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10/07/2025 | FRANCE | N°24MA00582

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 10 juillet 2025, 24MA00582


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Travaux Publics Grand Littoral a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2109

288 du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Travaux Publics Grand Littoral a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2109288 du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 mars 2024, la société Travaux Publics Grand Littoral, représentée par Me Ferrandi-Acquaviva, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 janvier 2024 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 3 mai 2017 est insuffisamment motivée en raison notamment d'erreurs de calcul ;

- c'est à tort que l'administration a rejeté sa comptabilité ;

- c'est à tort que l'administration a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée collectée résultant du rapprochement entre les encaissements et la taxe déclarée ;

- elle n'a pas indûment majoré la taxe sur la valeur ajoutée déductible déclarée par la déduction anticipée d'une somme de 50'448,50 euros ;

- par voie de conséquence, l'administration ne pouvait faire application du profit sur le Trésor ;

- la réintégration à son résultat de l'exercice clos en 2015 d'un avoir client à hauteur de 40'214,22 euros conduit à une double imposition ;

- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration de 40 % applicable en cas de manquement délibéré.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Travaux Publics Grand Littoral ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Travaux Publics Grand Littoral, qui exerce une activité de travaux de terrassement, voirie et réseaux divers ainsi que de location d'engins de chantier avec chauffeur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015. Elle relève appel du jugement du 12 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi mises à sa charge au titre des exercices clos en 2014 et 2015.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

3. La proposition de rectification du 3 mai 2017 adressée à la société Travaux Publics Grand Littoral mentionne les impôts concernés, les années d'imposition et le montant des rectifications. Elle précise notamment le fondement légal des rectifications et indique de manière précise les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier les rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La circonstance que les montants des discordances de taxe sur la valeur ajoutée collectée mentionnés dans la proposition de rectification sont erronés est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation des rappels correspondants, dès lors que la proposition de rectification fait référence à son annexe dans lequel les montants sont exacts, et que ces montants sont reproduits sans erreur dans le tableau récapitulatif des rappels de taxe sur la valeur ajoutée figurant dans le corps de la proposition de rectification. Par ailleurs, en précisant que la rectification relative à la taxe sur la valeur ajoutée déductible déclarée à tort résulte du rapprochement des droits à déduction comptabilisés ressortant du compte 445 664 " TVA déductible " et des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible portés sur les déclarations mensuelles, et en précisant notamment les montants totaux portés au débit du compte 445 664, correspondant à la taxe comptabilisée sur les factures d'achat, ainsi que le montant total de la taxe sur la valeur ajoutée comptabilisée au crédit de ce compte et correspondant à des avoirs et annulations, le vérificateur a suffisamment motivé la proposition de rectification sur ce point, quand bien même il n'a pas reproduit le détail des écritures du compte. Enfin, si la société requérante fait valoir que le vérificateur aurait omis la taxe sur la valeur ajoutée déductible relative à une partie de la période, le caractère suffisant de la motivation de ce rappel ne dépend pas du bien-fondé des motifs sur lesquels il est fondé. Par conséquent, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. En premier lieu, le vérificateur a relevé que si les fichiers des écritures comptables lui ont été fournis, la validation des écritures est postérieure à la date de clôture des exercices et de souscription des liasses fiscales, et que si les balances présentées sur support papier mentionnent un lettrage, les écritures comptables figurant dans les fichiers ne comportent pas de lettrage, cette absence faisant obstacle au suivi des encaissements et décaissements. Par ailleurs, la société Travaux Publics Grand Littoral ne conteste pas l'absence d'inscription au passif à l'ouverture de la période vérifiée de la dette fiscale résultant d'une précédente vérification de comptabilité et ne conteste pas sérieusement les constations précises du vérificateur relatives à des transferts de sommes vers le compte " impôts et taxes " permettant de faire disparaître une dette de taxe sur la valeur ajoutée non prescrite et la comptabilisation d'une charge fictive au cours de l'année 2014 permettant d'équilibrer à tort des paiements opérés en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, et sans que la société requérante puisse utilement faire valoir qu'elle n'est pas en mesure de vérifier le fonctionnement du logiciel utilisé par le cabinet comptable chargé de la tenue de sa comptabilité, le vérificateur a pu à bon droit tenir cette comptabilité comme irrégulière et non probante.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code, relatif au fait générateur et à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée : " (...) 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ".

6. Le vérificateur a constaté, ainsi qu'il a été dit précédemment, des discordances entre la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux encaissements figurant en comptabilité et celle portée sur les déclarations souscrites par la société. Cette dernière se borne à faire valoir qu'elle aurait remis au cours du contrôle un tableau récapitulatif de son chiffre d'affaires déterminé à partir des encaissements réels, dont le vérificateur n'aurait pas tenu compte, ce que le ministre, d'ailleurs, conteste, sans produire ni ce tableau ni aucun autre élément de nature à justifier que le montant des encaissements retenu par l'administration et ressortant de sa comptabilité serait inexact. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne démontrerait pas l'existence de discordances entre la taxe sur la valeur ajoutée collectée et la taxe déclarée.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) ".

8. Le vérificateur a remis en cause la déduction opérée au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015 de la taxe sur la valeur ajoutée grevant sept factures, pour un montant de 50 488,50 euros, au motif que les prestations en cause figuraient, au 30 septembre 2015, au crédit des comptes " fournisseur " et qu'elles n'avaient pas été réglées à la clôture de l'exercice. La société Travaux Publics Grand Littoral se borne à faire valoir que ces factures ont été acquittées, sans produire le moindre élément de démonstration à l'appui de ces affirmations, et ne conteste pas les constatations sur lesquelles le vérificateur s'est fondé pour la regarder comme ayant déduit par anticipation la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces factures. Doit donc être écarté le moyen tiré de ce que la société Travaux Publics Grand Littoral n'aurait pas indûment majoré la taxe sur la valeur ajoutée déductible déclarée par la déduction anticipée d'une somme de 50 448,50 euros.

9. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que la société Travaux Publics Grand Littoral n'est pas fondée à soutenir que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée opérés par le service vérificateur sont injustifiés et qu'en conséquence, le profit sur le Trésor correspondant aurait été réintégré à tort à ses bénéfices imposables.

10. En cinquième lieu, dès lors que le chiffre d'affaires imposable à l'impôt sur les sociétés est comptabilisé hors taxes, la société requérante ne peut utilement soutenir que la réintégration à son résultat de l'exercice clos en 2015 d'un avoir client à hauteur de 40'214,22 euros conduirait à une double imposition au motif qu'elle aurait dû facturer ses prestations à ce client sans les soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée, sans au demeurant produire le moindre élément de justification à l'appui de son moyen.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. En relevant la répétition des minorations de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée au cours de l'ensemble de la période vérifiée, qui procèdent d'importantes discordances entre la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux encaissements et la taxe déclarée, et de la majoration indue de la taxe déductible, alors que des rectifications similaires avaient déjà été proposées à l'issue d'un précédent contrôle, l'administration établit le caractère délibéré des manquements de la société Travaux Publics Grand Littoral. Dans ces conditions, l'administration justifie du bien-fondé de l'application aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Travaux Publics Grand Littoral de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Travaux Publics Grand Littoral n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Travaux Publics Grand Littoral est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiées Travaux Publics Grand Littoral et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.

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N° 24MA00582


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