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21/11/1991 | FRANCE | N°89NC01321

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 21 novembre 1991, 89NC01321


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 27 juin 1989 sous le n° 89NC01321, présentée pour M. Heinz X... demeurant ... LA COTE ;
M. X... demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement en date du 25 avril 1989 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1978 à 1982 ;
2) de lui accorder la décharge sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre

des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours admi...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel le 27 juin 1989 sous le n° 89NC01321, présentée pour M. Heinz X... demeurant ... LA COTE ;
M. X... demande à la Cour :
1) d'annuler le jugement en date du 25 avril 1989 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1978 à 1982 ;
2) de lui accorder la décharge sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 1991 :
- le rapport de M. JACQ, Conseiller,
- les observations de Me BENAR, avocat de M. X...,
- et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la recevabilité :
Considérant que M. X... n'a contesté dans sa réclamation en date du 12 novembre 1984 que les rehaussements arrêtés par l'administration pour les années 1978, 1979, 1980, 1981 et 1982 et s'élevant à 199 500 F, que, s'il a demandé devant le tribunal administratif de Dijon, puis devant la Cour un dégrèvement de 217 203 F, ces conclusions ne sont pas recevables en tant qu'elles excèdent les limites demandées par voie de réclamation ; Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré de ce qu'il appartenait à l'administration de faire la preuve du bien-fondé des redressements ; que, dès lors, la circonstance qu'il n'ait pas expressément mentionné que la charge de la preuve incombait à l'administration n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les engagements de caution :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : "1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut y compris la valeur des profits et avantages dont le contribuable a joui en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu" et qu'aux termes de l'article 83 du même code, qui concerne l'imposition des revenus dans la catégorie des traitements et salaires : "Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature ... 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales" ;
Considérant que M. X..., qui était directeur général de la S.A.R.L. CEREX, dont il détenait 49,76 % des parts, a souscrit en 1966 deux engagements de caution solidaire de ladite société afin de garantir auprès d'établissements bancaires les facilités consenties par l'office national interprofessionnel de céréales ; que l'engagement, illimité vis à vis du Crédit Lyonnais et d'un montant de 600 000 F vis à vis de la Société Générale, a été renouvelé en 1969 lors de la transformation de la société en société anonyme ; qu'à la suite de la liquidation des biens de la S.A. CEREX, M. X... a versé au Crédit Lyonnais des sommes de 90 000 F en 1978 et de 72 000 F pour chacune des années 1979 à 1982 ; qu'il demande que ces sommes soient regardées comme des charges déductibles pour le calcul de son revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires au titre des années 1978, 1979, 1980 et que le déficit en résultant soit déduit de son revenu global pour les années 1981 et 1982 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'engagement de caution susmentionné souscrit par M. X... correspondait à des engagements pris par le Crédit Lyonnais envers l'office national interprofessionnel des céréales pour garantir l'exécution des contrats d'exportation de la société CEREX ; que si la caution était illimitée, M. X... était en mesure, eu égard à sa position dans la société, d'apprécier avec une approximation suffisante l'engagement qu'il prenait ; qu'en outre, compte tenu du fait que la caution était levée lorsque l'opération d'exportation était terminée et de l'existence de divers contrôles de la profession, les risques financiers encourus étaient très limités ; que, par ailleurs, les difficultés financières qu'a connues la société n'ont été le résultat ni d'une mauvaise gestion, ni d'un acte anormal mais de la hausse brutale du dollar et de l'intervention du service des douanes qui a mis en oeuvre des mesures conservatoires disproportionnées en émettant un avis à tiers détenteur de 298 959 600 F, lequel a été par la suite réduit à 2 000 000 F ; que l'engagement pris par le requérant se rattachait directement à sa qualité de dirigeant salarié de la société CEREX et avait été pris en considération de l'intérêt de la société ; que, compte tenu de ces circonstances, les dépenses dont s'agit ont bien été effectuées par M. X... en vue de l'acquisition ou de la conservation de revenus au sens de l'article 13 précité du code général des impôts ; que, par suite, et en admettant même que le requérant en acceptant de souscrire à l'engagement sus-rappelé ait eu également en vue la préservation de la valeur de ses actions dans la société, les sommes versées par le contribuable en 1978, 1979, 1980, 1981 et 1982 étaient déductibles de son revenu imposable ; que, dès lors, M. X... est fondé à demander que les bases de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1978 à 1982 dans la catégorie des traitements et salaires soient réduites respectivement des sommes de 90 000 F au titre de 1978 et de 72 000 F pour chacune des quatre autres années ;
En ce qui concerne les honoraires d'avocat :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a versé en 1978 à son avocat, dans le cadre d'une procédure judiciaire engagée au sujet de la caution sus-mentionnée des honoraires d'un montant de 40 487,23 F ; qu'eu égard au caractère professionnel des engagements de caution souscrits, ces honoraires ont la nature de frais professionnels déductibles dans la catégorie des traitements et salaires ; que, par suite, dans la mesure où le montant des frais professionnels excède la déduction forfaitaire prévue à l'article 83.3° du code général des impôts à laquelle l'administration a procédé pour 22 489 F en 1978, M. X... est fondé à demander la réduction de ses impositions au titre de l'année 1978 ;
En ce qui concerne les avances sans intérêt consenties par la S.A.R.L. UNIFREX :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui exerçait les fonctions de directeur commercial de la S.A.R.L. UNIFREX, avait ouvert dans cette société un compte courant qui présentait un solde largement débiteur aux 31 décembre 1978, 1979, 1980 et 1981 ; que la société UNIFREX, qui a dû recourir dans le même temps à des emprunts bancaires pour soulager sa trésorerie, n'a exigé aucune contrepartie financière aux avances sans intérêt qu'elle accordait à son dirigeant afin de lui permettre de faire face aux frais engagés à la suite du dépôt de bilan de la société CEREX ; que, dès lors que l'administration ne soutient pas que la renonciation de la société UNIFREX à percevoir des intérêts sur ces avances a constitué une rémunération ou un avantage occulte au sens de l'article 111 c du code général des impôts, ces sommes représentent un supplément de salaire qui trouve son origine dans les fonctions de l'intéressé ; que, dès lors, les montants des intérêts s'élevant à 8 484 F pour 1978, 12 527 F pour 1979, 40 931 F pour 1980 et 56 230 F pour 1981, que M. X... aurait dû verser à la société UNIFREX, doivent être imposés dans la catégorie des traitements et salaires et non dans celle des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : "1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages dont le contribuable a joui en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. 2. Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux I à VII bis de la 1ère sous section, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés à l'article 156-I et I bis" ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est en droit de demander, d'une part, que son revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires soit déterminé en ajoutant aux salaires bruts déclarés les sommes de 8 484 F en 1978, 12 527 F en 1979, 40 931 F en 1980 et 56 230 F en 1981 et en comptant parmi les frais professionnels déductibles les sommes de 130 487 F en 1978 et 72 000 F pour chacune des quatre années suivantes, d'autre part, que les redressements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers soient annulés et enfin que le cas échéant le déficit apparu dans la catégorie des traitements et salaires soit imputé sur le revenu global net imposable ; que, toutefois, compte tenu de ce que ses conclusions tendant à la réduction des compléments d'impôt sur le revenu ne sont recevables qu'à hauteur de la somme de 199 500 F demandée dans sa réclamation au directeur, la réduction accordée à M. X... doit être limitée à ce montant pour l'ensemble des cinq années litigieuses ;
Article 1 : Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. Heinz X... au titre des années 1978 à 1982 sont déterminées, dans la limite d'une réduction globale de 199 500 F pour les cinq années en cause, après annulation des redressements opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en ajoutant aux salaires imposables les sommes de 8 484 F en 1978, 12 527 F en 1979, 40 931 F en 1980 et 56 230 F en 1981 et en comptant parmi les frais professionnels déductibles de ces salaires bruts les sommes de 130 487 F en 1978 et 72 000 F pour chacune des quatre années suivantes.
Article 2 : M. X... est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définies à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 25 avril 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre délégué au Budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 89NC01321
Date de la décision : 21/11/1991
Sens de l'arrêt : Décharge
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-07-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - TRAITEMENTS, SALAIRES ET RENTES VIAGERES - DEDUCTIONS POUR FRAIS PROFESSIONNELS -Frais réels - Engagement de caution accordé par un dirigeant salarié - Conditions de proportionnalité entre la caution et les rémunérations - Cas d'un engagement de caution limité - Apprécition par l'intéressé, compte tenu de sa position dans la société, du montant effectif de la caution.

