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15/07/1999 | FRANCE | N°95NC01920

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 15 juillet 1999, 95NC01920


Vu l'arrêt en date du 5 novembre 1998 par lequel la Cour a, sur requête de la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT enregistrée sous le numéro 95NC01920 et tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement en date du 26 septembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1983, 1984 et 1985 ainsi que des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985, et, en deu

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Vu l'arrêt en date du 5 novembre 1998 par lequel la Cour a, sur requête de la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT enregistrée sous le numéro 95NC01920 et tendant, en premier lieu, à l'annulation du jugement en date du 26 septembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1983, 1984 et 1985 ainsi que des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985, et, en deuxième lieu, à ce que soit prononcée la décharge demandée, ordonné un supplément d'instruction en vue de la production, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de la comptabilité occulte ayant servi à établir les impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 1999 :
- le rapport de Mme ROUSSELLE, Conseiller,
- les observations de Me TOULEMONDE, avocat de la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu 'à la suite de la vérification de comptabilité dont la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT, qui exploite un fonds de commerce de discothèque à Epinal, a fait l'objet en 1986, des rehaussements des bases de l'impôt sur les sociétés des années 1983, 1984 et 1985 et de la taxe sur la valeur ajoutée de la même période ont été notifiés à la société, les 29 août 1986 et 9 septembre 1986 ; que les compléments d'imposition assignés en conséquence de ces redressements ont été dégrevés ; que, cependant, l'administration, au vu des montants de recettes mentionnés dans une comptabilité occulte saisie dans le cadre d'une procédure pénale, a notifié le 20 juillet 1990 à la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT, suivant une procédure contradictoire, des rehaussements des bases de l'impôt sur les sociétés des années 1983, 1984 et 1985 et de la taxe sur la valeur ajoutée de la période correspondante, dans la limite des rehaussements notifiés en 1986 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que la circonstance qu'est prévue par l'article L.16B du livre des procédures fiscales, en vue de rechercher les preuves qu'un contribuable se soustrait au paiement d'un impôt sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, une procédure légale de visite domiciliaire par l'administration fiscale, sur autorisation de l'autorité judiciaire, ne saurait faire obstacle ni à l'application des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale, qui font obligation aux agents de l'administration fiscale comme à tout fonctionnaire d'aviser le procureur de la République des délits dont ils acquièrent la connaissance, quelle que soit la nature de ces délits, ni à l'application des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, qui font obligation à l'autorité judiciaire de communiquer à l'administration fiscale toute indication qu'elle peut recueillir de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ; que l'application combinée de ces dispositions, qui suppose que le procureur de la République a jugé opportun de diligenter des poursuites au vu des éléments transmis par l'administration fiscale, et que l'autorité judiciaire a recueilli, dans le cadre de ces poursuites, des indications qu'elle doit transmettre à celle-ci, ne saurait, par elle-même, revêtir le caractère d'un détournement de procédure ;
Considérant, dès lors, que la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT n'est pas fondée à soutenir que les impositions en litige doivent être regardées comme résultant d'un détournement de procédure, du seul fait qu'en l'espèce, les rehaussements de bases d'imposition ont été établis à partir de la consultation par l'administration, en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, de documents comptables occultes saisis par les services de police judiciaire dans le cadre de poursuites ordonnées à la suite de la réception par le procureur de la République d'un courrier en date du 8 février 1990 par lequel le directeur des services fiscaux des Vosges l'avisait, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, qu'il disposait de renseignements concernant des agissements des dirigeants de la société susceptibles de recevoir les qualifications délictuelles d'abus de biens sociaux, d'emploi de main-d'oeuvre non déclarée et de fraude fiscale ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en prenant connaissance, dans les conditions susmentionnées, de la comptabilité occulte sur la base de laquelle elle a établi les rehaussements litigieux, l'administration n'a pas procédé à une deuxième vérification de comptabilité des exercices 1983, 1984 et 1985 ; que, par suite, d'une part, le moyen tiré de ce qu'ont été en l'espèce méconnues les dispositions de l'article L 51 du livre des procédures fiscales qui prohibent, lorsqu'une vérification de comptabilité au regard d'un impôt ou d'une taxe, pour une période déterminée, est achevée, une nouvelle vérification, n'est pas fondé, d'autre part le moyen tiré de ce que le contribuable n'a pas bénéficié du débat oral et contradictoire prévu par l'article L 47 du livre des procédures fiscales est inopérant ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 alinéa 1 du livre des procédures fiscales "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation" ; que la notification de redressement en date du 20 juillet 1990 comporte l'indication que "le 8 février 1990, lors d'une perquisition effectuée dans les locaux de la société, le S.R.P.J. de Nancy a procédé à la saisie et la mise sous scellés de divers documents retraçant le chiffre d'affaires réel réalisé par l'entreprise entre mars 1983 et décembre 1985", précise que l'administration a consulté ces documents dans le cadre de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, et le numéro de scellé sous lequel sont placés les documents plus particulièrement utilisés, enfin mentionne, pour chaque exercice, les données chiffrées sur lesquelles sont fondés les rehaussements ; qu'une telle motivation apparaît suffisante au regard des prescriptions prévues par les dispositions précitées de l'article L 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il incombe à l'administration d'informer le contribuable dont elle envisage de rehausser les bases d'imposition de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir par l'exercice de son droit de communication et, en particulier, de celui qu'elle tient de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, et qu'elle a effectivement utilisés, ainsi qu'elle peut le faire, pour procéder aux redressements, afin que le contribuable ait la possiblité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents ou les copies de documents qui contiennent ces renseignements et, notamment, ceux dont l'administration avait fait état dans la notification prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, soient mis à sa disposition ; qu'en l'espèce, il résulte des termes précités de la notification de redressement en date du 20 juillet 1990 que l'administration a satisfait à cette obligation d'information ; qu'il ne saurait être fait grief à l'administration, qui n'avait pas été autorisée par le magistrat instructeur à prendre copie de la comptabilité occulte, de ne pas avoir donné suite à la demande de communication de ce document dont elle a été saisie par le conseil de la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT le 27 juillet 1990, dès lors qu'elle a mentionné, dans la réponse aux observations du contribuable en date du 12 septembre 1990, les motifs du rejet de cette demande, et invité la société à en saisir le magistrat instructeur ; que la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT n'établit pas, par la production de différentes attestations qui sont exclusivement relatives à des demandes de restitution de documents comptables dont elle souhaitait disposer dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet en 1990 et qui portait sur la période du 1er janvier 1987 au 28 février 1990, qu'elle a accompli cette démarche ; qu'ainsi, et en tout état de cause, la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité à raison du défaut de communication de la comptabilité occulte sur laquelle sont fondés les rehaussements de base d'imposition litigieux ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, que les notifications de redressements susmentionnées des 29 août et 9 septembre 1986 ont interrompu le cours du délai de reprise de quatre ans dont, s'agissant d'impositions des années 1983 à 1985, l'administration disposait, par application des dispositions de l'article L 168A du livre des procédures fiscales et dès lors qu'il est constant que les avis de vérification de comptabilité avaient été envoyés ou remis avant le 2 juillet 1986 ; que la notification de redressement du 22 juillet 1990 est intervenue avant l'expiration du nouveau délai de quatre ans dont l'administration a disposé en conséquence de cette interruption ; que la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT n'est par suite pas fondée à soutenir que les compléments d'imposition en litige ont été assignés en méconnaissance des dispositions relatives à la prescription ;

