Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 4 juin 2002 sous le n°02NC00599, présentée par Mme Edwige X, demeurant ... ;
Mme X demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement en date du 19 mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2001 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ensemble la décision en date du 25 mai 2001 par laquelle le ministre de la solidarité et de l'emploi a confirmé la décision de l'inspecteur du travail ;
2°) - d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
Code : C
Plan de classement : 66-07-01-04-03
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré du caractère collectif du licenciement économique alors que deux personnes étaient concernées par le projet de réorganisation ;
- l'employeur lui a notifié la suppression de son poste avant le terme de la procédure d'information et de consultation des délégués du personnel ;
- c'est à tort que le Tribunal a estimé légitime le motif économique alors que l'employeur n'a pas démontré l'existence de difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen ou des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise ;
- le jugement attaqué a limité son examen au niveau de l'entreprise alors que les difficultés économiques doivent être appréciées au niveau du groupe ;
- l'employeur a méconnu les dispositions de l'article 91 de la convention collective nationale de l'industrie laitière ;
- le licenciement est en rapport avec sa candidature aux élections au poste de délégué du personnel ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er août 2002, présenté pour la S.N.C. Asmar dont le siège social est 66, rue de la gare 88430 Corcieux par Me Philippot, avocat ; la société Asmar conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme X à lui verser la somme de 914,69 € au titre des frais non compris dans les dépens ;
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2003 par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2004 :
- le rapport de M. WALLERICH, Conseiller,
- les observations de Me PERCEVAL de la SCP LAGRANGE et ASSOCIES, avocate de la SNC ASMAR,
- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que Mme Edwige X demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 19 mars 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mars 2001 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ensemble la décision en date du 25 mai 2001 par laquelle le ministre de la solidarité et de l'emploi a confirmé la décision de l'inspecteur du travail ;
Sur la légalité externe des décisions contestées :
Sur le moyen tiré de la régularité de la procédure :
Considérant qu'en vertu de l'article L.425-1 du code du travail, le salarié qui est investi d'un mandat de délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut être licencié qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'aux termes de l'article L.321-2 du même code : ... les employeurs qui envisagent de procéder à un licenciement pour motif économique sont tenus : 1°) Lorsque le nombre des licenciements pour motif économique envisagés est inférieur à dix sur une période de trente jours : a) de réunir et de consulter, en cas de licenciement collectif, le comité d'entreprise ou les délégués du personnel conformément aux articles L.422-1 ou L 432-1 selon le cas... ; qu'aux termes, enfin, du troisième alinéa de l'article L.422-1 du code du travail : ... dans les entreprises comportant moins de cinquante salariés, les délégués du personnel doivent être réunis et consultés par l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique. Le procès-verbal de cette réunion est transmis à l'autorité administrative compétente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société en nom collectif ASMAR a engagé à la fin de l'année 2000 la réorganisation de son service administratif devant entraîner la suppression de deux postes ; que, lors de la réunion des délégués du personnel du 20 octobre 2000, les représentants du personnel ont été informés de ce projet et de l'engagement de recherches de reclassement pour les deux salariés dont les postes seraient supprimés ; que, suite à son rejet des différentes propositions de reclassement, Mme Edwige X a été licenciée pour motif économique par son employeur le 16 mars 2001 ; que si la requérante fait valoir que l'entreprise n'a pas respecté les procédures de consultation des délégués du personnel prévues à l'article L.321-2 du code du travail susvisé en cas de licenciement collectif, il est constant que la société ASMAR n'a procédé à aucun autre licenciement pour motif économique dans la même période de trente jours ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ladite entreprise aurait envisagé, à un stade quelconque de la procédure, le licenciement d'une seconde employée ; que si la suppression d'un second poste était préconisé par le projet de réorganisation, cette mesure n'impliquait pas nécessairement le licenciement du salarié concerné ; qu'ainsi, Mme X n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait entachée d'irrégularités au motif que les délégués du personnel n'auraient pas été consultés ;
Sur la légalité interne des décisions contestées :
Sur les obligations de reclassement :
Considérant que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
Considérant que pour apprécier les possibilités de reclassement, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique par une société appartenant à un groupe, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société où se trouve l'emploi du salarié protégé concerné par le licenciement ; qu'elle est tenue, dans le cas où cette dernière relève d'un groupe, et pour ceux des salariés qui ont manifesté à sa demande leur intérêt de principe pour un reclassement à l'étranger, de faire porter son examen sur les possibilités de reclassement pouvant exister dans les sociétés du groupe, y compris celles ayant leur siège à l'étranger, dont les activités ou l'organisation offrent à l'intéressé, compte tenu de ses compétences et de la législation du pays d'accueil, la possibilité d'exercer des fonctions comparables ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société a proposé le 13 novembre 2000 à la requérante un reclassement au sein de l'établissement sur un poste de laborantine ; que, suite au rejet de cette proposition par l'intéressée, il a été proposé à Mme X deux autres postes au sein d'une des sociétés du groupe LACTALIS ; que la requérante ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 91 de la convention collective nationale de l'industrie laitière, lesquelles portent sur les mesures applicables en cas de licenciement collectif, pour soutenir qu'elle n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour répondre aux propositions de reclassements qui lui avaient été offertes ; qu'en tout état de cause, la société avait accordé un délai de quatre semaines à la requérante pour faire connaître les suites qu'elle entendait réserver aux propositions de reclassement ;
Sur la réalité des motifs économiques :
Considérant que les difficultés économiques d'une entreprise doivent être appréciées au regard du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'entreprise ASMAR a enregistré une baisse de son chiffre d'affaires depuis 1998 et une dégradation de ses résultats, qui étaient déficitaires en 1999 et 2000 ; que la réorientation de la production sur des produits plus rentables, mais également plus difficiles à traiter entraînant une baisse des volumes produits destinés à un unique client appartenant au groupe Lactalis, ont eu pour effet une diminution sensible, par voie de conséquence, des tâches administratives et comptables au sein de l'entreprise ; que ces missions ont été réparties entre les sociétés du groupe auquel appartenait l'entreprise ASMAR ; qu'ainsi, les difficultés de ce secteur d'activité au sein du groupe justifiaient le licenciement auquel il a été procédé ;
Sur le lien avec la candidature aux élections de délégué du personnel :
Considérant qu'au soutien de sa critique du jugement, Mme X. reprend l'argumentation présentée en première instance ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant le moyen susvisé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme X à payer à la société ASMAR la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
ARTICLE 1er : La requête présentée par Mme Edwige X est rejetée.
ARTICLE 2 : Les conclusions de la SNC ASMAR tendant à la condamnation de Mme Edwige X au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
ARTICLE 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Edwige X et au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.
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