La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/10/2003 | FRANCE | N°99NC00289

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre, 16 octobre 2003, 99NC00289


Vu la requête, enregistrée le 8 février 1999 au greffe de la Cour, complétée par mémoires enregistrés les 28 septembre 1999 et 6 septembre 2000, présentée pour M. François X, demeurant ..., par Me Tarantini, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Fameck soit condamnée à lui verser la somme de 1 874 804,60 francs, assortie des intérêts, en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de la délivrance le 7 juin 1994 d

'un permis de construire annulé le 9 octobre 1995, ainsi que la somme de 225 888 ...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 1999 au greffe de la Cour, complétée par mémoires enregistrés les 28 septembre 1999 et 6 septembre 2000, présentée pour M. François X, demeurant ..., par Me Tarantini, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Fameck soit condamnée à lui verser la somme de 1 874 804,60 francs, assortie des intérêts, en réparation des préjudices qu'il a subis du fait de la délivrance le 7 juin 1994 d'un permis de construire annulé le 9 octobre 1995, ainsi que la somme de 225 888 francs par an, représentant la perte des loyers qu'il aura subie jusqu'au jour de la reconstruction de l'immeuble ;

2°) de condamner solidairement la commune de Fameck et l'Etat à lui verser la somme de 3 586 105,47 francs ;

3°) de condamner la commune de Fameck à lui verser la somme de 25 000 francs sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Code : C+

Classement CNIJ : 68-03-06

Il soutient que :

- la responsabilité de la commune est engagée du fait de l'illégalité du permis de construire accordé le 7 juin 1994 et du fait qu'elle est responsable du plan d'occupation des sols ;

- il a subi un préjudice résultant du coût de la démolition, de la reconstruction, des frais de demande de permis rectificatif ainsi que divers pertes et frais engagés, notamment frais d'avocats et honoraires d'expert ;

- il a subi une perte de loyers sur une période allant du 3 avril 1995 jusqu'au 1er septembre 1999 provisoirement ;

- il a subi, ainsi que son épouse, des troubles dans leurs conditions d'existence ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mai 1999 au greffe de la cour, complété par mémoires en date des 15 juillet 1999 et 27 mars 2000, présentés pour la commune de Fameck par Me Fritsch, avocat ;

La commune de Fameck demande que la Cour :

- donne acte de ce qu'aucune instruction n'avait été donnée à la DDE par la commune pour que les limites du plan d'occupation des sols de 1993 soient modifiées ;

- dise qu'aucune faute n'a été commise par le maire, respectivement la commune de Fameck ;

- déclare irrecevable la demande présentée en appel par Mme X ;

- condamne l'Etat à garantir la commune des condamnations éventuellement prononcées à son encontre ;

Elle soutient que :

- M. X ne peut arguer d'une perte d'un bénéfice escompté issu des loyers des logements ;

- M. X n'apporte aucune précision concernant le montant des travaux inutilement réalisés pour construire ou démolir des parties de construction inutilisées ;

- la DDE était au courant de l'illégalité du permis déposé, qui lui avait été signalée par la famille Secret lors de l'instruction dudit permis ;

- l'imprécision du plan d'occupation des sols est le fait de la DDE, la commune n'ayant pas demandé de révision du secteur de la parcelle appartenant à M. X lors de la révision du plan d'occupation des sols de 1993 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 1999, présenté par le ministre de l'Equipement, du logement et des transports ;

Le ministre conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que la commune de Fameck le garantisse du montant des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Il soutient que :

- les conclusions contre l'Etat sont présentées pour la première fois en appel et sont donc irrecevables ;

- subsidiairement, la commune a commis une faute ;

- les agents de la DDE n'ont ni refusé ni négligé d'exécuter un ordre du maire de Fameck lors de l'instruction du permis de construire, et donc n'ont commis aucune faute ;

- la faute commise par la commune ne prive pas le requérant de réaliser le projet faisant l'objet de la demande ;

- le requérant ne peut prétendre à une indemnisation pour les sommes exposées au titre des frais de procédure ;

- le requérant n'apporte pas la preuve que la démolition et la reconstruction totale du bâtiment seraient nécessaires pour le mettre en conformité avec le plan d'occupation des sols, ce préjudice ne pouvant être pris en compte qu'à hauteur de la demande du requérant émanant de son courrier du 19 décembre 1995, soit 152 257,50 francs toutes taxes comprises ;