Considérant, en second lieu, qu'en réponse au supplément d'instruction ordonné par l'arrêt susvisé en date du 5 novembre 1998, l'administration a produit la comptabilité occulte servie manuellement sur laquelle elle s'est fondée pour reconstituer les chiffres d'affaires et bénéfices de la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT en 1983, 1984 et 1985 ; que la circonstance que l'enquête judiciaire n'a abouti à la découverte d'aucun indice d'achats sans factures, de système de double billetterie ou de recyclage de billetterie, ou d'un enrichissement anormal du gérant de l'établissement est, par elle-même, sans influence sur la valeur probante, quant aux recettes réelles générées par l'activité de la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT durant la période litigieuse, de ce document ; que la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT n'a donné aucune suite à la proposition qui lui a été faite, dans le cours de la procédure de redressements, de justifier du montant de charges non comptabilisées dont le vérificateur admettait que l'importance des minorations de recettes laissait supposer l'existence ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, dont la charge lui incombe par application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, du bien-fondé des redressements en litige ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1983, 1984 et 1985, et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985 ;
Article 1er : La requête de la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT est rejetée
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A.R.L. R.C.D. BY NIGHT et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95NC01920
Date de la décision : 15/07/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - DETOURNEMENT DE POUVOIR ET DE PROCEDURE - DETOURNEMENT DE PROCEDURE - Mise en oeuvre combinée des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale et des dispositions de l'article L - 101 du livre des procédures fiscales - Détournement de procédure - Absence.

01-06-02, 19-01-03-01 La circonstance qu'est prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, en vue de rechercher les preuves qu'un contribuable se soustrait au paiement d'un impôt sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée, une procédure légale de visite domiciliaire par l'administration fiscale, sur autorisation de l'autorité judiciaire, ne saurait faire obstacle ni à l'application des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale, qui font obligation aux agents de l'administration fiscale comme à tout fonctionnaire d'aviser le procureur de la République des délits dont ils acquièrent la connaissance, quelle que soit la nature de ces délits, ni à l'application des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, qui font obligation à l'autorité judiciaire de communiquer à l'administration fiscale toute indication qu'elle peut recueillir de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale. L'application combinée de ces dispositions, qui suppose que le procureur de la République a jugé opportun de diligenter des poursuites au vu des éléments transmis par l'administration fiscale, et que l'autorité judiciaire a recueilli, dans le cadre de ces poursuites, des indications qu'elle doit transmettre à celle-ci, ne saurait, par elle-même, revêtir le caractère d'un détournement de procédure.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - Mise en oeuvre combinée des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale et des dispositions de l'article L - 101 du livre des procédures fiscales - Détournement de procédure - Absence.


Références :

CGI Livre des procédures fiscales L101, L51, L47, L57, L192
Code de procédure pénale 40


Composition du Tribunal
Président : M. Paitre
Rapporteur ?: Mme Rousselle
Rapporteur public ?: M. Vincent

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1999-07-15;95nc01920 ?
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