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11/06/1998 | FRANCE | N°94NC01458

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 11 juin 1998, 94NC01458


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 octobre 1994, sous le n 94NC01458, présentée pour M. D. ;
M. D. demande à la Cour :
- de réformer le jugement n 8817831 en date du 30 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1980 à 1983 ainsi que de l'emprunt obligatoire versé au titre de l'année 1983 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du

dossier ;
Vu la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 octobre 1994, sous le n 94NC01458, présentée pour M. D. ;
M. D. demande à la Cour :
- de réformer le jugement n 8817831 en date du 30 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Lille a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1980 à 1983 ainsi que de l'emprunt obligatoire versé au titre de l'année 1983 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 1998 :
- le rapport de Mme GESLAN-DEMARET, Premier Conseiller,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. D., qui exerce l'activité de chirurgien dentiste à B., a fait l'objet en 1984 d'une vérification de comptabilité et d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, à la suite desquelles il s'est vu notifier des redressements en matière de bénéfices non commerciaux afférents, d'une part, à la réintégration des frais de déplacement entre son domicile situé dans la banlieue de Lille et son lieu de travail, soit une distance aller-retour de 100 km environ, et des frais de repas de midi pris sur le lieu de travail ainsi que des plus et moins-values d'actif résultant de la prise en compte de la cession de motos utilisées pour les déplacements en cause, d'autre part, à la réintégration d'agios bancaires et d'intérêts d'emprunts, enfin à la suppression de l'abattement accordé aux adhérents d'une association de gestion agréée ; que la commission départementale des impôts a émis, le 5 février 1985, un avis aux termes duquel elle se déclarait incompétente sur les frais de déplacement, de repas, les plus et moins-values d'actif et la suppression de l'abattement accordé aux adhérents d'une association de gestion agréée, et confirmait la position de l'administration en ce qui concerne la réintégration des frais financiers ; que M. D. fait régulièrement appel du jugement, en date du 30 juin 1994, du tribunal administratif de Lille, en tant que, après avoir prononcé la réduction des bases d'imposition de l'année 1980 à concurrence d'une somme de 36 439 F correspondant aux frais de déplacement et de repas par application de la prescription abrégée prévue à l'article L.185 du livre des procédures fiscales, il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;
En ce qui concerne la réintégration des frais de déplacement, de repas, et des plus et moins-values d'actif :
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts relatif à la détermination des bénéfices non commerciaux : "1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ..." ; que les frais de toute nature, et notamment les frais de transport et les frais supplémentaires de repas qu'exposent les contribuables à l'occasion des déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail sont, en règle générale, nécessités par l'exercice de la profession et doivent donc, à ce titre, être admis en déduction en vertu des dispositions précitées de l'article 93 du code général des impôts lorsque leur réalité est établie ; qu'il en va toutefois autrement lorsque, eu égard aux circonstances de l'espèce, l'installation ou le maintien du domicile dans un lieu différent du lieu de travail présente un caractère anormal ;
Considérant que pour solliciter la déduction des frais induits par la distance de 50 km séparant son domicile de son lieu de travail, que l'administration estime anormale et justifiée par des considérations strictement personnelles, M. D. invoque sa liaison homosexuelle avec une personne travaillant à Lille avec laquelle il estime vivre en concubinage notoire de manière stable et continue et dont l'existence est prise en compte par les tribunaux civils pour la fixation de la pension alimentaire due à son ex-épouse ;

