Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet des Alpes-Maritimes a déféré au tribunal administratif de Nice, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, la SAS Castel Plage et a demandé à la juridiction de condamner l'intéressée au paiement d'une amende, des frais d'établissement du procès-verbal et frais annexes, ainsi qu'à la remise en état du rivage de la mer à Nice, aux droits du 8, quai des Etats-Unis, en autorisant l'administration à y procéder, le cas échéant, d'office.
Par un jugement n° 2400583 du 12 novembre 2024, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a condamné la SAS Castel Plage à payer une amende de 1 000 euros ainsi que les frais de procès-verbal, a ordonné à la société de remettre les lieux en l'état, sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de six mois suivant la notification du jugement, et a autorisé l'administration à procéder le cas échéant d'office et aux frais du contrevenant à cette remise en état à l'expiration du même délai.
Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 novembre 2024 et 24 avril 2025 sous le n° 24MA02912, la SAS Castel Plage, représentée par Me Szepetowski, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2024 ;
2°) de la relaxer des fins de la poursuite ;
3°) à titre subsidiaire, de constater qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la remise en état des lieux ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les enrochements litigieux sont présents de longue date, antérieurement à 2014 ; elle n'en a pas la garde toute l'année et le modelage des plages est opéré chaque année par la métropole de Nice ; elle ne peut pas apporter la preuve d'un fait négatif ;
- le maintien des enrochements a été préconisé ;
- elle les a simplement repositionnés à la suite de leur déplacement du fait de phénomènes météorologiques ;
- la remise en état a été effectuée dans le cadre du " réengraissement " des plages réalisé en mars 2024 par la métropole de Nice, sous le contrôle de l'Etat ; il n'y a donc aucune remise en état à effectuer ; au demeurant, l'état initial n'est pas décrit, rendant impossible une telle remise en état.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2025, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 novembre 2024 et 24 avril 2025 sous le n° 24MA02919, la SAS Castel Plage, représentée par Me Szepetowski, demande à la Cour d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du 12 novembre 2024.
Elle soutient que :
- ses moyens de réformation, qui sont les mêmes que ceux évoqués dans l'instance enregistrée sous le n° 24MA02912, sont sérieux ;
- les conséquences de l'exécution du jugement seraient difficilement réversibles si elle empêche son installation annuelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2025, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Castel Plage, autrefois SARL, exploite, depuis le mois de janvier 2020, au droit du 8, quai des Etats-Unis à Nice, un lot de plage d'une surface de 1 900 m² sous-traité par la métropole Nice Côte d'Azur en vertu de la concession accordée à celle-ci par l'Etat. Par procès-verbaux des 2 novembre et 11 décembre 2023, il a été constaté la présence sur le rivage de la mer d'un enrochement de 83 mètres de long, parallèle à la plage qu'elle exploite, situé à 3 mètres au-delà de la limite de la concession, ainsi que le comblement par des galets de l'espace ainsi créé, sur une surface d'environ 60 m². Dans l'instance enregistrée sous le n° 24MA02912, la SAS Castel Plage relève appel du jugement du 12 novembre 2024 par lequel le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice l'a reconnue coupable d'une contravention de grande voirie et l'a condamnée, outre au paiement d'une amende et des frais de procès-verbal, à la remise en état du site sous astreinte. Dans celle enregistrée sous le n° 24MA02919, elle demande à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution dudit jugement. Il y a lieu de joindre ces deux instances qui concernent le même jugement pour y statuer par le même arrêt.
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 24MA02912 :
En ce qui concerne l'action publique :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " En dehors des zones portuaires et industrialo-portuaires, et sous réserve de l'exécution des opérations de défense contre la mer et de la réalisation des ouvrages et installations nécessaires à la sécurité maritime, à la défense nationale, à la pêche maritime, à la saliculture et aux cultures marines, il ne peut être porté atteinte à l'état naturel du rivage de la mer, notamment par endiguement, assèchement, enrochement ou remblaiement, sauf pour des ouvrages ou installations liés à l'exercice d'un service public ou l'exécution d'un travail public dont la localisation au bord de mer s'impose pour des raisons topographiques ou techniques impératives et qui ont donné lieu à une déclaration d'utilité publique ". Aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit (...). / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations ".
