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17/07/2025 | FRANCE | N°24MA00779

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 17 juillet 2025, 24MA00779


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 16 septembre 2021 par laquelle l'adjoint au maire d'Antibes Juan-les-Pins délégué à l'urbanisme a rejeté leur demande tendant à l'abrogation des dispositions du plan local d'urbanisme et du site patrimonial remarquable de la commune en tant qu'elles classent leur parcelle section CL n° 288 comme unité de paysage à protéger et comme un élément remarquable du patrimoine pa

ysager et font obstacle à toute construction.



Par un jugement n° 2106114 du 31...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 16 septembre 2021 par laquelle l'adjoint au maire d'Antibes Juan-les-Pins délégué à l'urbanisme a rejeté leur demande tendant à l'abrogation des dispositions du plan local d'urbanisme et du site patrimonial remarquable de la commune en tant qu'elles classent leur parcelle section CL n° 288 comme unité de paysage à protéger et comme un élément remarquable du patrimoine paysager et font obstacle à toute construction.

Par un jugement n° 2106114 du 31 janvier 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mars et 24 mai 2024, Mme A... C... et Mme B... C..., représentées par Me Bretzner, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 31 janvier 2024 ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) d'enjoindre au maire d'Antibes Juan-les-Pins d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation des dispositions contestées du plan local d'urbanisme et du règlement du site patrimonial remarquable ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Antibes Juan-les-Pins la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en se fondant sur des éléments du rapport de présentation, du règlement et du glossaire du site patrimonial remarquable (SPR) qu'il a considérés accessibles au juge comme aux parties alors que ceux-ci n'ont été ni produits, ni débattus ;

- le jugement est insuffisamment motivé, les premiers juges ayant estimé, sans davantage de précisions, qu'il ressortait des pièces du dossier que seule l'inconstructibilité de la parcelle permettait de préserver le continuum de milieux ouverts qu'elle constitue ;

- l'adjoint au maire en charge de l'urbanisme n'était pas compétent pour prendre la décision du 16 septembre 2021 litigieuse alors qu'il revient au maire seul d'inscrire une délibération à l'ordre du jour du conseil municipal ;

- la dénomination de leur parcelle " jardin des deux villas " retenue tant par le règlement du plan local d'urbanisme que par celui du site patrimonial remarquable d'Antibes Juan-les-Pins est matériellement erronée alors qu'elle ne fait plus partie de la copropriété " Le Draneth " ;

- aucun motif n'est de nature à justifier l'interdiction de construire sur la parcelle en cause compte tenu de sa situation et de sa consistance, qui est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et présente un caractère disproportionné alors que l'appartenance de la parcelle à la trame verte n'est pas établie ;

- cette interdiction méconnaît le droit de propriété ;

- les dispositions du PLU et du SPR en cause méconnaissent le principe d'égalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2025, la commune d'Antibes Juan-les-Pins, représentée par Me Ducroux, conclut au rejet de la requête, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mmes C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire, présenté pour Mmes C..., a été enregistré le 26 juin 2025 et n'a pas été communiqué. en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code du patrimoine ;

- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Leonard, représentant Mmes C..., et celles de Me Mouakil, représentant la commune d'Antibes Juan-les-Pins.

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre du 24 juin 2021, Mmes C... ont demandé au maire de la commune d'Antibes Juan-les-Pins d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation des dispositions de l'article 9.1 du règlement de ce PLU ainsi que les dispositions de l'annexe du règlement du site patrimonial remarquable (SPR) approuvé par une délibération du18 mai 2018, en ce que ces dispositions font obstacle à toute construction sur la parcelle cadastrée section CL n° 288 dont elles sont propriétaires, située au 66-66 bis, boulevard du Cap. Elles relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 31 janvier 2024 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 16 septembre 2021 par laquelle l'adjoint au maire en charge de l'urbanisme a rejeté cette demande.

