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08/07/2025 | FRANCE | N°24MA02951

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 08 juillet 2025, 24MA02951


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 6 juin 2024 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2402554 du 28 octobre 2024, le t

ribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. A....



Procédure devant la Cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 6 juin 2024 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2402554 du 28 octobre 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2024, M. B... A..., représenté par Me Saidani, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2402554 du 28 octobre 2024 du tribunal administratif de Toulon ainsi que l'arrêté du 6 juin 2024 et le signalement dans le système d'information Schengen ;

2°) d'enjoindre au préfet du Var de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il remplit les conditions fixées par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment s'agissant de la condition de minorité lorsqu'il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance, tous les documents d'état civil produits étant authentiques contrairement à ce qu'a estimé le préfet ;

- il remplit également la condition tirée du suivi d'une formation pendant six mois, et il a déposé sa demande deux mois avant ses dix-huit ans ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il aurait très bien pu se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de la nouvelle loi immigration, au titre d'une admission exceptionnelle au séjour par le travail.

La requête a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 28 avril 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2025.

Par une lettre du 2 juin 2025, la Cour a demandé à M. A..., sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire tout élément permettant d'établir l'origine de la copie intégrale de l'acte de naissance du 12 juin 2024 produit en pièce n° 8, d'exposer les conditions dans lesquelles ce document lui est parvenu, et d'apporter des explications sur l'apparente contradiction avec la mention qui figure sur celui-ci, selon laquelle il a été établi

" déclaration faite le 19 janvier 2023 par M. C... A..., père de l'enfant ", alors que son père est décédé au cours de l'année 2009.

M. A... a produit des pièces complémentaires le 23 juin 2025, qui n'ont pas été communiquées au préfet du Var.

La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du

28 février 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- et les observations de Me Saidani, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen qui serait entré en France le 21 septembre 2021 selon ses déclarations, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) du département du Var jusqu'au 11 avril 2023, date alléguée de sa majorité, par une ordonnance de placement provisoire prise le 6 octobre 2021 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Avignon, puis par un jugement en assistance éducative rendu le 16 juin 2022 par le juge des enfants du même tribunal. Par un arrêté du 6 juin 2024, le préfet du Var a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du

28 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de

" salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

4. D'autre part, selon l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande

la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande :

/ 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil prévoit que : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. La délivrance à un étranger d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée au respect par l'étranger des conditions qu'il prévoit, en particulier concernant l'âge de l'intéressé, que l'administration vérifie au vu notamment des documents d'état civil produits par celui-ci. A cet égard, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. Il résulte de ce qui précède que la seule circonstance que le requérant a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance de placement provisoire prise

le 6 octobre 2021 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Avignon, puis par un jugement en assistance éducative rendu le 16 juin 2022 par le juge des enfants du même tribunal, ne privait pas le préfet de la possibilité de vérifier qu'il leur avait effectivement été confié entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, condition posée par les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers citées au point 2, dont il est constant qu'elles constituent le fondement de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu le 4 août 2021 par le tribunal de première instance de Dixinn statuant en matière civile, ainsi qu'un extrait du registre de l'état civil établi le 17 août suivant par un officier de l'état civil guinéen qui transcrit ce jugement en marge des registres de l'état civil de Ratoma, Conakry, lieu de naissance de l'intéressé. Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A..., le préfet du Var s'est fondé sur trois rapports établis les 28 juin 2022, 1er août 2023 et 19 février 2024 par les services de la direction centrale de la police aux frontières, aux termes desquels ces documents, qui ne sont pas référencés dans les bases documentaires, de sorte que la vérification des points de contrôle s'avère impossible, présentent diverses irrégularités au regard de la règlementation guinéenne, telles que l'absence d'heure de réception de l'acte, la présence d'abréviation, une date mentionnée en chiffres, ainsi que des anomalies concernant la double légalisation. Sur la base de ces éléments précis, les rapports précités concluent à l'irrégularité des actes produits par M. A... sur le fondement de l'article 47 du code civil. Si M. A..., qui n'apporte aucune explication sur ces anomalies, entend se prévaloir de la carte d'identité consulaire ainsi que du passeport délivrés par les autorités consulaires de son pays, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même allégué que ces documents auraient été établis sur le fondement d'autres actes d'état civil que ceux dont l'inauthenticité a été relevée par la police aux frontières, le passeport produit dans l'instance étant lui-même entaché,

au demeurant, d'une faute affectant la dénomination de sa commune de résidence en France, soit une mention de " Toulons " pour la ville de Toulon. De même, la copie intégrale de l'acte de naissance délivrée le 12 juin 2024 par les services de l'ambassade de la République de Guinée en France n'est pas davantage de nature à attester de la réalité de la date de naissance de l'appelant, ce document étant lui-même entaché d'une erreur grossière sur la date de déclaration réalisée par le père de M. A..., l'appelant et son conseil n'ayant apporté aucune explication, même insatisfaisante, sur ce point précis, que ce soit en réponse à la mesure d'instruction diligentée par la Cour ou au cours de l'audience où, au demeurant, M. A... s'est abstenu de comparaitre. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait estimer, pour rejeter sa demande d'admission au séjour en application des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les actes d'état-civil dont il s'est prévalu n'étaient pas authentiques et, par suite, qu'ils n'étaient pas de nature à justifier qu'il remplissait la condition d'âge fixée par ces dispositions. Par suite, dès lors que ce motif justifiait, à lui seul,

le refus d'admission au séjour que lui a opposé le préfet, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'erreur d'appréciation.

8. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

9. Ainsi qu'il a été précédemment exposé, la demande initiale d'admission exceptionnelle au séjour de M. A... reposait sur le seul fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour " sur le fondement de la nouvelle loi immigration " doit être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction, ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 8 juillet 2025.

N° 24MA02951 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02951
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SAIDANI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-08;24ma02951 ?
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