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08/07/2025 | FRANCE | N°23MA02865

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 08 juillet 2025, 23MA02865


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de l'indemniser des différents préjudices résultant de l'accident de service dont elle a été victime le 18 mars 2013 et, d'autre part, de prescrire une expertise médicale afin de déterminer l'étendue de ces préjudices.



Par une ordonnance n° 1701799 du 24 juillet 2017, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme B....
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Par un arrêt n° 17MA03823 du 26 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de l'indemniser des différents préjudices résultant de l'accident de service dont elle a été victime le 18 mars 2013 et, d'autre part, de prescrire une expertise médicale afin de déterminer l'étendue de ces préjudices.

Par une ordonnance n° 1701799 du 24 juillet 2017, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme B....

Par un arrêt n° 17MA03823 du 26 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie d'un appel présenté pour Mme B..., a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire au tribunal.

Par un jugement n° 1800211 du 5 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a, avant dire droit, désigné un expert afin, notamment, de décrire l'état antérieur de Mme B... en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les séquelles en lien avec l'accident dont elle a été victime le 18 mars 2013, de décrire les conséquences de cet accident et de déterminer les séquelles dont la victime reste atteinte tout en précisant si les lésions imputées à l'accident du 18 mars 2013 sont bien en relation directe et certaine avec l'accident.

Par un jugement n°1800211 du 8 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Vitrolles à verser à Mme B... la somme de 270 854,07 euros, et a mis à la charge de la commune les frais d'expertise ainsi que la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédures devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2023, sous le n° 23MA02865, et un mémoire, enregistré le 6 février 2025 à 11 heures 48 et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la commune de Vitrolles, représentée par

Me Ladouari, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 novembre 2023 ;

2°) à titre principal de rejeter la demande de Mme B... ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener la condamnation prononcée par le tribunal à de plus justes proportions ;

4°) en tout état de cause de mettre à la charge de Mme B... une somme de

1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car rendu en méconnaissance de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, son mémoire complémentaire contenant des éléments nouveaux et pièces nouvelles ayant dû être communiqué malgré la clôture de l'instruction ;

- ce jugement est irrégulier au regard de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dès lors que la caisse d'assurances sociales d'affiliation de Mme B... n'a pas été mise en cause ;

- c'est à tort que le tribunal a prononcé sa condamnation alors que Mme B... n'a pas lié le contentieux en ce qui concerne la responsabilité sans faute ;

- le jugement attaqué a été rendu ultra petita en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité accordée à l'intimée à une somme supérieure à celle de 107 715 euros qu'elle demandait au titre de la responsabilité sans faute, dans le dernier état de ses écritures ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'accident du 18 mars 2013 est imputable à une faute par imprudence de l'agent, et non à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage, de sorte que la demande indemnitaire doit être rejetée ou à défaut, qu'un partage de responsabilité doit être retenu ;

- il n'est pas établi par celle-ci qu'elle aurait exposé des frais d'assistance par une tierce personne, avant ou après la consolidation de son état de santé ;

- en tout état de cause, et dès lors qu'elle a pu reprendre son service le 1er mai 2017, l'intéressée ne pourrait prétendre qu'à l'octroi sur la période en cause, au titre de ce poste de préjudice, de la somme de 13 316 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2024, Mme B..., représentée par Me Adrai-Lachkar, conclut au rejet de la requête, à l'engagement de la responsabilité de la commune de Vitrolles sur le fondement du défaut d'entretien normal de son ouvrage, à la condamnation de la commune de Vitrolles à lui verser la somme de 207 854 euros à parfaire, et à ce que soient mis à la charge de celle-ci les entiers dépens correspondant aux frais d'expertise et la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sa demande est recevable et sa créance non prescrite ;

- la responsabilité de la commune est engagée envers elle du fait d'un défaut d'entretien normal, le maire disposant sur le fondement de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales d'un pouvoir de police lui imposant de veiller au bon entretien des ouvrages publics communaux ;

- elle a droit, en réparation de tous ses préjudices patrimoniaux et personnels, à l'octroi d'une somme de 334 692, 98 euros ;

- dans l'hypothèse où seule la responsabilité sans faute de la commune devait être engagée par la Cour, elle aurait droit, en réparation de ses seuls préjudices extra-patrimoniaux, à la somme de 207 854 euros.