Sur la légalité de la décision litigieuse :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 153-19 du code de l'urbanisme : " L'abrogation d'un plan local d'urbanisme est prononcée par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou par le conseil municipal après enquête publique menée dans les formes prévues par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. / Le dossier soumis à l'enquête publique comprend un rapport exposant les motifs et les conséquences juridiques de l'abrogation projetée. " Aux termes de l'article L. 2121-9 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut réunir le conseil municipal chaque fois qu'il le juge utile. (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-10 de ce code dispose : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. (...) ". L'article L. 2122-18 du même code dispose : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal. (...) "

3. Il résulte de la combinaison des articles l'article R. 153-19 du code de l'urbanisme et L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales que si le conseil municipal est seul compétent pour abroger tout ou partie du plan local d'urbanisme de la commune, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Par suite, le maire a compétence pour rejeter une demande tendant à l'abrogation du PLU ou de certaines de ses dispositions.

4. Si l'adjoint au maire délégué à l'urbanisme et aux paysages urbains qui a signé la décision litigieuse bénéficiait par un arrêté du 27 mai 2020 d'une délégation de fonction portant sur l'urbanisme et les paysages urbains, les permis de construire et les autorisations d'urbanisme, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il bénéficiait d'une délégation afin de porter une question à l'ordre du jour du conseil municipal et le cas échéant rejeter une demande tendant à l'abrogation du PLU ou de certaines de ses dispositions Mmes C... sont donc fondées à soutenir que la décision litigieuse a été prise par une autorité incompétente.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 243-2 du code de justice administrative : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".

6. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Dans un tel cas, le juge doit apprécier la légalité des dispositions contestées au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

7. D'une part, aux termes de l'article L. 151-19 du même code : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation ". Aux termes de l'article L. 151-23 du même code : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation (...) Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent. ". Les articles L. 151-19 et L. 151-23 du code de l'urbanisme permettent l'un et l'autre au règlement d'un PLU d'édicter des dispositions visant à protéger, mettre en valeur ou requalifier un élément du paysage dont l'intérêt le justifie. Le règlement peut notamment, à cette fin, instituer un cône de vue ou identifier un secteur en raison de ses caractéristiques particulières. La localisation de ce cône de vue ou de ce secteur, sa délimitation et les prescriptions le cas échéant définies, qui ne sauraient avoir de portée au-delà du territoire couvert par le plan, doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 371-1 du code de l'environnement : " I. - La trame verte et la trame bleue ont pour objectif d'enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural ainsi que la gestion de la lumière artificielle la nuit. (...) / II. - La trame verte comprend : /1° Tout ou partie des espaces protégés au titre du présent livre et du titre Ier du livre IV ainsi que les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité ; / 2° Les corridors écologiques constitués des espaces naturels ou semi-naturels ainsi que des formations végétales linéaires ou ponctuelles, permettant de relier les espaces mentionnés au 1° (...) "

9. Enfin, aux termes de l'article L. 631-1 du code du patrimoine : " Sont classés au titre des sites patrimoniaux remarquables les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public./ Peuvent être classés, au même titre, les espaces ruraux et les paysages qui forment avec ces villes, villages ou quartiers un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur./ Le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. (...) " Aux termes de l'article L. 642-1 du code du patrimoine alors applicable : " Une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine peut être créée à l'initiative de la ou des communes ou d'un établissement public de coopération intercommunale lorsqu'il est compétent en matière d'élaboration du plan local d'urbanisme, sur un ou des territoires présentant un intérêt culturel, architectural, urbain, paysager, historique ou archéologique. / Elle a pour objet de promouvoir la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces dans le respect du développement durable. Elle est fondée sur un diagnostic architectural, patrimonial et environnemental, prenant en compte les orientations du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme, afin de garantir la qualité architecturale des constructions existantes et à venir ainsi que l'aménagement des espaces. / L'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine a le caractère de servitude d'utilité publique ". Aux termes du II de l'article 114 de la loi du 7 juillet 2016 susvisée relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine : " Les projets d'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine mis à l'étude avant la date de publication de la présente loi sont instruits puis approuvés conformément aux articles L. 642-1 à L. 642-10 du code du patrimoine, dans leur rédaction antérieure à la présente loi. / Au jour de leur création, les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine deviennent des sites patrimoniaux remarquables, au sens de l'article L. 631-1 du code du patrimoine, et leur règlement est applicable dans les conditions prévues au III de l'article 112 de la présente loi. Ce règlement se substitue, le cas échéant, à celui de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager applicable antérieurement. " Le III de l'article 112 de cette loi dispose : " Le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ou de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager applicable avant la date de publication de la présente loi continue de produire ses effets de droit dans le périmètre du site patrimonial remarquable jusqu'à ce que s'y substitue un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou un plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. "

10. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section CL n° 288 appartenant à Mmes C... est classée en zone UDe du PLU de la commune d'Antibes Juan-les-Pins correspondant aux quartiers péricentraux et bâti individuel dominant. L'article UD 11 du PLU régissant l'aspect extérieur des constructions dans cette zone dispose que " Le site patrimonial remarquable (SPR) couvre très partiellement le secteur UD. Ainsi, les constructions et installations situées dans ce périmètre sont soumises à des règles spécifiques traduites à la fois dans le règlement du SPR mais aussi dans ses documents graphiques. " Le 1 de l'article 9 des dispositions générales du règlement du PLU relatif au SPR dispose dans le même sens que " Dans le cadre du SPR, le patrimoine paysager a fait l'objet d'une analyse typologique afin d'en identifier l'intérêt et d'en fixer les principes de préservation. Elle se traduit par l'établissement d'un corps de règles pour chaque typologie (cf. règlement et documents graphiques du SPR). " Le 2 de ce même article relatif au PLU dispose : " A l'article L. 151-19 et L. 151-23 du code de l'urbanisme, les éléments de paysage et les immeubles à protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d'ordre culturel, historique ou écologique ont été inventoriés afin d'en assurer la pérennité. Ainsi, les éléments de paysage surfaciques, linéaires et ponctuels, figurant sur les documents graphiques du règlement, doivent être préservés de tout aménagement et de toute construction en sur-sol (volume au-dessus du terrain naturel) et en sous-sol (volume en dessous du terrain naturel) " Parmi la liste des éléments de paysage à protéger figure la parcelle en cause désignée comme le " jardin des deux villas ", qui porte le numéro 83 en tant qu'unité de paysage (protection surfacique) en application du premier alinéa de l'article L. 151-23 (" L. 151-23-1 "). Par ailleurs, cette même parcelle est identifiée, sous cette même dénomination et numérotation, en tant que " jardin remarquable " au titre des éléments remarquables du patrimoine paysager en annexes du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) approuvé par une délibération du conseil municipal d'Antibes Juan-les-Pins du 18 mai 2018 qui, en application des dispositions de la loi du 7 juillet 2016 rappelées au point 9, est devenue un SPR, et dont les règles s'ajoutent à celles du PLU comme le rappelle l'article 2 du règlement de ce document, lesquels éléments remarquables doivent, selon le préambule de ces annexes, être préservés de toute urbanisation, qu'ils soient à créer ou à protéger, suivant l'intention des auteurs de ces documents. Le rapport de présentation de l'AVAP devenue SPR mentionne que " Les continuums écologiques correspondent à des espaces dans lesquels la biodiversité est la plus riche ou la mieux représentée, où les espèces peuvent effectuer tout ou partie de leur cycle de vie et où les habitats naturels peuvent assurer leur fonctionnement en ayant notamment une taille suffisante, qui abritent des noyaux de populations d'espèces à partir desquels les individus se dispersent ou qui sont susceptibles de permettre l'accueil de nouvelles populations d'espèces. / (...) / Dans le cadre de l'AVAP, la trame verte et bleue doit être considérée comme un élément paysager primordial ". Enfin, les cartes du zonage du site patrimonial remarquable identifient en vert les " jardins à créer ou à protéger " en faisant directement référence à l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme. Il résulte de cet ensemble de dispositions que toute construction est interdite sur la parcelle des appelantes et, par ailleurs, que cet encadrement strict par les règlements du PLU et du SPR résulte des mêmes motifs de protection à vocation écologique et du même fondement juridique dont, dès lors, le bien-fondé est à apprécier en l'espèce au regard du principe rappelé au point 7, en particulier quant à la proportionnalité de ces prescriptions.

11. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle en cause, d'une surface de 3 695 m², en nature de friche, non boisée et dépourvue de toute construction, se situe en zone UDe du Cap d'Antibes Juan-les-Pins correspondant aux quartiers péricentraux au bâti individuel dominant, où l'emprise au sol des constructions est limitée à 15 % de la surface du terrain. Elle s'inscrit au sein d'un secteur entièrement urbanisé par des villas avec piscine implantées au sein de larges espaces verts et arborés, les parcelles avoisinantes étant toutes construites, y compris celles prise en compte au titre de l'unité de paysage n° 83. Elle se situe par ailleurs, selon les cartes de zonages de l'AVAP d'Antibes Juan-les-Pins, devenue SPR, au sein de la partie centrale du Cap d'Antibes Juan-les-Pins constituant une zone d'accompagnement dite " GC " qui, selon le règlement de ce document, caractérise les parties du territoire communal dans lesquelles l'importance patrimoniale ou le degré de sensibilité présente un niveau d'intensité moyen, à la différence des zones indicées A et B où la sensibilité est respectivement très élevée et importante. Le rapport de présentation du SPR n'identifie cette partie du territoire de la commune ni comme un réservoir de biodiversité, ni comme un continuum écologique, lesquels se trouvent plus au sud, sur la pointe du Cap d'Antibes Juan-les-Pins et le socle de la Garoupe. A cet égard, selon le rapport d'expertise produit par les appelantes, qui n'a pas été établi de manière contradictoire mais qu'il appartient à la Cour de prendre en compte à titre d'élément d'information, et dont les conclusions ne sont pas utilement contestées en défense, que si une végétation rudérale est omniprésente sur la parcelle, caractéristique des grands ensembles naturels qui composent le territoire de la commune selon les rapports de présentation du PLU et du SPR, cette parcelle ne présente aucune espèce végétale arbustive ou herbacée remarquable mais surtout des espèces opportunistes et envahissantes de façon importante, et ne constitue pas ainsi un réservoir de biodiversité, alors qu'elle se situe dans un secteur largement artificialisé et imperméabilisé, ni un corridor écologique, alors que la zone pavillonnaire où elle se situe est entourée de murs ou de grilles d'enceinte freinant voire empêchant la circulation d'une éventuelle faune. En outre, à supposer même que la parcelle en cause fasse partie de la trame verte qui, au demeurant, présente dans ce secteur une faible emprise, aucun des documents du PLU et du SPR, ni les écritures de la commune d'Antibes Juan-les-Pins ou les pièces produites à l'appui ne viennent justifier l'interdiction de construire dont cette parcelle fait l'objet, ni que des restrictions moindres ne pourraient lui être appliquées, dans cette zone urbaine où l'emprise au sol des constructions est fixée à 15 % et où, en application de l'article L. 632-2 du code du patrimoine, toute autorisation préalable de travaux est subordonnée à l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Dans ces conditions, Mmes C... sont fondées à soutenir que les prescriptions du PLU et du SPR sont disproportionnées.

12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de l'arrêté contesté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, Mmes C... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 16 septembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

15. Le présent arrêt, qui annule la décision refusant d'inscrire à l'ordre du jour l'abrogation des dispositions litigieuses du PLU et du SPR de la commune d'Antibes Juan-les-Pins, implique, eu égard au motif retenu au point 11, et en l'absence d'un changement de circonstances de droit ou de fait à la date du présent arrêt, qu'il soit enjoint au maire de cette commune d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation de ces dispositions en tant qu'elles font obstacle à toute construction sur la parcelle cadastrée section CL n° 288, située au 66-66 bis, boulevard du Cap appartenant à Mmes C..., dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Antibes Juan-les-Pins la somme de 2 000 euros à verser à Mmes C... prises ensemble sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Celles-ci n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la commune d'Antibes Juan-les-Pins sur ce même fondement.

D É C I D E

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 31 janvier 2024 et la décision du 16 septembre 2021 de l'adjoint au maire d'Antibes Juan-les-Pins délégué à l'urbanisme sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune d'Antibes Juan-les-Pins d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme et du site patrimonial remarquable de la commune en tant qu'elles font obstacle à toute construction sur la parcelle cadastrée section CL n° 288 située au 66-66 bis, boulevard du Cap appartenant à Mmes C..., dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune d'Antibes Juan-les-Pins versera à Mmes C... prises ensemble la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Antibes Juan-les-Pins sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et Mme B... C... et à la commune d'Antibes Juan-les-Pins.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente-assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2025.

2

N° 24MA00779

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00779
Date de la décision : 17/07/2025

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : BREDIN PRAT AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;24ma00779 ?
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