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26/11/1998 | FRANCE | N°94NC00966

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 26 novembre 1998, 94NC00966


(Deuxième Chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juin 1994 sous le n 94NC00966, présentée pour la S.A. CERNI dont le siège social est ... (Bas-Rhin), représentée par son liquidateur, par Me Koenig, avocat ;
La S.A. CERNI demande à la Cour :
1 / de réformer le jugement n 881285 en date du 3 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément d'impôt sur les sociétés et des pénalités auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre des années 1981, 1

982 et 1983 dans les rôles de la commune de Strasbourg ;
2 / de lui accorder...

(Deuxième Chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juin 1994 sous le n 94NC00966, présentée pour la S.A. CERNI dont le siège social est ... (Bas-Rhin), représentée par son liquidateur, par Me Koenig, avocat ;
La S.A. CERNI demande à la Cour :
1 / de réformer le jugement n 881285 en date du 3 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg ne lui a accordé qu'une décharge partielle du complément d'impôt sur les sociétés et des pénalités auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre des années 1981, 1982 et 1983 dans les rôles de la commune de Strasbourg ;
2 / de lui accorder la décharge de l'imposition restant en litige ;
3 / de condamner l'Etat à lui payer 31 000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 1998 :
- le rapport de M. PAITRE, Président,
- les observations de Me KOENIG, avocat de la S.A. CERNI,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la S.A. CERNI, qui a pour activité la vente de matières premières minéralogiques, chimiques, de dérivés et de sous-produits de ces matières, l'administration a établi le 25 juin 1985 une notification de redressement comportant, notamment, réintégration dans les résultats des exercices clos le 30 septembre des années 1981, 1982 et 1983 des rémunérations, sous forme de commissions et de remboursements de frais de mission et de déplacement, versées à Mlle X..., Mme Z... et Mme Y..., ce redressement étant motivé par l'absence de travail effectif des intéressées ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a admis le bien-fondé de ce redressement ; que, par un jugement du 3 mai 1994, le tribunal administratif de Strasbourg a admis la déductibilité des sommes réintégrées dans la limite de 10 % de leur montant, substitué les intérêts de retard à la majoration pour manoeuvre frauduleuse dont les droits en principal avaient été assortis, condamné l'Etat à verser 2 500 F à la S.A. CERNI au titre des frais non compris dans les dépens, et rejeté le surplus des conclusions de la S.A. CERNI ; que celle-ci fait appel du jugement sur ce dernier point ; que le ministre du budget, porte-parole du Gouvernement, demande, par la voie de l'appel incident, le rejet de la totalité des conclusions de première instance de la société, et le rétablissement de la majoration pour manoeuvres frauduleuses, ou, subsidiairement, de la majoration pour mauvaise foi ;
Sur les droits en litige :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que si les redressements litigieux ont été établis non seulement à la suite des éléments recueillis lors de la vérification de comptabilité, mais également au vu des procès-verbaux d'interrogatoire de Mlle X..., Mme Z... et Mme Y... dressés dans le cadre d'une information judiciaire relative à une escroquerie susceptible d'avoir été organisée au sein de la société, et que l'autorité judiciaire a communiqués à l'administration le 30 mai 1985 en application de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la correspondance que le conseil de la société a adressée le 17 juillet 1985 au signataire de la notification de redressement, que l'administration a suffisamment informé la société de la teneur des documents ainsi recueillis pour que ladite société ait été ainsi mise à même de demander la communication des documents en cause avant la mise en recouvrement des impositions ; que l'administration n'était pas tenue de communiquer elle-même, en l'absence de toute demande de la part de la société, lesdits procès-verbaux ; que si la société soutient qu'il n'a pas été donné suite à la lettre que son conseil a adressée le 27 janvier 1987 au secrétaire de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dans la perspective de la séance du 30 janvier 1987 au cours de laquelle la commission devait examiner le litige, pour demander à connaître les pièces communiquées à l'administration en application de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, cette circonstance est, dès lors que la lettre ne présentait pas le caractère d'une demande adressée à l'administration, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; qu'en admettant que la procédure suivie devant la commission doive être regardée comme n'ayant pas revêtu un caractère contradictoire, à défaut pour l'administration d'avoir joint à son rapport à la commission certains des procès-verbaux dont elle faisait état, cette circonstance est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition, mais peut seulement, s'agissant des redressements pour lesquels la charge de la preuve dépend de la procédure d'imposition, mettre cette preuve à la charge de l'administration ; que la S.A. CERNI n'est par suite pas fondée à soutenir que les impositions en litige ont été mises en recouvrement au terme d'une procédure irrégulière ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôts sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toute charges, celles-ci comprenant ... : 1 les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre ... Toutefois, les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursement de frais" ; qu'il appartient au contribuable, quelle qu'ait été la procédure suivie à son encontre, de justifier que les rémunérations versées correspondent à un travail effectif ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 240 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : "1. les chefs d'entreprise ... qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession, versent à des tiers ne faisant pas partie de leur personnel salarié des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes ... lorsqu'elles dépassent 300 F par an pour un même bénéficiaire ..." et qu'aux termes de l'article 238 du même code : "Les chefs d'entreprise qui n'ont pas déclaré les sommes visées à l'article 240-1, premier alinéa, perdent le droit de les porter dans leurs frais professionnels pour l'établissement de leurs propres impositions" ;
Considérant que la S.A. CERNI n'établit pas, et ne soutient d'ailleurs plus dans le dernier état de ses écritures, que les sommes versées à Mlle X..., Mme Z... et Mme Y... ont eu pour contrepartie un travail effectif des intéressées ; que si, dans le dernier état de ses écritures, elle soutient que ces commissions et remboursements de frais ont, en réalité, rémunéré le travail effectif de tiers auxquels Mlle X..., Mme Z... et Mme Y... servaient de prête-noms, cette circonstance, à la supposer établie, n'autorisait pas la société à porter ces sommes dans ses frais professionnels, dès lors qu'il est constant qu'elle ne les a pas déclarées comme ayant été versée à ces bénéficiaires prétendus, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 240 du code général des impôts, et qu'à défaut de déclaration, les dispositions précitées de l'article 238 du code faisaient obstacle à leur déductibilité ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la S.A. CERNI n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'article 4 de son jugement, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; qu'au contraire, le ministre du budget, porte-parole du Gouvernement, chargé du ministère de la communication, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du même jugement, le tribunal a déchargé la S.A. CERNI de la fraction des compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 1981, 1982 et 1983 et correspondant à la prise en compte dans le calcul du bénéfice imposable de la déduction de 10 % des commissions et remboursements de frais versés à Mlle X..., Mme Z... et Mme Y... ;
Sur les pénalités :

