressée tendant à ce qu'elle soit reclassée dans le corps des adjoints administratifs des services extérieurs de l'Etat en tenant compte des services accomplis antérieurement au sein de la chambre des métiers de l'Aube, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur ce que l'agent, recrutée en qualité d'adjoint administratif stagiaire à compter du 1er septembre 1992, ne remplissait pas les conditions posées par l'article 6 bis du décret n° 70-79 du 27 janvier 1970 relatif à l'organisation des catégories des fonctionnaires des catégories C et D ; que, cependant, cet article avait été abrogé par l'article 6 du décret n° 89-69 du 4 février 1989 et n'était donc pas opposable à l'intéressée ; que, par suite, Mme X est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par les parties en première instance et en appel ;

Considérant, en premier lieu, qu'à supposer même, comme le prétend le ministre, que le courrier du 13 septembre 1993, par lequel l'administration a fait connaître à Mme X son refus de faire droit en l'état à sa demande de reclassement et a invité celle-ci à produire des documents complémentaires, puisse être regardé comme une décision faisant grief, il est constant que cette lettre ne comportait pas la mention des voies et délais de recours et ne pouvait dès lors faire courir le délai du recours contentieux ; qu'il s'ensuit qu'en raison du caractère non définitif de cet acte, le ministre ne saurait en tout état de cause se prévaloir du caractère confirmatif de la décision de refus postérieure en date du 9 mai 1995 pour soutenir que le recours pour excès de pouvoir dirigé contre cette seconde décision était tardif ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 du décret du 27 janvier 1970 relatif à l'organisation des catégories des fonctionnaires des catégories C et D, les agents non titulaires de l'Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics qui en dépendent, recrutés par application des règles statutaires normales à l'un des grades ou emplois mentionnés à l'article 1er ci-dessus sont classés en prenant en compte à raison des trois quarts de leur durée les services civils qu'ils ont accomplis, sur la base de la durée moyenne de service exigée pour chaque avancement d'échelon. ;

Considérant que, sauf lorsqu'une disposition législative en dispose autrement, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'une personne publique gérant un service public administratif sont soumis, dans leurs rapports avec cette personne et quel que soit leur emploi, à un régime de droit public ;

Considérant que les chambres des métiers sont des établissements publics administratifs de l'Etat ; que Mme X exerçait les fonctions de sténo-dactylographe au sein du centre des formations des apprentis géré par la chambre des métiers de l'Aube et travaillait ainsi pour le compte d'un service public administratif géré par une personne publique ; que, dès lors, l'intéressée avait nécessairement la qualité d'agent contractuel de droit public, sans qu'y puisse faire obstacle la circonstance que son contrat d'embauche initial prévoyait l'application des règles de droit privé eu égard au caractère temporaire des fonctions ; que, par suite, Mme X, qui entrait ainsi dans le champ d'application du dispositif de reclassement applicable aux agents non titulaires prévu par l'article 6 du décret du 27 janvier 1970, est fondée à soutenir que la décision du 9 mai 1995 par laquelle le ministre de l'agriculture et de la pêche a rejeté sa demande de reclassement était entachée d'erreur de droit ;

Considérant qu'il suit de là que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 mai 1995 susvisée ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant d'une part, que par lettre reçue le 23 mars 1995, Mme X a saisi le ministre chargé de l'agriculture d'une demande tendant à ce que l'administration régularise sa situation de carrière et procède à son reclassement par la prise en compte de ses services antérieurs au sein de la chambre des métiers de l'Aube en application du décret du 27 janvier 1970 avec toutes les conséquences de droit, y compris sur le complément de rémunération résultant de ce reclassement et a sollicité à ce titre le versement d'une somme de 20 000 F à parfaire ; que dans les termes dans lesquels elle était rédigée, cette demande de reclassement et de reconstitution de carrière en application de la réglementation en vigueur, qui n'avait d'ailleurs pas à être obligatoirement chiffrée, devait être regardée comme tendant nécessairement à la prise en compte de l'ensemble des services au sein de la chambre des métiers à la condition qu'ils fussent exercés dans le cadre d'un contrat de droit public et a pu ainsi valablement lier l'ensemble du contentieux indemnitaire soulevé par la requérante, y compris les prétentions pécuniaires concernant la période contractuelle antérieure au 12 décembre 1981 ; que, dès lors, le ministre de l'agriculture n'est pas fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires se rapportant à la période du 12 décembre 1980 au 12 décembre 1981 étaient nouvelles par rapport à la demande préalable ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée ;

