Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la Cour le 29 janvier 2001, complétée par les mémoires enregistrés les 2 et 22 février 2001, 10 juillet et 18 octobre 2002, présentée pour M. Alain Y élisant domicile ..., par Me Foughali, avocat ;
M. Y demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 993202-993811 en date du 5 décembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 19 mars et 11 août 1999 par lesquels le recteur de l'académie de Nancy-Metz l'a, d'une part, suspendu de ses fonctions pour une période de quatre mois et, d'autre part, affecté au lycée technique la Briquerie de Thionville à compter du 1er septembre 1999 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 180 000 F, en réparation des préjudices subis ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 133 F, en réparation du préjudice résultant du non versement de ses cotisations mutualistes pendant la période du 1er octobre 1999 au 31 janvier 2001 ;
Il soutient que :
- le recteur n'a pas, comme il en avait l'obligation, procédé à la saisine immédiate du conseil de discipline ;
- les rapports qui ont servi de fondement à la suspension sont gravement mensongers ;
- contrairement aux affirmations du tribunal, aucun manquement à l'obligation d'obéissance ne peut lui être reproché ;
- il n'a pas été averti du jour de l'audience publique et que le second mémoire en réplique n'a pas été pris en compte par le juge ;
- la mise en oeuvre de la procédure d'abandon de poste à compter du 1er octobre 1999 est dépourvue de fondement ;
- aucune nécessité de service ne justifie le déplacement d'office, son poste ayant été supprimé ;
- la mesure de suspension est entachée de détournement de procédure et abus de pouvoir ;
- il aurait dû bénéficier de la protection instituée par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- il a subi un préjudice moral, corporel et pécuniaire ;
- le recteur ne pouvait, sans saisir la CAP réunie en formation disciplinaire, prendre la décision de mutation d'office ;
- le non-paiement des cotisations à la mutuelle résulte directement de la décision illégale du recteur qui l'a considéré en abandon de poste ;
- il aurait dû être rétabli dans ses fonctions le 22 juillet 1999, ce qui a pour conséquence l'illégalité de l'arrêté du 11 août 1999 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 9 et 25 Juillet 2001, présentés par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- à la lecture des rapports produits au dossier, la mesure de suspension était justifiée ;
- la mutation n'a pas de fondement disciplinaire mais relevait de l'intérêt du service par suite de la mauvaise entente entre l'agent et son supérieur ;
- les conclusions indemnitaires relatives aux prestations sont irrecevables, faute de demande préalable ; qu'en tout état de cause, ces prestations sont dues par l'agent ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 91-462 du 14 mai 1991 ;
Vu le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;
Vu l'arrêté du 18 juillet 1991 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2004 :
- le rapport de Mme Monchambert, président ;
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 107 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable devenu l'article R. 431-1 du code de justice administrative : lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 108 (devenu l'article R. 431-2), les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 211 et suivants (devenu l'article R. 751-3 et suivants) ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ; qu'il ressort des pièces du dossier transmis par le tribunal administratif que l'avis d'audience prévu à l'article R. 193 du même code alors en vigueur, devenu l'article R. 711-2 du code de justice administrative, a été régulièrement adressé par courrier en date du 11 octobre 2000 par le greffe de ce tribunal administratif à l'avocat de M. Y qui en a accusé réception le 16 octobre 2000 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le requérant n'aurait pas été averti du jour de l'audience du Tribunal administratif de Strasbourg ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. Y n'apporte pas la preuve qui lui incombe et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait, ainsi qu'il l'allègue, déposé un mémoire en réplique aux mémoires en défense du recteur de l'académie de Nancy-Metz ; que, dans ces conditions, M. Y n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges n'auraient pas tenu compte de tous les mémoires déposés et que le jugement attaqué serait, de ce fait, intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ;
Sur les conclusions dirigées contre la suspension :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de suspension contestée a été prise au motif que M. Y, ouvrier professionnel affecté au collège Le Breuil à Talange, perturbe très gravement la vie de la communauté éducative de l'établissement ; qu'il résulte cependant de l'instruction que le recteur, qui n'a engagé aucune procédure disciplinaire à l'encontre de l'intéressé, s'est fondé sur trois rapports du principal du collège faisant état d'incidents entre cet agent et ses supérieurs hiérarchiques et notamment la gestionnaire de l'établissement ; que cet ensemble de griefs ne suffit pas à caractériser l'existence d'une faute grave qui aurait été commise par M. Y ; qu'en outre, si l'un des rapports souligne l'état psychique de l'intéressé, le recteur ne pouvait se fonder sur cette circonstance pour prendre la mesure de suspension contestée en l'absence de toute situation d'urgence mettant en cause la sécurité des personnes et des biens ; qu'ainsi, le recteur a entaché sa décision d'une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que M. Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 7 novembre 2000, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de sa demande relative à la suspension et à demander l'annulation de l'arrêté en date du 19 mars 1999 ;
Sur les conclusions dirigées contre la mutation d'office :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mutation de M. Y au lycée technique La Briquerie à Thionville a été décidée en raison du caractère conflictuel de ses relations avec sa hiérarchie et avec certains de ses collègues et des conséquences de cette situation sur la vie du collège ; qu'il n'est pas établi que le nouveau poste sur lequel a été nommé le requérant comportât un déclassement de celui-ci qui pourrait être constitutif d'une sanction ; qu'ainsi, la décision de mutation prise par le recteur de l'académie de Nancy-Metz, qui avait d'ailleurs compétence pour la prendre, ne présente pas, dans les conditions où elle est intervenue, le caractère d'une sanction disciplinaire mais constitue une mutation d'office prononcée dans l'intérêt du service ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que cette mesure soit intervenue sans qu'ait été respectée la procédure disciplinaire et de ce qu'aucune faute susceptible d'entraîner une sanction ne saurait lui être reproché sont, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, inopérants ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la mise en oeuvre de la procédure d'abandon de poste à compter du 1er octobre 1999 est dépourvue de fondement est inopérant à l'encontre de l'arrêté contesté du 11 août 1999 ; qu'il en est de même du moyen tiré de ce que l'intéressé n'aurait pas bénéficié de la protection instituée par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, qu'en tant que le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de sa demande relative à la suspension ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices consécutifs aux arrêtés du recteur de l'académie de Nancy-Metz constituent des demandes nouvelles en appel et sont par suite, irrecevables ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 7 novembre 2000 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. Y dirigées contre l'arrêté du 19 mars 1999.
Article 2 : L'arrêté du 19 mars 1999 par lequel le recteur de l'académie de Nancy-Metz a suspendu M. Y de ses fonctions pour une période de quatre mois est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain Y et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
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