Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré devant le tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, M. B... A... et la société " A... B... Joseph " et demandé au tribunal de constater que les faits établis par le procès-verbal du 3 mars 2022 constituent la contravention prévue et réprimée par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques et de condamner, par suite, les prévenus au paiement d'une amende, d'ordonner la remise en état des lieux, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et de l'autoriser à procéder d'office, aux frais des contrevenants, à la remise en état des lieux.
Par un jugement n° 2200387 du 8 septembre 2023, le tribunal administratif de Bastia a condamné M. A... à payer une amende de 1 500 euros, décidé que M. A... devrait, sous le contrôle de l'administration, remettre sans délai les lieux en l'état, sous peine d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement et dit qu'en cas d'inexécution par l'intéressé, l'administration serait autorisée à procéder d'office, aux frais du contrevenant, à la remise en état des lieux.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2023, M. B... A... et la société B... A... demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de les relaxer des fins de la poursuite de contravention de grande voirie et de rejeter le déféré du préfet de la Corse-du-Sud ;
3°) d'annuler le procès-verbal de contravention de grande voirie ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme qui ne saurait être inférieure à 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la parcelle litigieuse n'est pas située en deçà de la limite des plus hautes eaux ;
- la parcelle ne saurait être regardée comme incluse dans les lais ou relais de la mer dès lors que les dispositions des a) et b) du 3°) de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques ne lui sont pas applicables ;
- l'Etat porte atteinte à leurs biens tels que protégés par l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2024, la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut au rejet de la requête de M. A... et de la société B... A....
Elle fait valoir que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le décret n° 72-879 du 19 septembre 1972 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 3 mars 2022 à l'encontre de M. B... A... et de son entreprise unipersonnelle à raison de la présence sur le domaine public maritime, sans autorisation d'occupation, d'un restaurant d'une superficie de 355 m², d'une terrasse de 358 m², d'un stockage de gravats de 30 m² et d'une benne de 8 m² sur la parcelle cadastrée section B n° 823 (anciennement B n° 107) sur le territoire de la commune de Conca (plage de Favone). Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, M. A... et son entreprise. Par un jugement du 8 septembre 2023, le tribunal a jugé que les poursuites étaient bien fondées, condamné M. A... à une amende de 1 500 euros, ordonné à celui-ci de remettre les lieux en état sans délai, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement et autorisé l'Etat à y procéder d'office aux frais du contrevenant. M. A... et l'entreprise unipersonnelle A... interjettent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende ". Aux termes de l'article L. 2111-4 du même code : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : 1° (...) le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) 3° Les lais et relais de la mer : a) Qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques que les lais et relais de la mer font partie du domaine public maritime naturel de l'Etat et ne peuvent faire l'objet d'une propriété privée, sans que puissent y faire obstacle les actes de propriété dont sont susceptibles de se prévaloir les riverains, et que, par suite, ces derniers ne peuvent y édifier des ouvrages ou y réaliser des aménagements sans l'autorisation de l'autorité compétente de l'Etat, sous peine de poursuites pour contravention de grande voirie. Toutefois, pour les lais et relais constitués avant la promulgation de la loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime, l'article 2 de cette même loi prévoit leur incorporation au domaine public maritime, laquelle incorporation est opérée, en application du décret susvisé du 19 septembre 1972, par arrêté préfectoral.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté en date du 30 janvier 1981, le préfet de la Corse-du-Sud a incorporé au domaine public maritime, sous réserve des droits des tiers, les lais et relais de la plage de Favone constitués avant 1963, tels que figurant sur un plan annexé. Il est constant que la parcelle cadastrée section B n° 823 (anciennement B n° 107) sur laquelle se situe le restaurant de M. A... est incluse dans la limite des lais et relais telle que figurant au plan annexé audit arrêté. Cet arrêté n'ayant pas un caractère réglementaire, son illégalité ne peut, hors cas d'une opération complexe, être invoquée par la voie de l'exception que dans le délai de recours contentieux. Il est constant que ledit arrêté d'incorporation a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Corse-du-Sud (bulletin n° 1) en mars 1981. Par suite, le délai de recours contentieux ayant expiré à la date du premier mémoire présenté par l'intéressé, les requérants ne sont, en l'absence d'opération complexe, pas recevables à exciper de l'illégalité de cet arrêté. Il suit de là que les moyens tirés de ce que la parcelle litigieuse n'aurait pas appartenu au domaine privé de l'Etat avant 1963 mais à des personnes privées ou de ce que, pour le même motif, les lais et relais n'auraient pas été constitués après 1963 ne peuvent être qu'écartés.
5. En deuxième lieu, si les requérants font valoir que le bien immobilier objet de la procédure de contravention de grande voirie, n'est pas atteint par les plus hautes mers, ce moyen, afférent au 1° de l'article L. 2111-4 précité définissant le rivage de la mer est inopérant dès lors que le terrain relève des lais et relais de la mer tels que mentionnés au 3° du même article.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ".
7. Toutefois, l'obligation de remise en l'état, sans indemnisation préalable, d'une dépendance du domaine public, dans la mesure où nul ne peut se prévaloir d'aucun droit réel sur une telle dépendance, ne constitue pas une mesure prohibée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu duquel nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique. Dans ces conditions, les requérants, quand bien même ils sont détenteurs d'actes notariés, payent la taxe foncière et n'ont jamais fait l'objet, jusqu'en 2022, d'une contravention de grande voirie afférente à ce restaurant et sa terrasse, ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques seraient incompatibles avec les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a jugé qu'était constituée la contravention de grande voirie et a ordonné à M. A... de remettre les lieux en état.
Sur les frais d'instance :
9. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par les requérants doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et de la société B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société B... A... et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2025.
N° 23MA02590 2
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