La procédure a été communiquée le 12 mars 2025 à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 12 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée

au 7 avril 2025, à 12 heures.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 23MA02866 le 30 novembre 2023, et un mémoire, enregistré le 6 février 2025 et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la commune de Vitrolles, représentée par Me Ladouari, demande à la Cour :

1°) de sursoir à l'exécution du jugement n°1800211 rendu par le tribunal administratif de Marseille le 8 novembre 2023 ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) de rejeter la demande de Mme B... ;

4°) subsidiairement de ramener la somme allouée à celle-ci par le tribunal à de plus justes proportions ;

5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car rendu en méconnaissance de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, son mémoire complémentaire contenant des éléments nouveaux et pièces nouvelles ayant dû être communiqué malgré la clôture de l'instruction ;

- ce jugement est irrégulier au regard de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dès lors que la caisse d'assurances sociales d'affiliation de Mme B... n'a pas été mise en cause ;

- c'est à tort que le tribunal a prononcé sa condamnation alors que Mme B... n'a pas lié le contentieux en ce qui concerne la responsabilité sans faute ;

- le jugement attaqué a été rendu ultra petita en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité accordée à l'intimée à une somme supérieure à celle de 107 715 euros qu'elle demandait au titre de la responsabilité sans faute, dans le dernier état de ses écritures ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'accident du 18 mars 2013 est imputable à une faute par imprudence de l'agent, et non à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage, de sorte que la demande indemnitaire doit être rejetée ou à défaut, qu'un partage de responsabilité doit être retenu ;

- il n'est pas établi par celle-ci qu'elle aurait exposé des frais d'assistance par une tierce personne, avant ou après la consolidation de son état de santé ;

- en tout état de cause, et dès lors qu'elle a pu reprendre son service le 1er mai 2017, l'intéressée ne pourrait prétendre qu'à l'octroi sur la période en cause, au titre de ce poste de préjudice, de la somme de 13 316 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 janvier 2024 et le 1er avril 2025,

Mme B..., représentée par Me Adrai-Lachkar, conclut au rejet de la requête, à l'engagement de la responsabilité de la commune de Vitrolles sur le fondement du défaut d'entretien normal de son ouvrage, à la condamnation de la commune de Vitrolles à lui verser la somme de

506 786, 98 euros à parfaire, et à ce que soient mis à la charge de celle-ci les entiers dépens correspondant aux frais d'expertise et la somme de 5 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sa demande est recevable et sa créance non prescrite ;

- la responsabilité de la commune est engagée envers elle du fait d'un défaut d'entretien normal, le maire disposant sur le fondement de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales d'un pouvoir de police lui imposant de veiller au bon entretien des ouvrages publics communaux ;

- elle a droit, en réparation de tous ses préjudices patrimoniaux et personnels, à l'octroi d'une somme de 334 692, 98 euros ;

- dans l'hypothèse où seule la responsabilité sans faute de la commune devait être engagée par la Cour, elle aurait droit, en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux, à la somme de 207 854 euros.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Adrai Lachkar, représentant Mme B....

Une note en délibéré, présentée par Me Adrai-Lachkar, pour Mme B..., a été enregistrée le 24 juin 2025 dans l'instance n° 23MA02865, et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 mars 2013, Mme B..., adjointe technique territoriale, affectée à l'entretien des locaux du pôle alimentaire et propreté des groupes scolaires de la commune de Vitrolles, a été victime d'un accident de service, reconnu imputable au service par un arrêté du maire du

1er juillet 2013. Dès le 17 octobre 2016, Mme B... a demandé à la commune la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de cet accident. Par une ordonnance du

24 juillet 2017, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme B... tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de

10 000 euros en réparation des préjudices qu'elle disait avoir subis du fait de son accident de service du 18 mars 2013. Par un arrêt du 26 décembre 2017, la Cour, saisie de l'appel de

