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14/10/2004 | FRANCE | N°99NC01014

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 14 octobre 2004, 99NC01014


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 mai 1999, complétée par le mémoire enregistré le 30 décembre 1999, présentée pour le SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD dont le siège est fixé à l'Hôtel de Ville de Saint-Avold (57501), par Me Jung, avocat ;

Le SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 952338 en date du 9 mars 1999 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il l'a déclaré pour partie responsable des dégradations affectant la voirie de la ZAC de Carling et

a rejeté ses conclusions dirigées contre l'entreprise Atecba ;

2°) de condamn...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 mai 1999, complétée par le mémoire enregistré le 30 décembre 1999, présentée pour le SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD dont le siège est fixé à l'Hôtel de Ville de Saint-Avold (57501), par Me Jung, avocat ;

Le SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 952338 en date du 9 mars 1999 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il l'a déclaré pour partie responsable des dégradations affectant la voirie de la ZAC de Carling et a rejeté ses conclusions dirigées contre l'entreprise Atecba ;

2°) de condamner in solidum la société Acteba et l'entreprise Tramalor à lui verser la somme de 637 392 francs, ladite somme étant assortie des intérêts légaux à compter de l'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Strasbourg, ces intérêts étant capitalisés ;

3°) de condamner in solidum la société Acteba et l'entreprise Tramalor à lui verser la somme de 15 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Le SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD soutient que :

- il était lié à la société Atecba par un contrat de maîtrise d'oeuvre relatif à la construction de l'ouvrage public litigieux, ce qui justifie que la responsabilité de l'entreprise soit engagée ;

- la société Acteba a assuré, même à titre partiel, une mission de maîtrise d'oeuvre ;

- l'expert a clairement attribué la survenance des désordres à un défaut de direction et de surveillance des travaux ;

- il n'encourt aucune part de responsabilité ;

- il dispose d'une action directe qui est recevable, nonobstant la non vérification des créances ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 août 1999, présenté pour la société Atecba par Me Schmitt, avocat ; la société Acteba conclut au rejet de la requête et à la condamnation du SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD à lui verser une somme de 15 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

La société Atecba soutient que :

- l'action du syndicat est irrecevable, la créance n'ayant pas été déclarée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ;

- les travaux ont été interrompus pendant trois mois et la chaussée utilisée de manière intensive avant que la société ne se soit vu confier une mission qui ne peut s'analyser comme une mission complète de maîtrise d'oeuvre et était limitée aux travaux de sauvegarde ;

- contrairement à ce que soutient l'expert, les désordres ne sont pas généralisés et des réfections ponctuelles sont suffisantes ;

- la couche définitive d'enrobé reste entièrement à la charge du SIVOM dans le cadre de la finition de la chaussée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 août 1999, présenté par M. X, gérant de la société Tramalor ; la société Tramalor conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- l'action du syndicat est irrecevable, la créance n'ayant pas été déclarée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ;

- la responsabilité principale des désordres incombe au SIVOM puisque les travaux n'étaient que provisoires et non adaptés à la circulation des poids lourds ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2004 :

- le rapport de Mme Monchambert, président ;

- les observations de Me Harter, pour la SCP Jung, Jung-Lambert, Harter, avocat du SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD, et de Me Schmitt, avocat de la SA Atecba, représentée par M. Jean-Patrick Douillet, mandataire liquidateur,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la société Atecba et la société Tramalor :

Considérant que les dispositions des articles 47 à 53 de la loi du 25 janvier 1985, d'où résulte le principe de l'obligation qui s'impose aux collectivités publiques comme à tous autres créanciers de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés, ne comportent pas de dérogation aux dispositions régissant les compétences respectives des juridictions administratives et judiciaires ; que les dispositions des articles 65 et suivants du décret du 27 décembre 1985 n'ont ni pour objet ni pour effet d'instituer une telle dérogation ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que s'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées, le juge administratif est compétent pour connaître de l'action par laquelle une collectivité publique tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement puis de liquidation judiciaire ; que la circonstance que la collectivité n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle dans le délai fixé à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 et n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion dans les conditions prévues par l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 70 du décret du 27 décembre 1985 reste sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur de telles conclusions, dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et ce, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance ;

Considérant que, par suite, les conclusions de la requête du SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD dirigées contre les sociétés Atecba et Tramalor, qui toutes deux ont fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire et qui tendent à la réparation des désordres précités par les constructeurs, ne sont entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative et sont, contrairement à ce que lesdites sociétés soutiennent, recevables ;

