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12/03/1998 | FRANCE | N°95NC00519

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 12 mars 1998, 95NC00519


Vu la requête, enregistrée le 29 mars 1995 au greffe de la Cour, sous le numéro 95NC00519, présentée pour Mme X..., demeurant ... à Charleville-Mézieres (Ardennes), par Me Cornon, avocat au barreau de Paris ;
Mme X... demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement en date du 31 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à décharge de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1989, 1990 et 1991 ;
2 / de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3 / de condamner l'Etat à lui v

erser une somme de 15 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux ...

Vu la requête, enregistrée le 29 mars 1995 au greffe de la Cour, sous le numéro 95NC00519, présentée pour Mme X..., demeurant ... à Charleville-Mézieres (Ardennes), par Me Cornon, avocat au barreau de Paris ;
Mme X... demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement en date du 31 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à décharge de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1989, 1990 et 1991 ;
2 / de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3 / de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 1998 :
- le rapport de Mme ROUSSELLE, Conseiller,
- les observations de Me CORNON, avocat de Mme X...,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

En ce qui concerne la procédure d'imposition :
Sur le moyen tiré de l'existence d'une procédure d'examen de la situation fiscale personnelle irrégulière :
Considérant qu'aux termes de l'article L.12 du livre des procédures fiscales : "L'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues au présent livre. A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par différents courriers, l'administration a demandé à Mme X... de produire la liste de ses employeurs successifs ou des organismes lui ayant versé des rémunérations, la ventilation des salaires perçus entre galas, indemnités de chômage, et autres rémunérations, la ventilation précise pour chaque gala ou déplacement des dépenses supportées directement par elle, la liste des comptes bancaires ou postaux détenus ainsi que leur affectation professionnelle, privée ou mixte ; qu'elle a également, dans le cadre de son droit de communication, demandé à la Société des Auteurs-Compositeurs et Editeurs de Musique le montant des rétributions versées à l'intéressée au cours des années 1989 à 1991 ; que, toutefois, les renseignements sollicités avaient pour seul objet de compléter les mentions que l'intéressée avait partiellement portées sur ses déclarations de revenus et de produire des justifications quant aux frais professionnels qu'elle entendait déduire de ses revenus ; que le contrôle auquel le service a procédé étant ainsi limité à l'appréciation de l'exactitude des déclarations de la requérante et ne s'étant pas étendu à l'estimation de la valeur de son patrimoine ou au contrôle de la cohérence entre ses revenus et ses emplois, notamment par le biais de l'examen du contenu de ses comptes bancaires, Mme X... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L.47 et L.50 du livre des procédures fiscales, applicables à la procédure d'examen de la situation fiscale personnelle, ne peut qu'être écarté ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article L.59-A du livre des procédures fiscales :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.59-A du livre des procédures fiscales : "La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition, soit sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l'article 257-6° et 7°-1 du code général des impôts ; ..." ;