Mme B..., a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant le tribunal. Par un jugement du 8 novembre 2023, ce tribunal, après avoir ordonné avant dire droit une expertise par un jugement du 5 octobre 2020, a condamné la commune de Vitrolles à verser à Mme B... la somme de 270 854,07 euros sur le fondement de sa responsabilité sans faute, invoquée à titre subsidiaire par l'intéressée, a mis à la charge de la commune les frais d'expertise ainsi que la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande. La commune de Vitrolles relève appel de ce jugement pris en ses articles 1 à 3 par sa requête n° 23MA02865 et en demande le sursis à exécution par sa requête n° 23MA02866. Compte tenu de l'ensemble de son argumentation devant la Cour dans l'instance n° 23MA02865, Mme B... doit être regardée comme demandant, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en tant que, par son article 4, il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses prétentions indemnitaires.

2. Les requêtes n° 23MA02865 et n° 23MA02866 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions identiques. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué pris en ses articles 1 à 3 :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

" L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement (...) ". Il appartient au juge administratif d'assurer, en tout état de la procédure, le respect de ces dispositions. Ainsi, le tribunal administratif, saisi par la victime d'une demande tendant à la réparation du dommage corporel par l'auteur de l'accident doit appeler en cause la caisse à laquelle la victime est affiliée et la cour administrative d'appel, saisie dans le délai légal d'un appel de la victime, doit également appeler en cause cette même caisse, la méconnaissance de ces obligations entachant le jugement ou l'arrêt d'une irrégularité que le juge d'appel ou le juge de cassation doit, au besoin, relever d'office. Par ailleurs, lorsque, en dehors des cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont un assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, la caisse de sécurité sociale est admise à poursuivre le remboursement des prestations qu'elle a versées, à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales et au préjudice esthétique et d'agrément.

4. Alors qu'il ne résultait d'aucune des pièces du dossier de première instance que la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, auprès de laquelle Mme B... est affiliée, n'avait pas versé à celle-ci des prestations liées à son accident de service, le tribunal n'a pas appelé cette caisse dans la cause, en méconnaissance des obligations issues des dispositions législatives énoncées au point précédent. Le jugement attaqué, par lequel le tribunal a condamné la commune de Vitrolles à réparer les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de

Mme B..., a donc été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

5. D'autre part, il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal que dans le dernier état de ses écritures, Mme B... sollicitait, à titre subsidiaire et sur le fondement de la responsabilité sans faute, la réparation de ses seuls préjudices extra-patrimoniaux par le versement de la somme de 107 715 euros. En condamnant la commune de Vitrolles à verser à celle-ci, sur le fondement de la responsabilité sans faute, la somme de 270 854, 07 euros, en réparation de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, après avoir rejeté l'argumentation principale présentée par la requérante sur le fondement de la responsabilité pour faute, le tribunal a statué ultra petita et entaché son jugement d'une autre irrégularité.

6. Il y a donc lieu d'annuler pour ces deux motifs ce jugement pris en ses articles 1 à 3 ainsi que le soutient la commune, sans qu'il soit besoin d'examiner son troisième moyen constatant la régularité de ce jugement.

7. Au cas d'espèce, il y a lieu non seulement d'évoquer l'affaire dans cette mesure et de statuer immédiatement sur les conclusions correspondantes présentées par Mme B... en première instance et en appel, mais également de statuer sur ses conclusions d'appel incident.

Sur les conclusions présentées à titre principal par Mme B... sur le fondement de la responsabilité pour faute de la commune de Vitrolles :

8. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou atteints de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.