Au fond :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné en référé par le président du Tribunal administratif de Strasbourg, que les dégradations affectant la voirie de la ZAC de Carling dite route de Haslach sont imputables au nivellement de la couche de roulement 4 ou 5 cm en dessous des caniveaux, empêchant ainsi tout écoulement des eaux de ruissellement de chaussée par le réseau de collecte et provoquant ainsi une humidité permanente de la chaussée le long des caniveaux et, en période de pluie, la stagnation de l'eau sur la chaussée et dans la couche de roulement ; que ces désordres apparus dans toute leur ampleur le 11 janvier 1994, postérieurement à la réception des travaux prononcée sans réserve le 21 juillet 1993, rendent, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'ouvrage impropre à sa destination ; que trouvant leur origine dans les fautes de conception, de direction et d'exécution des travaux, ils sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs envers le maître de l'ouvrage sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Considérant que la garantie en cause ne pèse que sur les personnes qui ont été liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage relatif à la construction des bâtiments concernés ; qu'il résulte de l'instruction que le SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD, après avoir initialement délégué la maîtrise d'ouvrage des travaux de voirie à la Société d'équipement du bassin lorrain (SEBL) en sa qualité de concessionnaire de la ZAC de Carling, a, à la suite d'un différend avec celle-ci, décidé de reprendre la maîtrise d'ouvrage ; que renonçant à confier la maîtrise d'oeuvre à la société Espace architecture qui avait été désignée par SEBL, le président du syndicat a, par lettre du 20 avril 1993, proposé à la société Acteba d'assurer la finition des travaux interrompus depuis le 8 février 1993 et lui a demandé de lui faire une offre de mission sur la base du marché passé entre la société Tramalor et SEBL et de la situation du chantier à cette date ; que par un second courrier du 6 mai 1993, le président du syndicat l'a invitée à prendre contact avec ses services et la société Tramalor de façon à contrôler les travaux à exécuter sans délai ; que la société Acteba a, dans ces conditions, sur la base du mémoire qu'elle avait proposé le 4 mai 1993, organisé le suivi du chantier, en a assuré la surveillance, contrôlant la situation des entreprises intervenantes, et organisé la réception des travaux ; qu'ainsi, tant la responsabilité de la société Acteba que celle de la société Tramalor se trouvent engagées sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que, par suite, le SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD est fondé à soutenir que c'est à tort que Tribunal administratif de Strasbourg, a, par le jugement attaqué, jugé que la responsabilité de la société Acteba ne pouvait être recherchée dans le cadre d'une action en garantie décennale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que contrairement à ce qu'il soutient, le SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD a commis des négligences fautives qui ont contribué à la survenance et à l'aggravation des désordres en laissant, du 8 février 1993 au 11 mai 1993, la route ouverte à la circulation eu égard à l'intensité du trafic de poids lourds en direction d'Europort et en ne précisant pas lors de la reprise des travaux l'étendue des missions confiées aux constructeurs ; que dans ces conditions, la société Atecba est fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Strasbourg n'a pas fait une juste appréciation de la part de responsabilité qui incombe au SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à sa charge 60 % des conséquences dommageables des désordres affectant la voie ;

Sur le montant des indemnités mises à la charge des constructeurs :

Considérant qu'il ressort des conclusions de l'expert que le coût des travaux de réparation à mettre en oeuvre peut être évalué à 637 392 francs (97 169,78 euros) ; qu'en se bornant à soutenir que les dégradations de la couche de roulement ne sont que très localisées et qu'il n'y aurait pas lieu de procéder au rabotage de la chaussée, la société Atecba n'en établit pas le caractère excessif ; que compte tenu du partage de responsabilité opéré, il y a lieu de condamner solidairement la société Atecba et la société Tramalor à payer au SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD une somme de 38 867, 90 euros, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la demande devant le Tribunal administratif de Strasbourg, soit le 4 septembre 1995 ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond et que, si cette demande prend effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée - pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière - la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que le SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD avait présenté le 22 septembre 1997 une demande de capitalisation des intérêts à laquelle le tribunal, qui lui a alloué les intérêts du principal à compter du 4 septembre 1995, a fait droit pour les intérêts échus au 22 septembre 1997 ; qu'il y a lieu, dès lors, de réformer également sur ce point le jugement attaqué et de faire droit à cette demande à chaque échéance annuelle à compter du 22 septembre 1997 ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise à la charge de la société Atecba et de la société Tramalor ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées du SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD et de la société Acteba présentées sur ce fondement ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 9 mars 1999 est annulé en ce qu'il a mis hors de cause la société Atecba et réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 2 : La société Acteba et la société Tramalor verseront conjointement au SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD une somme de trente-huit mille huit cent soixante-sept euros quatre-vingt-dix centimes (38 867,90 €). Ladite somme portera intérêt au taux légal à compter du 4 septembre 1995. Les intérêts échus à chaque échéance annuelle à compter du 12 mai 1997 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis conjointement à la charge de la société Atecba et de la société Tramalor.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD et l'appel incident de la société Acteba sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au SYNDICAT A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-AVOLD, à la société Atecba, représentée par M. Jean-Patrick Douillet, mandataire liquidateur et à la société Tramalor, représentée par Me Daniel Koch, administrateur judiciaire.

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N° 99NC01014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC01014
Date de la décision : 14/10/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : JUNG-JUNG-LAMBERT-HARTER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-10-14;99nc01014 ?
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