19-04-02-07-02 L'engagement de caution souscrit par le contribuable correspondait à des engagements pris par le Crédit Lyonnais envers l'office national interprofessionnel des céréales pour garantir l'exécution des contrats d'exportation d'une société dont il était le directeur général ; bien que la caution ait été illimitée, le contribuable était en mesure, eu égard à sa position dans la société, d'apprécier avec une approximation suffisante l'engagement qu'il prenait ; en outre, compte tenu du fait que la caution était levée lorsque l'opération d'exportation était terminée et de l'existence de divers contrôles de la profession, les risques financiers encourus étaient très limités. Les difficultés financières qu'a connues la société ont été le résultat de la hausse brutale du dollar et de l'intervention du service des douanes qui a mis en oeuvre des mesures conservatoires disproportionnées en émettant un avis à tiers détenteur de 298.959.600 F, lequel a été par la suite réduit à 2.000.000 F. L'engagement pris par le requérant se rattachait directement à sa qualité de dirigeant salarié de société et avait été pris en considération de l'intérêt de celle-ci. Dans ces circonstances, les dépenses ont bien été effectuées par le contribuable en vue de l'acquisition ou de la conservation de revenus au sens de l'article 13 du code général des impôts.


Références :

CGI 13, 83, 111


Composition du Tribunal
Président : M. Charlier
Rapporteur ?: M. Jacq
Rapporteur public ?: Mme Fraysse

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1991-11-21;89nc01321 ?
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