Considérant, d'autre part, que du fait de l'illégalité de la décision de refus opposée à sa demande de reclassement, la requérante est fondée à demander le paiement d'une indemnité égale à la différence entre la rémunération qui aurait dû lui être servie en tenant compte de ses services antérieurs exercés au sein de la chambre des métiers de l'Aube du 12 décembre 1980 au 31 août 1991et celle qu'elle a effectivement perçue à compter du 1er septembre 1992 ;

Considérant toutefois que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer exactement le montant de l'indemnité dont s'agit ; que, par suite, il y a lieu de renvoyer la requérante devant le ministre chargé de l'agriculture pour que celui-ci procède à la liquidation de ladite somme ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant, d'une part, que Mme X a droit aux intérêts légaux à compter du 23 mars 1995, date de réception par l'administration de la demande préalable formée par l'intéressée, pour les sommes échues à cette date ; que la capitalisation de ces intérêts a été demandée le 10 mai 1999 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation de ces intérêts ;

Considérant, d'autre part, que Mme X a droit aux intérêts légaux des sommes qui lui sont dues pour chacun des mois écoulés depuis le 23 mars 1995 à compter de leur échéance respective, lesdits intérêts étant capitalisés en application de l'article 1154 du code civil à chaque échéance annuelle ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme X, la présente décision implique nécessairement de prescrire à l'Etat de procéder, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt, d'une part, au reclassement de Mme X dans le corps des adjoints administratifs des services extérieurs de l'Etat ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière en tenant compte des services accomplis antérieurement au sein de la chambre des métiers de l'Aube à compter du 12 décembre 1980, et, d'autre part, à la liquidation et au mandatement des sommes dues telles que décrites par la présente décision ; que les autres mesures d'exécution sollicitées ne sauraient être regardées comme impliquées nécessairement par le présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu par suite d'y faire droit ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Mme X une somme de 700 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 2 mars 1999 est annulé, ensemble la décision en date du 9 mai 1995 par laquelle le ministre de l'agriculture et de la pêche a rejeté la demande de Mme X tendant à ce qu'elle soit reclassée dans le corps des adjoints administratifs en tenant compte des services accomplis antérieurement au sein de la chambre des métiers de l'Aube.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme X une somme égale à la différence entre la rémunération qui aurait dû lui être servie en tenant compte de ses services antérieurs exercés au sein de la chambre des métiers de l'Aube du 12 décembre 1980 au 31 août 1991et celle qu'elle a effectivement perçue depuis le 1er septembre 1992. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter à compter du 23 mars 1995 et les intérêts échus le 19 mai 1999 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts. Les sommes dues pour chacun des mois écoulés depuis le 23 mars 1995 porteront intérêts au fur et à mesure de leurs échéances, lesdits intérêts étant capitalisés en application de l'article 1154 du code civil à chaque échéance annuelle.

Article 3 : Mme X est renvoyée devant l'administration afin qu'il soit procédé à la liquidation de la somme représentative de la rémunération, assortie des intérêts susmentionnés, qui lui est due sur les bases définies par la présente décision.

Article 4 : Il est prescrit au ministre chargé de l'agriculture de procéder, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, au reclassement et à la reconstitution de la carrière de Mme X selon les dispositions de l'article 6 du décret n° 70-79 du 27 janvier 1970 à compter du 1er septembre 1992 ainsi qu'à la liquidation et au mandatement de la somme telle que définie aux articles 2 et 3 ci-dessus.

Article 5 : L'Etat versera à Mme X une somme de 700 € (sept cents) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Béatrice X et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

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N° 99NC01007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC01007
Date de la décision : 02/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : WEYL PICARD-WEYL PLANTUREUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-12-02;99nc01007 ?
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