Vu la requête, enregistrée le 8 août 1996 au greffe de la Cour, présentée pour M. Nourreddine Etanji, demeurant 49, place Stendhal à Strasbourg (Bas-Rhin), par Me D., avocat au barreau de Strasbourg ;
M. Etanji demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 septembre 1993 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il fait l'objet ;
2°) d'annuler la décision litigieuse ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n 93-1027 du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 1997 :
- le rapport de M. MOUSTACHE, Président,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;
Sur le bien-fondé de la décision attaquée :
Considérant que M. Etanji sollicite l'annulation de la décision du 22 septembre 1993 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre par la même autorité le 28 décembre 1987 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 28 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 24 août 1993 : "Il ne peut être fait droit à une demande ... d'abrogation d'un arrêté d'expulsion ... présentée après l'expiration du délai de recours administratif que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette disposition ne s'applique pas pendant le temps où le ressortissant étranger subit en France une peine privative de liberté sans sursis ou fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence pris en application de l'article 28" ;
Considérant, d'une part, que la légalité d'une décision administrative s'apprécie en fonction de l'état du droit en vigueur au jour où elle est prise ; que, par suite, c'est à bon droit que, pour statuer en date du 22 septembre 1993 sur la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion présentée par M. Etanji, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les dispositions précitées alors même qu'elles n'étaient pas encore en vigueur lorsque le requérant a formulé sa demande ;
Considérant, d'autre part, que les dispositons précitées de l'article 28 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui se bornent à prévoir la condition d'éloignement effectif à laquelle doit satisfaire un étranger à l'encontre duquel un arrêté d'expulsion est intervenu et qui en sollicite l'abrogation après l'expiration du délai de recours, n'ont pas pour effet, par elles-mêmes, de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, tel que prévu, notamment, par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, M. Etanji n'est pas fondé à soutenir que le ministre de l'intérieur ne pouvait faire application desdites dispositions pour statuer sur sa demande d'abrogation ;
Considérant enfin qu'il est constant que l'arrêté d'expulsion pris le 28 décembre 1987 à l'encontre de M. Etanji et notifié à celui-ci le 23 février 1988 était devenu définitif faute d'avoir été déféré au juge de l'excès de pouvoir, nonobstant la circonstance que l'intéressé a été relaxé du chef d'infraction audit arrêté par un arrêt du 19 mai 1993 passé en force de chose jugée de la cour d'appel de Colmar ; qu'ainsi, et dès lors qu'il n'est pas contesté que M. Etanji résidait en France lorsqu'il a demandé l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son endroit par le ministre de l'intérieur, celui-ci était tenu de rejeter cette demande d'abrogation, sans que puissent être utilement invoqués les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquels sont inopérants dès lors que l'intéressé n'était pas au nombre des étrangers dont la situation pouvait être soumise à l'appréciation de l'administration ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. Etanji doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que l'Etat n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, par suite, les conclusions de M. Etanji tendant à ce qu'il soit condamné à lui verser une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1 : La requête de M. Etanji est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Etanji et au ministre de l'intérieur.