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10/05/2004 | FRANCE | N°99NC02373

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme f°/ 1ere chbre - formation a 3, 10 mai 2004, 99NC02373


Vu la requête et le mémoire complémentaire en date des 23 novembre 1999 et 13 février 2002 présentés pour la société anonyme OTH EST dont le siège est 4, rue Lafayette à Metz (57015), représentée par son président et par Me Grau, avocat ;

Elle demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement en date du 7 septembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Chalons en champagne a, avant de statuer sur la demande de la société Pertuy tendant à la condamnation de la Ville de Reims à lui verser la somme de 17 626 260 34 francs, et celle de 100 000 francs au titre de

l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administrative...

Vu la requête et le mémoire complémentaire en date des 23 novembre 1999 et 13 février 2002 présentés pour la société anonyme OTH EST dont le siège est 4, rue Lafayette à Metz (57015), représentée par son président et par Me Grau, avocat ;

Elle demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement en date du 7 septembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Chalons en champagne a, avant de statuer sur la demande de la société Pertuy tendant à la condamnation de la Ville de Reims à lui verser la somme de 17 626 260 34 francs, et celle de 100 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, ordonné une expertise ;

22) de rejeter les demandes présentées devant le Tribunal ;

3°) de condamner tout succombant à lui verser la somme de 20 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code de justice administrative ;

Code : C

Plan de classement : 54-04-02-02

39-05-01-02

Elle soutient qu'en ce qui concerne l'action principale de la société Pertuy à l'encontre de la ville de Reims, elle est irrecevable dès lors que la procédure prévue à l'article 50.21 du cahier des clauses administratives générales ( CCAG ) n'ayant pas été respectée, elle est forclose ;

- elle est infondée dès lors qu'en ce qui concerne le préjudice né du retard d'exécution des travaux réalisés en 32 mois au lieu de 21 mois, la société Pertuy en acceptant l'avenant n°1 au marché prenait en compte l'exécution des travaux supplémentaires comprenant la prolongation du chantier et le maintien du prix forfaitaire ;

- la commune est également à l'origine d'erreurs ayant entraîné des retards d'une durée supérieure à quatre mois ;

- en ce qui concerne l'action en garantie de la commune à son encontre, c'est à tort que le Tribunal n'a pas statué sur l'irrecevabilité soulevée dans la mesure où la réception des travaux, à effet du 12 juillet 1994, avait mis fin à toute action de nature contractuelle entre elles, et que les prétentions de la société Pertuy étaient déjà connues du maître d'ouvrage ;

-l'action est infondée dans la double mesure où la Ville de Reims n'apporte aucune justification à sa demande en garantie, et que les causes du retard ne lui sont pas imputables ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrés les 16 février 2000 et 18 mars 2003, les mémoires présentés pour M. Jean-Loup Y, demeurant ..., M. Henri Z, demeurant ..., M. Jacques A demeurant ..., ayant pour avocat, Me Barre, avocat, tendant aux mêmes fins que la requérante en ce qui concerne l'annulation du jugement, subsidiairement, au rejet de l'appel en garantie formé par la Ville de Reims à leur encontre, à la condamnation de la société OTH EST à les garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre eux, à la condamnation de tout contestant à leur verser la somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

Ils soutiennent que :

- l'action principale de la société Pertuy à l'encontre de la Ville de Reims est irrecevable en raison de la forclusion opposable en application des articles 50-11, 50-12, 50-21 du CCAG et elle est mal fondée ;

- la réception de l'ouvrage a mis fin aux rapports contractuels entre maître d'ouvrage et locateurs ;

- la garantie ne peut être accordée dans la mesure où les missions qui leur ont été confiées sont sans lien avec la demande de Pertuy ;

- si une responsabilité devait leur être imputée, ils sont fondés à demander la garantie de la société OTH EST ;

Vu enregistré les 6 mars 2002, 7 mars 2003, les mémoires présentés pour la société Pertuy Construction dont le siège se trouve 20, rue Blaise Pascal à Maxéville (Meurthe et Moselle ) par Me Boucly, avocat, tendant au rejet de la requête, à la condamnation in solidum des appelants à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- le jugement avant dire-droit n'a pas statué sur les appels en garantie de la Ville de Reims ;

- sa réclamation n'était pas tardive, les prescriptions du CCAG ayant été respectées, et en ne se prononçant pas sur le moyen tiré de sa renonciation supposée à réclamation, le Tribunal a implicitement mais nécessairement écarté la thèse de la renonciation ;

