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17/12/1998 | FRANCE | N°95NC00259

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 17 décembre 1998, 95NC00259


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 février 1995, présentée pour la société en nom collectif (S.N.C.) COGEDAC par la S.A. Arthur Andersen International, avocats ;
La S.A. COGEDAC demande à la Cour :
1 - de réformer le jugement n 90-669 en date du 10 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille ne lui a accordé qu'une décharge partielle des pénalités dont ont été assortis les compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin des années 1981, 1982, 1983 et 1984 ;
2 - de pr

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 février 1995, présentée pour la société en nom collectif (S.N.C.) COGEDAC par la S.A. Arthur Andersen International, avocats ;
La S.A. COGEDAC demande à la Cour :
1 - de réformer le jugement n 90-669 en date du 10 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille ne lui a accordé qu'une décharge partielle des pénalités dont ont été assortis les compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin des années 1981, 1982, 1983 et 1984 ;
2 - de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin des années 1981 et 1982 et des intérêts de retard dont ils ont été assortis, et la réduction du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin des années 1983 et 1984, et des intérêts de retard dont ils ont été assortis ;
3 - de condamner l'Etat à lui payer sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 1998 :
- le rapport de M. PAITRE, Président,
- les observations de Me MILLISCHER, avocat de la Société COGEDAC,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a rehaussé les résultats des exercices clos le 30 juin des années 1981, 1982, 1983 et 1984 de la S.A. COGEDAC, centrale d'achat à l'importation des sociétés du groupe 3 Suisses France, notamment de la S.A. CIDAL et de la S.A. 3 Suisses France, par voie de conséquence, en premier lieu, de la non-admission en charges des exercices clos le 30 juin des années 1981 et 1982 des sommes versées durant ces exercices à la S.A. 3 Suisses France à la suite de la constitution d'une société en participation entre les deux sociétés, en deuxième lieu, d'une revalorisation du prix de vente des titres de la S.A. CIDAL que la S.A. COGEDAC a cédés en 1984 à la S.A. 3 Suisses France, en troisième lieu, du profit qui serait résulté, durant chaque exercice, de la rémunération des soldes débiteurs des comptes courants de la S.A. CIDAL et de la S.A. 3 Suisses France dans les écritures de la S.A. COGEDAC, et, en quatrième et dernier lieu, de la non-admission en charges de l'exercice clos le 30 juin 1983 des ristournes versées à la fin de cet exercice à la S.A. CIDAL et à la S.A. 3 Suisses France ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 23 novembre 1998, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du Nord a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence des sommes de 236 101 F, 52 676 F, 413 263 F et 969 098 F des compléments d'impôts sur les sociétés assignés à la S.A. COGEDAC au titre, respectivement, des exercices clos en 1981, 1982, 1983 et 1984 ; que les conclusions de la requête de la S.A. COGEDAC sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
Sur le premier chef de redressement, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la S.A. COGEDAC :
Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats des exercices clos le 30 juin des années 1981 et 1982 de la S.A. COGEDAC les sommes que celle-ci a versées à la S.A. 3 Suisses France, au cours de ces exercices, en exécution d'une convention en date du 21 décembre 1977, enregistrée le 29 mai 1978, créant une société en participation entre les deux sociétés ;
Considérant que la S.A. COGEDAC soutient que le redressement est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que l'administration, pour le justifier, invoquait, implicitement mais nécessairement, un abus de droit, et que les compléments d'impôt assignés en conséquence du redressement ont été mis en recouvrement le 31 décembre 1987 sans qu'elle ait bénéficié des garanties prévues par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L.64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de l'article 14 de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987 ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.64 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction issue de l'article 14 de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987, entrées en vigueur avant la mise en recouvrement des impositions en litige et qui, en tant qu'elles prévoient la faculté pour le contribuable de demander que le litige soit soumis à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit, instituent une garantie, et non une "formalité" au sens des dispositions de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992 portant loi de finances pour 1993 : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses ... b) qui déguisent ... un transfert de bénéfices ou de revenus c) ... qui permettent d'éviter en totalité ou en partie le paiement de taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité ... Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement." ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration invoque des faits constitutifs d'un abus de droit pour justifier un chef de redressement, le contribuable, qui n'a pas demandé la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit doit être regardé comme ayant été privé de la garantie tenant à la faculté de provoquer cette saisine si, avant la mise en recouvrement de l'imposition, l'administration omet de l'aviser expressément que le redressement a pour fondement les dispositions de l'article L.64 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que, dans la réponse en date du 10 avril 1986 aux observations faites par le contribuable à la suite de la notification du 20 décembre 1985, l'administration a indiqué que la convention susmentionnée du 21 décembre 1977 était nulle pour n'avoir d'autre objet que de transférer 90 % des bénéfices de la S.A. COGEDAC à la S.A. 3 Suisses France ; qu'elle invoquait ainsi, implicitement mais nécessairement, un abus de droit ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, qu'à la suite de l'entrée en vigueur des dispositions précitées, l'administration a expressément avisé la S.A. COGEDAC que le redressement litigieux avait pour fondement l'article L.64 du livre des procédures fiscales ; que, dans ces conditions, la S.A. COGEDAC est fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie prévue par ces dispositions ;
Sur le deuxième chef de redressement :

