(Deuxième Chambre)
Vu le recours, enregistré le 23 juillet 1996 au greffe de la Cour, présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT ;
Le ministre demande à la Cour :
1 d'annuler le jugement du 23 mai 1996 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 1er février 1996 par laquelle le préfet de la Moselle s'est opposé à l'importation de boues de stations d'épuration en provenance de la Verbandsgemeindewerke de Freinsheim et a enjoint au préfet de la Moselle sous astreinte de 2 000 F par jour de retard de prendre dans les dix jours une mesure de prorogation de l'autorisation susvisée de transfert de boues d'épuration afin de permettre à la société Wastec-Strobel de bénéficier d'une durée d'un an d'utilisation effective de cette autorisation ; de rejeter la demande de la société Wastec-Strobel devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
VU le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 1996, présenté pour la Société Wastec-Strobel par Me Weiler-Strasser, avocat au barreau de Sarreguemines ;
La Société Wastec-Strobel conclut au rejet du recours du ministre et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 7 janvier 1997, présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT ; le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT conclut aux mêmes fins que son recours ;
Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 6 février 1997, présenté pour la société Wastec-Strobel ; la société Wastec-Strobel conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense et à ce que, avant dire droit, la Cour sursoie à statuer et saisisse sur renvoi préjudiciel la Cour de justice des communautés européennes afin de trancher les questions de la qualification comme déchets des boues de stations d'épuration urbaines utilisées en agriculture, des dispositions applicables au transfert de ces boues et du caractère discriminatoire des mesures prises par l'Etat français, qui classe comme simples fertilisants et produits commerciaux des boues d'installations classées alors que les boues allemandes provenant de stations d'épuration urbaines font l'objet d'exigences administratives restrictives ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la directive du conseil n 75/442/CEE du 15 juillet 1975 relative aux déchets, modifiée par la directive n 91/156 du 18 mars 1991 ;
VU la directive du conseil n 86/278/CEE du 12 juin 1986 ;
VU le règlement du conseil n 259/93 du 1er février 1993 ;
VU l'arrêté du 8 décembre 1982 relatif aux modalités techniques du contrôle officiel des matières fertilisantes et supports de culture ;
VU l'arrêté du ministre de l'industrie et de l'aménagement du territoire en date du 29 août 1988 portant application obligatoire d'une norme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 1997 :
- le rapport de M. VINCENT, Conseiller ;
- les observations de Me WEILER-STRASSER, avocat de la société Wastec-Strobel ;
- et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que, par lettre en date du 1er février 1996, le préfet de la Moselle a fait connaître à la S.A.M., autorité compétente d'expédition au sens de l'article 2 du règlement susvisé du 1er février 1993, les conditions auxquelles il entendait subordonner la délivrance de l'autorisation préalable, selon lui nécessaire, à l'importation de boues de station d'épuration ; que, par suite, cet acte est constitutif d'une mesure faisant grief que la société Wastec-Strobel, société de droit allemand mandatée par le producteur pour procéder aux formalités afférentes à l'exportation de ces boues vers la France, était recevable à contester par voie de recours pour excès de pouvoir ;
Sur la légalité de la décision contestée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du règlement susvisé du 1er février 1993 : "Le présent règlement s'applique aux transferts de déchets à l'intérieur, à l'entrée et à la sortie de la Communauté. Sont exclus du champ d'application du présent règlement : ... les transferts de déchets mentionnés à l'article 2 paragraphe 1 point b) de la directive 75/442/CEE lorsqu'ils sont déjà couverts par une autre législation pertinente" ; qu'en vertu des dispositions susmentionnées de ladite directive, dans leur version issue de la directive n 91-156 du 18 mars 1991, sont exclus de son champ d'application les déchets déjà couverts par une autre législation ; qu'enfin, aux termes de la directive du conseil n 86-278 du 12 juin 1986 : "les boues d'épuration utilisées dans le cadre de l'exploitation agricole ne sont pas couvertes par la directive 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975 relative aux déchets" ; qu'il résulte clairement des dispositions combinées des textes précités que les transferts intra-communautaires de boues d'épuration destinées à l'utilisation en agriculture sont exclus du champ d'application du règlement du conseil du 1er février 1993 et sont régis par la directive précitée du 12 juin 1986, qui constitue une législation pertinente au sens dudit règlement ;
Considérant, en second lieu, que l'arrêté ministériel du 29 août 1988 pris pour la transposition de cette dernière directive a, d'une part, rendu d'application obligatoire les chapitres 4, 5, 6 et 7 de la norme NFU 44-041 pour l'importation des boues des ouvrages de traitement des eaux usées urbaines, d'autre part, indiqué que la preuve de la conformité à cette norme est apportée conformément aux dispositions de l'arrêté du 8 décembre 1982 relatif aux modalités techniques du contrôle officiel des matières fertilisantes et supports de culture ; que ce dernier arrêté précise notamment que l'importateur est tenu de procéder à un contrôle du produit mis sur le marché, selon les méthodes définies par ledit arrêté, les résultats de ce contrôle étant consignés sur des documents tenus à la disposition des services compétents ;
Considérant qu'il ne résulte d'aucune des dispositions précitées que le transfert intra-communautaire de boues destinées à l'utilisation en agriculture soit soumis à un régime d'autorisation préalable ; que le préfet de la Moselle ne soutient pas que l'importateur ne se serait pas conformé aux dispositions de l'arrêté du 8 décembre 1982 susrappelé ; que, par suite, la société Wastec-Strobel, mandatée par la Verbandsgemeindewerke de Freinsheim (Allemagne fédérale) pour procéder à l'exportation en France de boues résiduaires de station d'épuration destinées à être utilisées en agriculture, n'était tenue de solliciter aucune autorisation à cet effet ; que l'acte attaqué en date du 1er février 1996 par lequel le préfet de la Moselle sollicite "avant toute délivrance d'une autorisation" la production de l'accord préalable du propriétaire des terrains et du calendrier des épandages des boues litigieuses est ainsi entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 1er février 1996 du préfet de la Moselle ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la société Wastec-Strobel une somme de 10 000 F sur le fondement des dispositions précitées ;
Article 1 : Le recours du MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Wastec-Strobel une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Wastec-Strobel tendant au remboursement des frais irrépétibles est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT et à la société Wastec-Strobel.