3. Il résulte de l'instruction qu'un agent assermenté de la direction départementale des territoires des Alpes-Maritimes a constaté, le 30 octobre 2023, que des personnes travaillant pour le compte de la SAS Castel Plage réalisaient, à l'aide d'une pelle mécanique, des travaux portant manipulation de blocs rocheux de grosse taille. Lesdits blocs ont ainsi été disposés sur le rivage par la requérante, comme relevé par le procès-verbal de contravention de grande voirie du 11 décembre 2023, en parallèle à la plage exploitée et à 3 mètres des limites de la concession, sur une longueur de 83 mètres, ce que l'intéressée ne conteste pas et que ses représentants ont reconnu lors de leur audition par les services de police. Elle a, dès lors, réalisé des aménagements interdits et réprimés par les dispositions des articles L. 2124-2 et L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques.
4. Si la SAS Castel Plage soutient que ces blocs étaient présents sur le site de longue date et qu'elle les a simplement remis en place en prévision d'une tempête à la suite de leur déplacement naturel, cette circonstance, à la supposer exacte, est sans incidence sur la portée des travaux qu'elle a elle-même accomplis, dont il n'est pas allégué qu'ils relèveraient d'une des exceptions aux interdictions posées par les dispositions citées ci-dessus. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que les blocs manipulés, qui ne sont pas ceux agglomérés à proximité immédiate du mur parafouille situé sous le restaurant, auraient été présents antérieurement ainsi qu'elle le soutient. Les photos annexées au procès-verbal du 11 décembre 2023 illustrent au contraire, en dehors de la zone située au niveau du mur parafouille où les blocs, présents en 2014, le sont toujours, l'absence de tout enrochement à la fin de l'année 2017 sur le reste du rivage, la présence de quelques blocs à partir de l'année 2019, puis une extension progressive de la zone enrochée à partir de l'année 2020. Il ne résulte pas davantage de l'instruction, ainsi que l'a relevé le premier juge sans contradiction et sans mettre à la charge de la requérante une preuve négative, et alors que l'un des préposés de l'entreprise a indiqué spontanément aux services de police, le 30 octobre 2023, que les blocs avaient été apportés par les soins de l'entreprise et par camion, que cet apport aurait en réalité été le fait des services de la métropole Nice Côte d'Azur. Les seules circonstances, d'une part, que cette dernière assure, en vertu du contrat de concession, la conservation et la maintenance des plages dans leurs dimensions, éventuellement par des apports de matériaux après autorisation préalable des services de l'Etat, d'autre part, que la SAS Castel Plage ne dispose pas de la garde de la plage durant toute l'année, ne sont pas suffisantes à l'établir, et les articles de presse produits à cet égard sont insuffisamment précis.
5. Dans ces circonstances, et alors même qu'une étude hydrodynamique établie pour le compte de la requérante dans la perspective d'une demande de permis de construire a préconisé le maintien desdits enrochements, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné l'a, par le jugement attaqué, reconnue coupable d'une contravention de grande voirie.
En ce qui concerne l'action domaniale :
6. S'il résulte de l'instruction qu'un certain nombre des blocs litigieux ont été retirés au cours du printemps 2024, il ressort du rapport de visite du 18 novembre 2024, établi par les contrôleurs de l'Etat et produit à l'instance par la ministre, que sept blocs rocheux demeuraient visibles sur la zone litigieuse à cette date, sans que ne puisse être exclu le fait que d'autres blocs soient dissimulés sous les galets. La requérante n'allègue pas que de nouveaux travaux seraient intervenus depuis. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge lui a enjoint sous astreinte de remettre les lieux en leur état initial, c'est-à-dire, de retirer du domaine public maritime, en coordination avec les services de l'Etat, l'ensemble des blocs rocheux constituant la ligne de 83 mètres créée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la SAS Castel Plage, enregistrée sous le n° 24MA02912, doit être rejetée, en ce comprises les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 24MA02919 :
8. Le présent arrêt statuant sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement contesté, il n'y a plus lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution dudit jugement.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS Castel Plage enregistrée sous le n° 24MA02919.
Article 2 : La requête de la SAS Castel Plage enregistrée sous le n° 24MA02912 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Castel Plage et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Point, premier conseiller,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juillet 2025.
2
N° 24MA02912, 24MA02919
fa