Considérant que la S.A. COGEDAC a cédé à la S.A. 3 Suisses France, durant le dernier trimestre de l'exercice clos le 30 juin 1984, 993 actions représentant 99,1 % du capital de la S.A. CIDAL pour un montant total de 194 426 F égal au coût d'acquisition ; que le vérificateur, ajoutant au montant de 2 922 222 F de l'actif net comptable après mise en distribution des dividendes de la S.A. CIDAL au 30 juin 1983 une plus-value latente d'un montant de 3 200 000 F sur le fonds de commerce de la société, qui a pour activité la vente par correspondance de gadgets et cadeaux aux particuliers et aux entreprises, a évalué à 6 067 122 F la valeur réelle des actions cédées, et réintégré en conséquence 5 872 696 F dans les résultats de la S.A. COGEDAC ; que, dans le dernier état de ses écritures, l'administration justifie l'évaluation sur laquelle repose le redressement en faisant valoir qu'elle est inférieure à celle résultant du rapport entre le bénéfice moyen pondéré de la S.A. CIDAL durant les exercices clos le 30 juin des années 1982, 1983 et 1984 et un taux de capitalisation du bénéfice moyen après impôt de 15 % ;
Considérant que la valeur vénale des actions litigieuses, qui n'étaient pas cotées en bourse, doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ; qu'il résulte de l'instruction que, durant les exercices clos en 1982, 1983 et 1984, la S.A. CIDAL poursuivait son activité sans moyens propres, en utilisant, exclusivement, les personnels, les moyens matériels, le savoir-faire en matière de vente par correspondance et le fichier clients de la S.A. 3 Suisses France ; qu'il en résulte, d'une part, qu'en l'espèce, la méthode de la valeur de productivité, proposée en dernier lieu par l'administration, qui suppose que les bénéfices de la société ont été produits à l'aide de ses moyens propres, n'est pas pertinente, d'autre part, que le fonds de commerce de la S.A. CIDAL ne dégageait aucune plus-value latente à la date de la cession ; que, par suite, l'administration n'établit pas que la valeur vénale des actions à cette date excédait le montant de 2 895 922 F, admis par la S.A. COGEDAC et correspondant à 99,1 % de la valeur de l'actif net comptable après mise en distribution des dividendes au 30 juin 1983 ; qu'ainsi, la plus-value imposable à 50 % résultant de la cession des actions de la S.A. CIDAL doit être ramenée de 5 872 696 F à 2 701 496 F, soit une réduction de 3 171 200 F ;
Sur le troisième chef de redressement :

Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats de la S.A. COGEDAC des différents exercices en litige le montant des intérêts que, selon elle, la S.A. COGEDAC aurait dû percevoir sur les avances en compte courant qu'elle a consenties à la S.A. CIDAL et à la S.A. 3 Suisses France ; que si la S.A. COGEDAC affirme que, dans la proportion de 105/365, ces avances correspondaient, en réalité, à l'octroi d'un crédit commercial gratuit correspondant au délai de règlement des factures de 90 jours fin de mois, soit 105 jours en moyenne, habituellement pratiqué entre fournisseurs et distributeurs dans le secteur de la grande distribution, et n'impliquaient aucune rémunération, elle n'assortit cette affirmation d'aucune justification ; que ses prétentions sur ce point ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur le quatrième chef de redressement :
Considérant que le vérificateur a réintégré dans les résultats de l'exercice clos le 30 juin 1983, le montant, s'élevant à 9 039 814 F, de ristournes accordées à la S.A. CIDAL et à la S.A. 3 Suisses France représentant 1,25 % du chiffre d'affaires réalisé avec ces deux sociétés au cours de l'exercice ;
Considérant que les ristournes, qui ne procédaient pas d'un engagement contractuel et n'étaient pas versées les années précédentes, ne comportaient aucune contrepartie pour la S.A. COGEDAC, à laquelle la clientèle des bénéficiaires était, en tout état de cause, acquise ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que lesdites ristournes n'avaient d'autre objet que de transférer une partie des bénéfices de la S.A. COGEDAC à la S.A. CIDAL et à la S.A. 3 Suisses France ; qu'elle était par suite fondée à réintégrer ces ristournes dans les résultats de la S.A. COGEDAC ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la S.A. COGEDAC est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à une réduction de 38 804 822 F de sa base d'imposition de l'exercice clos le 30 juin 1981, à une réduction de 10 389 347 F de sa base d'imposition de l'exercice clos le 30 juin 1982, et à une réduction de 3 171 200 F de sa base d'imposition de l'exercice clos le 30 juin 1984 ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à verser à la S.A. COGEDAC la somme de 20 000 F ;
Article 1er : A concurrence des sommes 236 101 F, 52 676 F, 413 263 F et 969 098 F en ce qui concerne les compléments d'impôts sur les sociétés assignés à la S.A. COGEDAC au titre des exercice clos, respectivement, en 1981, 1982, 1983 et 1984, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la S.A. COGEDAC.
Article 2 : Les bases de l'impôt sur les sociétés assigné à la S.A. COGEDAC au titre des exercices clos le 30 juin des années 1981, 1982 et 1984 sont réduites, respectivement, de 38 804 822 F, 10 389 347 F et 3 171 200 F.
Article 3 : La S.A. COGEDAC est déchargée des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 25 novembre 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à la S.A. COGEDAC 20 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A. COGEDAC est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. COGEDAC et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95NC00259
Date de la décision : 17/12/1998
Sens de l'arrêt : Réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - TEXTE APPLICABLE (DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE) - Garantie accordée au contribuable - Dispositions de l'article L - 64 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction issue de l'article 14 de la loi du 8 juillet 1987 prévoyant la faculté de demander la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit - Applicabilité dans le temps (1).

19-01-01-02 Les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction issue de l'article 14 de la loi du 8 juillet 1987, en tant qu'elles prévoient la faculté pour le contribuable de demander que le litige soit soumis à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit, instituent une garantie, et non une "formalité" au sens des dispositions de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992 portant loi de finances pour 1993. Par suite, elles sont applicables dans le cas d'impositions fondées sur la procédure d'abus de droit non encore mises en recouvrement lors de la publication de la loi.

- RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - ABUS DE DROIT - Garantie accordée au contribuable - Faculté de demander la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit - Obligation d'aviser expressément le contribuable que le redressement a pour fondement l'article L - 64 du livre des procédures fiscales (2).

19-01-03-03 Il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction issue de l'article 14 de la loi du 8 juillet 1987 que lorsque l'administration invoque des faits constitutifs d'un abus de droit pour justifier un chef de redressement, le contribuable qui n'a pas demandé la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit doit être regardé comme ayant été privé de la garantie tenant à la faculté de provoquer cette saisine si, avant la mise en recouvrement de l'imposition, l'administration omet de l'aviser expressément que le redressement a pour fondement les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.


Références :

CGI Livre des procédures fiscales L64
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 14

1.

Rappr. CE, 1997-11-24, Brun, n° 168995. 2. Comp. CAA de Nancy, 1993-02-18, S.A.R.L. Euromat, p. 426


Composition du Tribunal
Président : M. Madelaine
Rapporteur ?: M. Paitre
Rapporteur public ?: M. Commenville

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-12-17;95nc00259 ?
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