- il ne peut prétendre à une indemnisation due à une perte éventuelle des loyers ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2003 :

- le rapport de M. DEWULF, Premier conseiller,

- les observations de Me TADIC substituant Me TARANTINI, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation solidaire de la commune de Fameck et de l'Etat :

Considérant que les conclusions de M. X tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Fameck sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Fameck :

Considérant que l'illégalité du permis de construire délivré au requérant le 7 juin 1994 a été constatée par le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 9 octobre 1995, lequel, en l'absence de tout appel, est devenu définitif ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Fameck envers M. X ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la parcelle pour laquelle a été délivré le permis de construire par le Tribunal administratif de Strasbourg reste susceptible d'être construite ; que, par suite, l'annulation du permis délivré contraint seulement le requérant à présenter une nouvelle demande ; que M. X, qui n'a pas présenté de demande pour un nouveau permis de construire, ne peut prétendre qu'à l'indemnisation des charges correspondant à des prestations pour des travaux qui ne présentent pas d'utilité pour un tel projet ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont refusé de prendre en compte, d'une part, le manque à gagner résultant de la privation des bénéfices escomptés des loyers de logements qui n'auraient pu être légalement construits, qui ne constitue pas un préjudice indemnisable, d'autre part, les travaux engagés pour la construction de l'immeuble résultant du permis de construire annulé ainsi que les travaux non engagés concernant la démolition éventuelle dudit immeuble ;

Considérant, en deuxième lieu, que les frais d'avocat engagés pour sa défense dans le cadre des actions que M. X a introduites devant les juridictions administratives ne sont, par leur nature, pas susceptibles de faire l'objet d'une indemnisation ;

Considérant enfin, que M. et Mme X ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation dudit préjudice en condamnant la commune de Fameck à leur verser la somme de 7 600 euros ; qu'il y a lieu de réformer, dans cette mesure, le jugement attaqué en date du 7 décembre 1998, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg avait rejeté en l'état les conclusions indemnitaires de M. X ;

Sur les conclusions de la commune de Fameck tendant à ce que l'Etat la garantisse des condamnations prononcées à son encontre :

Considérant qu'aux termes de l'article L 421-2-6 du code de l'urbanisme : Le maire ou le président de l'établissement public compétent peut disposer gratuitement, et en tant que de besoin, des services déconcentrés de l'État pour effectuer l'étude technique de celles des demandes de permis de construire sur lesquelles il a compétence pour l'instruction et la décision et qui lui paraissent justifier l'assistance technique de ces services. Pendant la durée de cette mise à disposition, les services et les personnels agissent en concertation permanente avec le maire ou le président de l'établissement public qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qu'il leur confie ; qu'il résulte de ces dispositions que les services départementaux d'Etat de l'équipement, mis à la disposition gratuite de la commune pour l'instruction des permis de construire, agissent sous l'autorité du maire qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont ainsi confiées ; que si la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée envers la commune de Fameck que lorsqu'un agent de l'Etat commet une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire, il résulte de l'instruction que les limites du zonage du secteur du plan d'occupation des sols de 1993 de la commune de Fameck où se trouvait le bâtiment de M. X ont été modifiées par un trait de plume tiré à la main par un agent de la direction départementale de l'équipement plaçant ledit bâtiment en dépassement desdites limites, alors qu'aucune directive n'avait été donnée en ce sens aux services de l'équipement ; que la ville de Fameck est, par suite, fondée à appeler en garantie l'Etat à raison de la faute ainsi commise par les services de l'équipement ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant l'Etat à garantir à hauteur de 75 % la commune de Fameck ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la commune de Fameck à payer à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par celui-ci en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La commune de Fameck est condamnée à verser à. M. X la somme de sept mille six cents euros (7 600 €).

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 3 : La commune de Fameck versera à M. X une somme de mille cinq cents euros (1.500 €) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'Etat garantira à hauteur de 75 % la commune de Fameck des condamnations prononcées à son encontre aux articles 1 et 3 ci-dessus.

Article 5 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. François X, à la commune de Fameck et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 99NC00289
Date de la décision : 16/10/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. KINTZ
Rapporteur ?: M. DEWULF
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : TARANTINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2003-10-16;99nc00289 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award