Considérant, toutefois, que, en l'état du droit, le concubinage ne peut résulter que d'une relation stable et continue ayant l'apparence du mariage, donc entre deux personnes de sexe opposé ; qu'il suit de là que la circonstance que M. D. cohabitait avec une personne du même sexe ne peut être assimilée au concubinage et, par suite, lui ouvrir droit à la déduction des frais exposés en raison d'une domiciliation à une distance anormale de son lieu de travail ;
Considérant, par ailleurs, que le requérant soutient que le fait de lui refuser un avantage qui lui serait accordé s'il vivait en concubinage avec une personne d'un sexe différent serait contraire au principe de la non-discrimination fondée sur le sexe posé par l'article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; que, toutefois, il résulte des termes mêmes dudit article que le principe de non-discrimination qu'il édicte ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par ladite convention et par les protocoles additionnels à celle-ci ; que dès lors, il appartient au contribuable qui se prévaut de la violation de ce principe d'invoquer devant le juge administratif le droit ou la liberté dont la jouissance est affectée par la discrimination alléguée ; que M. D. ne précise pas le droit ou la liberté, reconnus par la convention, qui seraient méconnus par la discrimination qu'il invoque ; que, par suite, sa demande n'entre pas, en tout état de cause, dans les prévisions de l'article 14 de la convention dont il ne peut utilement se prévaloir ;
En ce qui concerne la réintégration des frais financiers :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. - Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée" ; qu'il résulte de ces dispositions que si l'administration n'est pas tenue de répondre à tous les arguments du contribuable, elle doit cependant répondre, même succinctement à ses principales observations ;
Considérant que M. D. reproche à l'administration de ne pas avoir explicitement répondu à l'argument, invoqué dans sa réponse à la notification de redressements, selon lequel les intérêts d'un emprunt de 70 000 F pris en charge par son ex-épouse n'auraient pas dû être exclus des charges déductibles ; que, toutefois, cette circonstance justifiant à elle seule l'exclusion desdits intérêts des charges déductibles, l'administration n'était pas tenue de répondre à cette argumentation manifestement inopérante ;
Sur le moyen tiré de la prescription de l'année 1980 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.185 du livre des procédures fiscales alors en vigueur : " Les délais de reprise fixés par les articles L.169 et L.176 sont réduits de deux ans en ce qui concerne les erreurs de droit commises en matière d'impôts directs ... par les centres de gestion agréés ou les associations agréées des professions libérales dans les déclarations fiscales de leurs adhérents" ;

Considérant que les redressements relatifs à la réintégration des frais financiers étaient consécutifs à une erreur de fait dès lors qu'est en litige l'affectation professionnelle des découverts et des emprunts bancaires souscrits par M. D. ; que par suite, M. D. ne peut revendiquer le bénéfice de la prescription abrégée prévue par les anciennes dispositions de l'article L.185 du livre des procédures fiscales alors en vigueur, abrogées à compter du 1er janvier 1983 s'agissant de la réintégration des frais financiers opérée au titre de l'année 1980 ;
Sur le bien-fondé de la réintégration :
Considérant qu'il appartient à M. D. d'établir que les découverts sur ses comptes bancaires mixtes ayant donné lieu au paiement d'agios, ont eu pour origine des difficultés d'exploitation de son cabinet dentaire et que les prêts "personnels" qu'il a contractés ont alimenté sa trésorerie professionnelle ; que l'intéressé ne justifie pas du caractère professionnel de charges financières en cause en se contentant de simples allégations dépourvues de tout commencement de preuve, alors que l'administration fait valoir que ses difficultés financières ont pour origine les importantes pensions alimentaires qu'il doit verser à son ex-épouse pour l'entretien de leurs enfants ;
Sur la remise en cause de l'abattement accordé aux adhérents d'une association de gestion agréée :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 158-ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : "Les adhérents des associations agréées des professions libérales définies aux articles 1649 quater F à 1649 quater H, imposés à l'impôt sur le revenu selon le régime de la déclaration contrôlée et dont les recettes n'excèdent pas 773 000 F bénéficient d'un abattement de 20% sur leur bénéfice imposable ... - A condition que la bonne foi du contribuable soit admise, le bénéfice de l'abattement est, en revanche, maintenu lorsque le redressement porte exclusivement sur des erreurs de droit ou des erreurs matérielles ou lorsque l'insuffisance n'excède pas le dixième du revenu professionnel déclaré et la somme de 5 000 F" ;
Considérant que les redressements portant sur les frais financiers étant supérieurs à 5 000 F et portant sur des erreurs de fait, c'est à bon droit que l'abattement accordé au contribuable, sur le fondement des dispositions susrappelées de l'article 158-ter du code général des impôts, a été supprimé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 30 juin 1994, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1980 à 1983 ainsi que de l'emprunt obligatoire versé au titre de l'année 1983 ;
Article 1er : La requête de M. D. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D. et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC01458
Date de la décision : 11/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-05-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE -Droit à déduction des frais "domicile-travail" - Absence - Frais exposés par des concubins homosexuels.

19-04-02-05-02 Le concubinage, en l'état du droit, ne peut résulter que d'une relation stable et continue ayant l'apparence du mariage, donc entre deux personnes de sexe opposé. La cohabitation avec une personne du même sexe ne peut, en conséquence, être assimilée au concubinage et, par suite, ouvrir droit à la déduction des frais exposés en raison d'une domiciliation à une distance anormale de son lieu de travail, d'un contribuable imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.


Références :

CGI 93, 158
CGI Livre des procédures fiscales L185, L57


Composition du Tribunal
Président : M. Madelaine
Rapporteur ?: Mme Geslan-Demaret
Rapporteur public ?: M. Commenville

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-06-11;94nc01458 ?
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