Considérant, d'autre part, qu'en application de l'article 93 du code général des impôts : " lorsqu'ils sont intégralement déclarés par les tiers, les produits des droits d'auteur perçus par les écrivains et compositeurs sont soumis à l'impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les droits d'auteur déclarés par des tiers demeurent des bénéfices non commerciaux et ne sont imposés selon les règles applicables à la catégorie des traitements et salaires qu'en ce qui concerne le calcul des bases d'imposition ; que la procédure d'imposition demeure celle applicable en matière de bénéfices non commerciaux avec les garanties qu'elle comporte, et notamment la possibilité de saisir la commission départementale des impôts dès lors qu'un différend oppose le contribuable au service sur le montant du bénéfice non commercial imposable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour les années 1989, 1990 et 1991, Mme X... a perçu des revenus liés à son activité de producteur, des revenus liés à son activité d'interprète, consistant en cachets et salaires versés à l'issue de galas, des indemnités ASSEDIC établies selon le régime applicable aux intermittents du spectacle et des indemnités journalières de sécurité sociale ainsi que des revenus liés à sa qualité d'auteur compositeur, en l'occurrence des droits d'auteur versés par la société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (S.A.C.E.M.), lesquels relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que, par notification de redressements établie le 7 décembre 1992, l'administration n'a admis qu'une partie des frais professionnels réels initialement déduits par la requérante ; que si Mme X... a déclaré, en application des dispositions précitées de l'article 93 du code général des impôts, les droits d'auteur versés par la S.A.C.E.M. dans la catégorie des traitements et salaires, elle n'établit pas que les frais professionnels sur le montant desquels elle était en désaccord avec l'administration étaient liés à la conservation ou à la perception desdits revenus ; que, par suite, le différent portant exclusivement sur des revenus relevant de la catégorie des traitements et salaires, en rayant dans sa réponse aux observations du contribuable la mention de la possibilité de saisine de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration n'a pas privé le contribuable d'une garantie de procédure dont elle était en droit de bénéficier ;
Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 13-1 du code général des impôts : " Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut ...sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu " ; que l'article 83 du même code dispose : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : ... 3° les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales ... Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels, soit dans la déclaration visée à l'article 170, soit sous forme de réclamation" ; qu'il ressort de ces dispositions que la déduction des frais réels exposés par le contribuable est subordonnée à la justification de la réalité et du montant des frais effectivement exposés par lui à l'occasion de l'exercice de sa profession ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant des frais admis en déduction a été déterminé à l'issue d'un entretien avec Mme X..., le 3 décembre 1992 ; que l'administration indique, sans être contredite, avoir tenu compte de la spécificité de l'activité exercée par l'intéressée en admettant intégralement les lignes "soins corporels", "habillement" et "teinturerie" ; que Mme X... n'apporte, à l'appui de sa requête aucun justificatif du montant des autres frais qu'elle soutient avoir exposés ;
Considérant, enfin, que les conseils prodigués par des agents de l'administration pour l'établissement de sa déclaration de revenus des années antérieures ne peuvent être regardés comme constituant une prise de position formelle de l'administration fiscale au sens des dispositions de l'article L.80-B du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en décharge des impositions contestées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme X... doivent, dès lors, être rejetées ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95NC00519
Date de la décision : 12/03/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - COMMISSION DEPARTEMENTALE - Bénéfices non commerciaux - Droits d'auteur - Application des règles prévues en matière de traitements et salaires (article 93 du CGI) - Frais professionnels - Possibilité de saisine de la commission départementale des impôts directs - Conditions - Justification du lien entre les frais déduits et les droits d'auteur.

19-01-03-02-03, 19-04-02-05-03 Les droits d'auteur déclarés par des tiers demeurent des bénéfices non commerciaux et ne sont imposés selon les règles applicables à la catégorie des traitements et salaires en application des dispositions de l'article 93 du code général des impôts qu'en ce qui concerne le calcul des bases d'imposition ; la procédure d'imposition demeure celle applicable en matière de bénéfices non commerciaux avec les garanties qu'elle comporte, et notamment la possibilité de saisir la commission départementale des impôts dès lors qu'un différend oppose le contribuable au service sur le montant du bénéfice non commercial imposable. S'agissant de la déduction de frais professionnels, il appartient au contribuable, qui a à la fois déclaré des traitements et salaires et des droits d'auteur, d'établir que les frais professionnels sur le montant desquels il est en désaccord avec l'administration sont liés à la conservation ou à la perception de droits d'auteur. Faute de l'établir, le contribuable n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière du fait que l'administration a rayé, dans sa réponse aux observations du contribuable, la mention de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - Droits d'auteur - Application des règles prévues en matière de traitements et salaires (article 93 du CGI) - Frais professionnels - Possibilité de saisine de la commission départementale des impôts directs - Conditions - Justification du lien entre les frais déduits et les droits d'auteur.


Références :

CGI 93, 13, 83
CGI Livre des procédures fiscales L12, L47, L50, L59, L80 B
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Madelaine
Rapporteur ?: Mme Rousselle
Rapporteur public ?: M. Commenville

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-03-12;95nc00519 ?
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