Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 février 2024 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a décidé son expulsion du territoire français, d'enjoindre au préfet des Alpes-de-Haute-Provence de lui délivrer une carte de résident dans un délai de trente jours suivant la notification du jugement, sous astreinte
de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2403660 du 24 février 2025, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mars 2025, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence demande à la Cour d'annuler ce jugement.
Le préfet soutient que :
- la mesure d'expulsion est légalement justifiée compte tenu de la situation et du comportement d'ensemble de l'intimé au regard de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et au vu tant des mentions au traitement des antécédents judiciaires le concernant de 2018 à 2023 et de ses condamnations judiciaires de 2011 et de 2023, que de sa soustraction persistante à son obligation de pointage, de l'irrégularité de son séjour et de son défaut d'intégration dans la société française.
La requête du préfet des Alpes-de-Haute-Provence a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit d'observations avant la clôture de l'instruction.
Des pièces et un mémoire ont été produits pour M. A... les 21 et 22 juin 2025, soit après la clôture de l'instruction, et n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité tunisienne et entré en France en 2002, a demandé au préfet des Alpes-de-Haute-Provence le 1er juin 2021 le renouvellement de sa carte de résident. Mais, en dépit d'un avis défavorable de la commission d'expulsion du 14 décembre 2023, le préfet a décidé par un arrêté du 12 février 2024 d'expulser M. A... pour menace grave à l'ordre public.
Par un jugement du 24 février 2025, dont le préfet des Alpes-de-Haute-Provence relève appel,
le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3. ". L'article L. 631-2 du même code dispose quant à lui, dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration que : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...). Par dérogation au présent article, peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 l'étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article lorsque les faits à l'origine de la décision d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint, d'un ascendant ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale. Par dérogation au présent article, peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 l'étranger mentionné aux
1° à 4° du présent article lorsque les faits à l'origine de la décision d'expulsion ont été commis à l'encontre du titulaire d'un mandat électif public ou de toute personne mentionnée aux 4° et 4° bis de l'article 222-12 du code pénal ainsi qu'à l'article 222-14-5 du même code, dans l'exercice ou en raison de sa fonction. Par dérogation au présent article, peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 l'étranger mentionné aux 1° à 4° du présent article qui est en situation irrégulière au regard du séjour, sauf si cette irrégularité résulte d'une décision de retrait de titre de séjour en application de l'article L. 432-4 ou d'un refus de renouvellement sur le fondement de l'article L. 412-5 ou du 1° de l'article L. 432-3.".
3. Il ressort des pièces du dossier d'appel, notamment du procès-verbal d'audition de
M. A... par les services de gendarmerie, qu'il a admis avoir porté deux gifles à sa conjointe le 24 avril 2020 et que celle-ci a porté plainte contre lui pour violences ayant entraîné une interruption temporaire de travail de moins de huit jours. Or, il résulte des motifs mêmes de l'arrêté en litige que pour décider l'expulsion de M. A..., le préfet s'est fondé notamment sur de tels faits.
M. A..., n'a demandé que le 1er juin 2021 le renouvellement de sa dernière carte de résident expirant le 29 mai 2021. En admettant que M. A... puisse être regardé comme résidant régulièrement en France depuis plus de dix ans au sens des dispositions du 3° de l'article
L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comme, de ce fait, insusceptible en principe de faire l'objet d'une décision d'expulsion pour motif de menace grave pour l'ordre public, les dispositions de l'article L. 631-2 de ce code, issues de la loi du
24 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, autorisaient le préfet à envisager de prononcer son expulsion pour ce motif, en fondant sa décision sur les faits de violence sur sa conjointe.
4. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les 17 novembre 2011 et 6 mai 2021, M. A... a été condamné, respectivement à une peine d'amende de 1 000 euros et à une peine d'emprisonnement de deux ans, pour des faits d'escroquerie commis en 2011, et de faux, escroquerie et complicité d'escroquerie entre 2012 et 2015. Les 15 mai 2019 et 9 janvier 2023,
M. A... a été condamné à 400 euros d'amende pour usage illicite de stupéfiants et à 90 jours amende pour conduite sans permis ni assurance avec consommation de stupéfiants. Néanmoins de tels faits, compte tenu de l'ancienneté de ceux les plus graves, ne sont pas de nature à faire regarder la présence en France de M. A... depuis 2002, comme constituant à la date de l'arrêté d'expulsion en litige, une menace grave pour l'ordre public. Il en va de même des propos insultants que l'intéressé a reconnu le 3 mai 2022 avoir tenus le 11 mars 2022 à l'encontre d'un médecin régulateur lors d'un appel au service d'aide médicale d'urgence, et des deux gifles qu'il a admis avoir portées à son épouse le 24 avril 2020, lesquels demeurent des comportements de violence isolés, et n'ont du reste pas donné lieu à poursuites.
5. Si pour justifier sa décision, le préfet invoque également les mentions du traitement des antécédents judiciaires concernant M. A... et relatives, respectivement, à des menaces, insultes et violences sur la réceptionniste de l'hôtel où il assurait la sécurité et l'entretien,
les 15 juin et 16 juillet 2018, à des violences avec menace d'un couteau sur un ami
le 21 septembre 2019 et à des menaces de mort qu'il aurait proférées le 30 avril 2021 à l'encontre du bailleur de son restaurant, les procès-verbaux d'audition de l'intéressé par la gendarmerie concernant ces trois séries de faits indiquent que celui-ci a formellement dénié la réalité des accusations portées contre lui par ces tiers. Et il n'est ni établi ni même allégué que ces auditions auraient été suivies de poursuites pénales.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet Alpes-de-Haute-Provence n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé son arrêté d'expulsion, pris d'ailleurs malgré l'avis défavorable de la commission d'expulsion, pour méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa requête d'appel doit donc être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet des Alpes-de-Haute-Provence est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.
N° 25MA00737 2