Vu le recours du ministre délégué au budget enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel le 11 juin 1990 sous le numéro 90NC00315 ;
Le ministre délégué au budget demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 6 février 1990 par lequel le tribunal administratif de DIJON a accordé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle Mme A... a été assujettie au titre de l'année 1981 ;
2°) de déclarer que Mme A... sera rétablie au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1981 à raison des droits et intérêts de retard mis à sa charge ainsi que de la majoration exceptionnelle afférente à ladite année ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 1991 :
- le rapport de M. JACQ, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que Mme A..., née B..., a été mariée à M. X..., expert comptable, jusqu'au 12 mai 1981, date à laquelle un jugement de divorce du tribunal de grande instance de CHALON SUR SAONE a prononcé la dissolution de la communauté conjugale ; que, par un arrêt du 26 juin 1985, la Cour d'appel de DIJON a reconnu à Mme A... un droit sur la clientèle de son mari et lui a accordé à ce titre la somme de 285 200 F ; que faisant droit à la demande présentée par Mme A... qui contestait le bien-fondé du complément d'impôt sur le revenu mis à sa charge à la suite de la taxation à son nom de la plus-value réalisée sur la cession à M. X... de la moitié du droit de clientèle, le tribunal administratif de DIJON, par un jugement en date du 6 février 1990 dont le ministre délégué au budget fait appel, a prononcé la décharge de l'imposition litigieuse ;
Considérant qu'aux termes de l'article 92-1 du code général des impôts relatif à la définition des bénéfices non commerciaux : "Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus" ; qu'aux termes de l'article 93-1 du même code relatif à la détermination des bénéfices non commerciaux : "Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle" et qu'aux termes du I de l'article 93 quater du code précité relatif aux plus-values de caractère professionnel : "Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies. (...) Le taux d'imposition des plus-values à long terme est cependant ramené à 10 % dans le cas particulier des contribuables exerçant une profession non commerciale" ;
Considérant que le ministre soutient qu'une communauté entre époux comportant des éléments d'actif professionnel doit être considérée comme constituant une indivision conférant à ses membres au regard du droit fiscal la qualité de co-exploitant ; que, par suite, la dissolution de la communauté conjugale, suivie de l'attribution au conjoint professionnel des droits indivis sur l'entreprise revenant à l'autre conjoint commun en biens, équivaut, pour ce dernier, à une cession d'entreprise entraînant la taxation, au titre des plus-values professionnelles, de la plus-value réalisée par ce dernier ;
Considérant que si les droits que Mme A... détenait sur la clientèle du cabinet d'expertise comptable constituaient une valeur patrimoniale figurant à l'actif de la communauté des époux Y..., Z...
A..., qui ne participait pas à l'exploitation dudit cabinet géré par son ex-mari, et qui ne pouvait d'ailleurs exercer la profession, faute d'avoir les diplômes requis, n'avait pas la qualité de co-exploitante ; que, dès lors, c'est à tort que le service a assimilé la cession des droits de clientèle dont s'agit à un retrait d'une exploitation indivise ; que, par suite, la plus-value réalisée par Mme A... n'entre pas dans le champ d'application des dispositions des articles 39 duodecies et suivants du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre délégué au budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de DIJON a accordé à Mme A... la décharge de l'imposition litigieuse ;
Sur l'application des dispositions de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article R.222 et de condamner l'Etat à payer à Mme A... la somme de 3 558 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1 : Le recours du ministre délégué au budget est rejeté.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A... une somme de 3 558 F au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre délégué au budget et à Mme A....