- la désignation d'un expert ayant effectivement pour but de déterminer les causes du retard et l'ampleur du préjudice qui en résultent, les observations sur l'absence de préjudice sont prématurées et déplacées d'autant que les autres parties ne sont pas d'accord sur l'absence ou l'existence même minime d'un préjudice ;

- le Tribunal n'ayant pas statué sur les appels en garantie, la cour ne peut juger de cette question ;

- la faute des appelés en garantie ne serait pas de nature à atténuer la responsabilité de la commune dès lors qu'elle est inopposable à son cocontractant ;

- il n'y a pas lieu de faire droit à la demande en sursis ;

Vu enregistré le 13 juin 2002, le mémoire présenté pour la ville de Reims représentée par son maire, par Mes Coutard et Meyer, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il est dirigé à son encontre, au rejet des conclusions des appelants principaux et incidents en tant qu'elles concernent l'appel en garantie formée contre eux, à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport de l'expert ;

Elle soutient qu'en raison du dépôt prévisible du rapport de l'expert fin octobre 2002, les responsabilités de chacun seront clarifiées ;

Elle souscrit aux observations des appelants tirées de l'application de la forclusion ;

Elle s'oppose aux conclusions tendant à la mise hors de cause des appelés en garantie en application de la jurisprudence Forrer, mais rappelle que même dans cette hypothèse, la faute du maître d'oeuvre aurait pour conséquences d'atténuer la responsabilité du maître d'ouvrage ;

Vu enregistré le 8 mars 2004 le mémoire présenté pour la société anonyme OTH EST par Me Grau, avocat ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 21 mars 2003 à 16 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2004 :

- le rapport de M. JOB, Président,

- les observations de Me ANDRIEU du Cabinet Grau, avocate de la Société OTH EST et de Me BOUCLY, avocat de la Société PERTUY,

- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'en raison du préjudice qu'elle allègue avoir subi du fait de la Ville de Reims dans l'exécution du marché de construction du conservatoire national de région de musique et de danse de Reims, la société Pertuy a demandé au Tribunal administratif de Chalons en champagne la condamnation de la Ville de Reims à lui verser la somme de 17 626 260 34 francs ; que la commune a appelé en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle la maîtrise d'oeuvre M. Jean-Loup Y, M. Henri Z, M. Jacques A, la société OTH EST et M. X ; que ce dernier et les trois architectes ont également formé un appel en garantie contre la société OTH EST ; que, par le jugement du 7 septembre 1999 attaqué, le Tribunal se réservant en fin d'instance la connaissance de tous droits et moyens des parties sur lesquels il ne statuait pas expressément a, dans les rapports de la société Pertuy avec la Ville de Reims, d'une part, écarté la fin de non-recevoir opposée par cette dernière tirée de la forclusion de la demande en application de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales (CCAG), et celle tirée de l'augmentation des prétentions chiffrées de la société Pertuy ; que, d'autre part, jugeant la demande de la société Pertuy recevable, il a ordonné une expertise à l'effet de rechercher et préciser la part incombant au retard de production de plans dans celui des travaux réalisés par elle, de dire si des erreurs de réalisation qu'elle aurait pu commettre auraient pu concourir, et dans quelle proportion, à ce retard ; de dire quels sont les coûts supplémentaires que la société Pertuy aurait eu à supporter à raison du retard pris dans la réalisation des travaux dont elle avait la charge, en excluant toute dépense qui aurait normalement été supportée par elle en application tant de l'acte d'engagement que des avenants portant travaux supplémentaires ;

Sur les conclusions de la Ville de Reims fondées sur la demande de la société Pertuy à son encontre :

Sur les fins de non recevoir opposées par la ville de Reims tirée de l'application de la forclusion et des stipulations de l'avenant n°1 :

Considérant en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par un avenant au marché lot 2, gros oeuvre d'un montant de 1 648 919 98 TTC en date du 19 mars 1993, la société Pertuy s'est engagée à fournir à la ville de Reims une prestation supplémentaire ; que, si cet avenant prolongeait de 11 mois la durée initiale du chantier dont il portait la durée totale à 32 mois et s'il stipulait que les conditions initiales du marché restaient inchangées, il n'avait ni pour objet, ni pour effet de régler le litige en cours qui ne portait pas sur la durée de la prestation initiale ou supplémentaire mais sur le surcoût supporté par la société Pertuy dans l'exécution du marché initial, et notamment des difficultés de montée en puissance des différents moyens affectés à l'exécution du chantier du fait du maître d'ouvrage ;

Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 50-11 du C.C.A.G. travaux : « Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur sous forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, l'entrepreneur doit remettre au maître d' oeuvre un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations. » ; qu'aux termes de l'article 50-12 du même texte : « Après que ce mémoire a été transmis par le maître d' oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d' oeuvre du mémoire de réclamation. L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur.» ; qu'aux termes de l'article 50-21 du C.C.A.G. : « Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande, il doit, sous peine de forclusion dans un délai de trois mois à compter de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant, aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus. » ; qu'aux termes des dispositions de l'article 50-31 du CCAG travaux : « Si dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné au 21 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. » ; qu'enfin aux termes de l'article 50-32 du cahier des clauses administratives générales : « Si dans le délai de six mois, à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, toute réclamation est irrecevable. » ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces stipulations que tout mémoire remis par l'entreprise au maître d'oeuvre à la suite d'un différend entre ceux-ci, qui indique les montants des sommes dont l'entreprise demande le paiement et expose les motifs de cette demande, présente le caractère d'un mémoire de réclamation ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que les courriers des 27 février et 12 mars 1992 adressés par la société Pertuy au maître d'oeuvre, dès lors qu'ils témoignent d'un différend entre eux, qu'ils indiquent le montant de la somme réclamée et exposent les motifs de la demande doivent être regardés comme des mémoires de réclamation au sens des dispositions de l'article 50-11 du C.C.A.G. travaux ; qu'à supposer qu'en méconnaissance des dispositions de l'article 50-12 dudit CCAG, le maître d'oeuvre n'a pas transmis ces réclamations à la personne responsable du marché et a répondu directement à l'entreprise est sans conséquence dès lors que l'absence de proposition du maître d'ouvrage dans le délai de deux mois de leur réception faisait courir le délai de trois mois au cours duquel la société Pertuy pouvait adresser à ce dernier un mémoire complémentaire développant les raisons de sa demande ; qu'ainsi, et alors que les mémoires des 23 avril et 21 mai 1992 adressés au maître d'ouvrage doivent, en ce qui concerne les montants énoncés aux réclamations initiales d'un montant global de 1 004 380 francs HT, être regardés comme des confirmations des réclamations susvisées, en revanche, les courriers adressés directement au maître d'ouvrage à compter de ces dates ne peuvent être considérés comme des confirmations de réclamations, faute d'avoir été précédés d'une réclamation au maître d'oeuvre ; que dans cette mesure, la ville de Reims est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Chalons en champagne a totalement écarté la fin de non recevoir qu'elle avait opposée à la demande d'indemnisation de la société Pertuy ;

Sur les conclusions à fin de sursis à statuer :

Considérant que quelqu'ait pu être l'avancée des travaux de l'expert, cette circonstance n'est pas de nature à justifier le sursis à statuer sur le présent appel ; que de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions relatives aux appels en garantie :

Considérant qu'un appel n'est recevable que contre le dispositif d'une décision juridictionnelle faisant droit aux conclusions de l'adversaire de ceux considérés comme des appelants ; qu'il ne résulte ni du dispositif, ni des motifs qui en sont le soutien nécessaire que dans son jugement attaqué, le Tribunal a statué sur la recevabilité ou le bien fondé de conclusions d'appel en garantie ; que par suite, les conclusions présentées par la ville de Reims, M. Jean-Loup Y, M. Henri Z, M. Jacques A et M. X sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qui se sont substituées à celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

DECIDE :

ARTICLE 1er : Les conclusions de la Société Pertuy tendant à la condamnation de la Ville de Reims à faire droit à ses réclamations autres que celles formulées les 27 février et 12 mars 1992 sont rejetées.

ARTICLE 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Chalons en Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

ARTICLE 3 : Le surplus des conclusions présenté par la ville de Reims, les conclusions présentées par la société OTH EST, M. Jean-Loup Y, M. Henri Z, M. Jacques A et M. X sont rejetés.

ARTICLE 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société OTH EST, à la ville de Reims, à la société Pertuy, à MM. Jean-Loup Y, Henri Z, Jacques A et X.

4


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. JOB
Rapporteur public ?: Mme SEGURA-JEAN
Avocat(s) : GRAU

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme f°/ 1ere chbre - formation a 3
Date de la décision : 10/05/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 99NC02373
Numéro NOR : CETATEXT000007565203 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-05-10;99nc02373 ?
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