9. Il résulte de l'instruction que la fracture du cinquième métacarpien de la main gauche dont a été victime Mme B... le 18 mars 2013 a été causée par un choc lors de la fermeture de la porte du local technique dans lequel elle se rendait. Pour prétendre que les conditions de fermeture de cette porte sont dues à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage, Mme B... se prévaut de sa déclaration d'accident, du rapport hiérarchique et du rapport de sa cheffe de service, datés du 19 mars 2013, ainsi que l'attestation de sa collègue de travail, présente sur les lieux, établie le 19 mars 2013 et confirmée le 31 juillet 2023. Mais le premier de ces documents, qui décrit l'accident au moment où Mme B... se rendait dans le local pour y prendre un balai, ne se réfère à aucun défaut du système de fermeture de la porte, mais seulement à la lourdeur de celle-ci, le deuxième document comporte une observation manuscrite, citée entre guillemets sans en préciser l'auteur, selon laquelle " le groom " n'a pas fonctionné, tandis que le troisième document préconise d'installer un bloque-porte et que le quatrième, dans sa version du

19 mars 2013, affirme que " le cale-porte est cassé " et que l'accident s'est produit lorsque l'agent rangeait ses affaires dans le local. Ainsi, et alors que la commune de Vitrolles soutient sans être contredite qu'aucun autre accident ne s'est produit, ni avant ni après celui dont a été victime Mme B..., les discordances existant entre ces pièces relatives aux mêmes faits ne permettent pas d'établir l'existence d'une défectuosité du local d'entretien et du dispositif d'ouverture et de fermeture de sa porte d'accès. Mme B... n'est donc pas fondée à rechercher la responsabilité de son employeur pour défaut d'entretien normal de l'un de ses ouvrages publics.

10. Pour les mêmes raisons, Mme B... n'est pas davantage fondée à prétendre que le maire de Vitrolles aurait commis une faute dans l'exercice de son pouvoir de police en s'abstenant de veiller au bon entretien de l'un des ouvrages publics communaux.

11. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à solliciter la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices, patrimoniaux et extra-patrimoniaux, qu'elle estime avoir subis du fait de son accident de service du 18 mars 2013, sur le fondement de la responsabilité pour faute de la commune de Vitrolles et pour défaut d'entretien normal d'un ouvrage public. Ses conclusions correspondantes de première instance et d'appel ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par Mme B... sur le fondement de la responsabilité sans faute de la commune de Vitrolles :

En ce qui concerne la recevabilité de ces conclusions :

12. Ainsi que l'a jugé la Cour dans son arrêt du 26 décembre 2017 annulant l'ordonnance du président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté comme manifestement irrecevable la demande indemnitaire de Mme B..., sa lettre du

17 octobre 2016 à la commune de Vitrolles, lui reprochant une faute dans l'entretien de l'ouvrage selon elle à l'origine de l'accident dont elle a été victime le 18 mars 2013 et indiquant la nature des préjudices dont elle entendait demander réparation " à défaut de réponse

favorable " de la commune, constitue une demande préalable à son recours juridictionnel, de nature à faire naître une décision liant le contentieux, conformément à l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Il est en outre constant que, à la suite du rapport d'expertise judiciaire du 4 avril 2023, Mme B... a présenté à la commune le 11 juillet 2023 une nouvelle demande d'indemnisation détaillant les chefs de préjudice subis selon elle et réclamant à ce titre la somme de 334 737, 98 euros.

13. Par ailleurs, Mme B... est recevable à invoquer, pour la première fois devant le tribunal, la responsabilité sans faute de la commune de Vitrolles du fait de son accident de service du 18 mars 2013, dès lors en tout état de cause que ce faisant, elle recherche, comme dans sa demande préalable, l'indemnisation des conséquences dommageables du même fait générateur.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la commune de Vitrolles :

14. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire du

4 avril 2023, d'une part que la fracture du cinquième métacarpien de la main gauche dont a souffert Mme B... à la suite de l'accident du 18 mars 2013, reconnu imputable au service par un arrêté du maire de Vitrolles du 1er juillet 2013, trouve son origine directe dans les conditions d'exercice de ses fonctions, et d'autre part que l'affection dont elle reste atteinte, dénommée " main spastique psychogène ", correspondant à une négligence de cette main et dans la flexion des doigts dans la paume, est directement liée à cet accident. Il en résulte que Mme B... est fondée à obtenir de la commune de Vitrolles l'indemnisation de ses préjudices patrimoniaux non couverts par l'allocation temporaire d'invalidité ou une rente viagère, et de ses préjudices personnels.