Considérant que l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur avant la loi n 87-502 du 8 juillet 1987, dispose que : "1. Sous réserve des dispositions des articles 1730, 1731, 1827 et 1829, lorsque la mauvaise foi du redevable est établie, les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont majorés de : 30 % si le montant des droits n'excède pas la moitié du montant des droits réellement dus ; 50 % si le montant des droits est supérieur à la moitié des droits réellement dus ;
150 % quelle que soit l'importance des droits si le redevable s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ..." ;
Considérant, en premier lieu, que la déduction des commissions et des remboursements de frais dans les conditions mentionnées ci-dessus n'est pas caractéristique d'une manoeuvre frauduleuse au sens des dispositions précitées ; qu'en revanche, la S.A. CERNI, qui, de son propre aveu, n'ignorait pas que Mlle X..., Mme Z... et Mme Y..., prête-noms des bénéficiaires réels des rémunérations en litige, les reversaient à ces bénéficiaires, n'a pu, de bonne foi, porter ces commissions et remboursements de frais dans ses frais professionnels tout en omettant de les déclarer au nom des bénéficiaires réels ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'application du taux de majoration pour mauvaise foi prévu par le II de l'article 2 de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987 serait plus favorable à la S.A. CERNI que l'application de la majoration de 50 % prévue par les dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, porte-parole du Gouvernement, chargé du ministère de la communication est seulement fondé, en ce qui concerne les pénalités, à demander le rétablissement de la majoration de 50 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur avant la loi n 87-502 du 8 juillet 1987 ;
Sur les frais non compris dans les dépens de première instance :
Considérant que la S.A. CERNI, dont la demande a été à bon droit accueillie par le tribunal en tant qu'elle visait la majoration pour manoeuvres frauduleuses, n'était pas la partie perdante en première instance ; que, dans ces conditions, le ministre du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a condamné l'Etat à verser 2 500 F à la S.A. CERNI ;
Sur les frais non compris dans les dépens de l'instance d'appel :
Considérant que la S.A. CERNI, dont l'appel est rejeté, doit être regardée, alors même que l'appel incident du ministre du budget est pour partie rejeté, comme succombant dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés en appel doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : La requête de la S.A. CERNI est rejetée.
Article 2 : Les droits d'impôt sur les sociétés dont la réduction a été accordée à la S.A. CERNI par le tribunal administratif de Strasbourg au titre des exercices clos en 1981, 1982 et 1983 sont remis à la charge de la S.A. CERNI.
Article 3 : Les compléments d'impôt sur les sociétés auxquels la S.A. CERNI a été assujettie au titre des exercices clos en 1981, 1982 et 1983 sont majorés de pénalités égales à 50 % des droits éludés.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 3 mai 1994 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident du ministre du budget, porte-parole du Gouvernement, chargé du ministère de la communication, est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. CERNI, et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC00966
Date de la décision : 26/11/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-01-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - DROIT DE COMMUNICATION -Documents communiqués à l'administration en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales - Demande de communication de ces documents adressée au secrétaire de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires - Défaut de communication - Incidence sur la régularité de la procédure d'imposition - Absence.

19-01-03-01-01 L'administration, qui a informé le contribuable de la teneur des renseignements et documents qu'elle a recueillis auprès de tiers, n'est tenue de lui communiquer les documents que si l'intéressé le demande. Si le contribuable soutient, en l'espèce, qu'il n'a pas été donné suite à la lettre que son conseil a adressée au secrétaire de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dans la perspective de la séance au cours de laquelle la commission devait examiner le litige, pour demander à connaître des documents communiqués à l'administration en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, cette circonstance est, dès lors que la lettre ne présente pas le caractère d'une demande adressée à l'administration, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.


Références :

CGI 39, 209, 240, 238, 1729
CGI Livre des procédures fiscales L101
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 2


Composition du Tribunal
Président : M. Madelaine
Rapporteur ?: M. Paitre
Rapporteur public ?: M. Commenville

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-11-26;94nc00966 ?
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