Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 27 mai 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2403437 du 25 octobre 2024, le tribunal administratif de Nice, d'une part, a annulé l'arrêté du 27 mai 2024, d'autre part, a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2024, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2403437 du 25 octobre 2024 de Nice.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué n'est pas entaché du vice de procédure tiré du défaut de consultation de la commission départementale du titre de séjour dès lors que M. A... ne démontre pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que M. A... justifiait de circonstances humanitaires et de motifs exceptionnels de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2025, M. A..., représenté par
Me Carrez, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 12 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Martin.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant mauricien né le 8 mars 1989, est entré régulièrement en France le 30 septembre 2010. Par arrêté du 27 mai 2024, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. A... sur le fondement de l'article
L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par la présente requête, le préfet des Alpes-Maritimes relève appel du jugement du 25 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 27 mai 2024 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... dans le délai d'un mois.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif de Nice a accueilli les moyens tirés, d'une part, du vice de procédure résultant du défaut de consultation de la commission du titre de séjour, et, d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation résultant de ce que M. A... justifiait de circonstances humanitaires et d'un motif exceptionnel de nature à permettre une admission exceptionnelle au séjour.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré régulièrement en France au cours du mois de septembre 2010 pour suivre une formation de technicien supérieur de commerce international au sein de l'institut de commerce et de gestion à Paris. Il s'est ensuite vu délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " Etudiant " valable du 8 septembre 2011 au 7 septembre 2012, renouvelé du 8 septembre 2012 au 7 septembre 2013. Si l'arrêté attaqué précise que M. A... ne justifie pas de sa présence en France au titre de l'année 2014, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des relevés de comptes bancaires faisant apparaitre des opérations de retrait ou d'achat en France en janvier et en mars, mais également des courriers et factures reçus à son domicile personnel, ou encore du courrier de l'assurance maladie portant confirmation d'inscription au régime étudiant de sécurité sociale au titre de l'année 2014-2015, que l'intéressé a résidé de manière habituelle en France au cours de l'année 2014. S'agissant des années 2015 à 2017, M. A... justifie également sa présence en France par la production, notamment, de courriers adressés par son établissement bancaire, de relevés de comptes faisant apparaître des paiements sur le territoire français, d'une attestation de la directrice pédagogique de l'école supérieure de commerce, de communication et de gestion de Nice, selon laquelle il a suivi les cours dispensés dans l'établissement en classe BTS Management des unités commerciales au titre de l'année scolaire 2015 - 2016, ou encore d'un certificat de scolarité du directeur de l'ESRA Côte d'Azur au titre de l'année 2017 - 2018, ainsi que d'une attestation d'hébergement de sa mère et de son beau-père, domiciliés à Nice, du 26 avril 2017. Enfin, la présence en France de M. A... à compter du dernier trimestre 2018 et jusqu'à la date de l'arrêté attaqué est attestée par la production de bulletins de salaire mensuels couvrant l'ensemble de la période. Dans ces conditions, dès lors que l'intéressé justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans, sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ne pouvait être rejetée par le préfet des Alpes-Maritimes sans consultation préalable de la commission du titre de séjour. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet a entaché d'illégalité son arrêté du
27 mai 2024 en s'abstenant de saisir cette instance pour avis, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En revanche et d'autre part, en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur, qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, de motifs exceptionnels exigés par la loi.
6. Si, ainsi qu'il vient d'être dit, M. A... justifie résider habituellement en France depuis septembre 2010, et que depuis la fin de l'année 2018, il exerce une activité professionnelle à Nice avec son frère, de nationalité française, dans le restaurant géré par sa mère, également de nationalité française, sous couvert d'un contrat de travail à durée indéterminée, ces seules circonstances ne permettent pas de caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels lui ouvrant droit à l'admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale ou d'une activité salariée en application des dispositions citées au point 2 de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'injonction :
7. Le présent arrêt confirme l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2024 prononcée par le jugement en litige, mais uniquement en raison du vice de procédure qui résulte, ainsi qu'il a été dit, du défaut de consultation de la commission du titre de séjour, aucun autre moyen n'étant mieux à même de régler le litige. Par conséquent, une telle annulation n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour au bénéfice de l'intimé, mais seulement le réexamen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par suite, il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à l'examen de cette demande et de prendre une nouvelle décision, après consultation de la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes est seulement fondé à demander la réformation du jugement du 25 octobre 2024, en tant que le tribunal lui a enjoint de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A....
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nice du 25 octobre 2024 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la demande d'admission exceptionnelle au séjour, dans les conditions et délai fixés au point 7 du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 8 juillet 2025.
N° 24MA02648 2