15. Il ressort néanmoins de ses écritures de première instance et d'appel que

Mme B... ne sollicite, dans l'hypothèse où ses conclusions indemnitaires contre la commune de Vitrolles, fondées sur la responsabilité pour faute et pour défaut d'entretien normal d'un ouvrage public, seraient rejetées, à titre d'indemnisation complémentaire, que la réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux qui consistent, d'ailleurs selon ses propres termes, en un déficit fonctionnel et un préjudice esthétique temporaires, en un déficit fonctionnel et un préjudice esthétique permanents et en des souffrances endurées.

S'agissant des préjudices temporaires :

16. Le déficit fonctionnel temporaire de Mme B..., d'abord lié à l'immobilisation de son poignet et de sa main gauches, du 18 mars au 30 avril 2013, puis dû à une aggravation progressive jusqu'au 1er novembre 2013, et enfin causé par la flexion des doigts dans la main gauche, a été fixé par l'expert à 25 % pour la première période, 30 % pour la deuxième période et 35 % pour la dernière période s'achevant au 18 mars 2016, date de consolidation de son état de santé. Le préjudice subi à ce titre peut être évalué à la somme de 4 900 euros.

17. Le préjudice esthétique temporaire de Mme B..., qui correspond d'après le rapport d'expertise judiciaire au port d'une orthèse de poignet du 18 mars au 30 avril 2013, et qui a été estimé par l'expert à 1,5 sur une échelle de 7, peut être évalué à la somme de

1 000 euros.

S'agissant des préjudices permanents :

18. Mme B... souffre, après consolidation, d'un déficit fonctionnel permanent de

35 %, décrit par l'expert judiciaire comme recouvrant un déficit fonctionnel orthopédique, à raison de 30 % d'invalidité, et un retentissement psychiatrique, de 5 %. Le préjudice subi à ce titre par l'intéressée peut être évalué, compte tenu de son âge au jour de la consolidation, à la somme de 65 000 euros.

19. Le préjudice esthétique, qui a été estimé par l'expert à 2 sur une échelle de 7 et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il résulte du port d'une orthèse de poignet après la consolidation, peut être évalué à la somme de 2 000 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

20. Les douleurs éprouvées par Mme B..., dont il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, qu'elles ont été également subies à l'ouverture des doigts de la main gauche, après la consolidation et au plus tard au jour de l'expertise, ont été estimées par l'expert à 3 sur une échelle de 7. Le préjudice subi à ce titre peut être évalué à la somme de 3 619 euros.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vitrolles doit être condamnée à verser à Mme B..., en réparation des préjudices extra-patrimoniaux qu'elle a subis du fait de son accident de service du 18 mars 2013, la somme globale de 76 519 euros.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

22. Le présent arrêt statuant sur l'appel de la commune de Vitrolles contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 novembre 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions, présentées dans l'instance n° 23MA02866, tendant au sursis à exécution de ce jugement.

Sur les frais d'expertise :

23. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties.".

24. En application des dispositions réglementaires précitées, et en l'absence de circonstance particulière, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 822,65 euros, à la charge définitive de la commune de Vitrolles.

Sur les frais liés au litige :

25. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Vitrolles, au titre des deux instances, la somme de 2 000 euros à verser à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que celle-ci, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans les présentes instances, verse à la commune de Vitrolles une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la commune de Vitrolles, présentées dans l'instance n° 23MA02866, tendant au sursis à exécution du jugement

n° 1800211 rendu le 8 novembre 2023 par le tribunal administratif de Marseille.

Article 2 : Les articles 1 à 3 du jugement n° 1800211 rendu le 8 novembre 2023 par le tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 3 : La commune de Vitrolles est condamnée à verser à Mme B... la somme de

76 519 euros en réparation de ses préjudices.

Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 822, 65 euros, sont mis à la charge de la commune de Vitrolles.

Article 5 : La commune de Vitrolles versera la somme de 2 000 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel de Mme B..., et les conclusions de la commune de Vitrolles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vitrolles, à Mme A... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée à la mutuelle intériale et au docteur C..., expert.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.

N° 23MA02865, 23MA028662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02865
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : MCL AVOCATS;MCL AVOCATS;MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-08;23ma02865 ?
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