Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Sous le n° 2200019, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 6 décembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 2 ans. En cours d'instance, il a déclaré se désister purement et simplement des conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de sa requête.
Sous le n° 2200179, M. A... a demandé à ce même tribunal d'annuler la décision du 20 janvier 2022 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 2 ans.
Par un jugement n° 2200019, 2200179 du 4 avril 2024, le tribunal administratif de Toulon, après avoir joint ces deux requêtes, a donné acte du désistement de M. A... de ses conclusions à fins d'annulation et d'injonction présentées dans la requête n° 2200019 et rejeté le surplus des demandes de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2024, M. A..., représenté par Me Belahouane, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 avril 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2022 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 2 ans ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- il n'est pas démontré que le conseil de discipline était régulièrement composé lors de sa séance du 8 novembre 2021 ;
- il n'est pas démontré que l'avis émis par le conseil de discipline était motivé, ni que le président ait mis au vote la sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré ;
- il ne résulte pas des pièces du dossier disciplinaire qu'il ait été préalablement informé du droit qu'il avait de se taire avant d'être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis ;
- la sanction ne pouvait reposer sur le fait qu'il a eu une " attitude irrespectueuse envers un cadre d'astreinte " dès lors qu'il avait déjà été sanctionné à ce titre ;
- la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée par rapport aux faits qui lui sont reprochés.
Par un mémoire, enregistré le 2 octobre 2024, le centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer, représenté par Me Pontier, de la SELARL Abeille et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à la date de la décision contestée, aucune obligation de notification obligatoire du droit de se taire dans le cadre d'une procédure disciplinaire ne lui était imposée ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution et la décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024 du Conseil constitutionnel ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Belahouane, représentant M. A..., et de Me Durand, de la SELARL Abeille et associés, représentant le centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. Sous le n° 2200019, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 6 décembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 2 ans. En cours d'instance, il a déclaré se désister purement et simplement des conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de sa requête. Sous le n° 2200179, M. A... a demandé à ce même tribunal d'annuler la décision du 20 janvier 2022 par laquelle ce même directeur a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 2 ans. Par un jugement n° 2200019, 2200179 du 4 avril 2024, le tribunal administratif de Toulon a, après avoir ces deux requêtes, donné acte du désistement de M. A... de ses conclusions à fins d'annulation et d'injonction présentées dans la requête n° 2200019 et rejeté le surplus des demandes de M. A.... Ce dernier doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2022.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ".
3. En premier lieu, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, quand bien même elle ne mentionne pas la date des faits reprochés à M. A..., elle met à même celui-ci de déterminer les faits qui lui sont reprochés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 18 juillet 2003 relatif aux commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Les commissions administratives paritaires comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Elles sont composées de membres titulaires et suppléants. ". Si M. A... soutient qu'il n'est pas démontré que le conseil de discipline était régulièrement composé lors de sa séance du 8 novembre 2021, il n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bienfondé et ne conteste par ailleurs pas les éléments versés au débat par le centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer qui justifient que le conseil de discipline était, lors de sa séance du 8 novembre 2021 qui a examiné sa situation, composé des deux représentants du personnel et des deux représentants du personnel qui devaient légalement y siéger. Le moyen soulevé par M. A... doit donc être écarté.
5. En troisième lieu, si le requérant soutient qu'il n'est pas démontré que l'avis émis par le conseil de discipline était motivé, ni que le président ait mis au vote la sanction la plus sévère parmi celles qui ont été exprimées lors du délibéré, ce moyen, lui non plus, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bienfondé. Il ressort, en tout état de cause, des pièces du dossier, et en particulier du procès-verbal du conseil de discipline qui a examiné le cas de M. A... que, d'une part, ce conseil a motivé son appréciation et que, d'autre part, son président a mis au vote, d'abord, la sanction de la révocation, puis, celle-ci n'ayant pas été retenue, celle de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans. Par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.
6. En quatrième lieu, M. A... soutient que la sanction contestée est intervenue alors qu'il n'a jamais été informé du droit de se taire. Aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ". Aux termes de son article 16 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, et le principe des droits de la défense. De telles exigences impliquent que l'agent public faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire. Dans le cas où un agent sanctionné n'a pas été informé du droit qu'il a de se taire alors que cette information était requise en vertu de ces principes, cette irrégularité n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l'agent public et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l'intéressé n'avait pas été informé de ce droit. En l'espèce, s'il n'est pas contesté que M. A... n'a pas été informé de son droit de son taire au cours de la procédure disciplinaire, il ressort des pièces du dossier que la sanction en litige repose de manière déterminante sur un rapport d'enquête administrative fondé sur des rapports d'incident concordants entre eux et non pas sur les déclarations tenues par lui devant le conseil de discipline. Par suite, l'irrégularité dont est entachée la procédure disciplinaire dont a été l'objet M. A... n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, susceptible d'entraîner l'annulation de la sanction prononcée à l'encontre de celui-ci.
7. En dernier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes, en tenant compte de la manière de servir de l'intéressé et de ses antécédents disciplinaires.
8. Pour prendre l'arrêté contesté, le directeur du centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer, se fondant sur des rapports d'incident ainsi que sur un rapport d'enquête administrative, a reproché à M. A... d'avoir commis huit faits dont l'intéressé conteste la matérialité.
9. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par un courrier du 16 août 2018, le gérant de l'établissement " Relais H " a alerté le centre hospitalier sur le caractère très agressif et menaçant de M. A... à l'égard de son personnel, se battant avec l'un d'eux le 7 mars 2018, tapant régulièrement aux grilles de l'établissement à sa fermeture pour réclamer les invendus, s'installant en salle pour lire la presse sans l'acheter et menaçant, le 16 août 2018, l'une de ses employées. Si M. A... soutient que les agents concernés n'ont pas directement témoigné de ces faits, il ne les fait pas, lui non plus, témoigner en sens inverse pour attester que les écrits du gérant du point de vente en question seraient matériellement inexacts.
10. Il ressort également d'un rapport d'incident dressé le 25 juin 2018 par la société ONET, en charge de l'entretien des locaux, et qui comporte trois attestations circonstanciées et précises, que trois femmes relatent des " comportements harcelants (...), des insultes [et]des intimidations " proférées par le requérant, lequel ne conteste plus en appel la matérialité de ces faits qui doivent être tenus pour établis.
11. Il en ressort encore que, le 1er janvier 2019, M. A... a, devant deux témoins, insulté un cadre de santé qui venait lui reprocher son retard. Ces faits ne sont pas sérieusement contestés et doivent être tenus pour établis. Toutefois, dès lors qu'ils ont déjà été l'objet d'une sanction, ils ne peuvent être pris en compte que pour mesurer la proportion de la sanction prononcée à son encontre.
12. Il en ressort également, et en particulier d'un compte-rendu du 6 avril 2020 produit par la société Santalys, que ce jour-là, M. A... a pénétré sans autorisation dans ce service pour subtiliser du pain destiné à être servi sur table et qu'en réponse à l'agent qui lui demandait de quitter les lieux, M. A... lui a indiqué qu'il s'en rappellerait, ce qui, contrairement à ses dénégations, constitue des menaces, outre que le fait de se servir du pain sans autorisation dans un service auquel il n'appartient pas caractérise un comportement inadapté.
13. Enfin, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un rapport du 18 mars 2021 dressé par la société Samsic à l'issue d'un compte-rendu d'entretien avec un de ses salariés, que M. A... s'est montré menaçant et insistant à l'égard d'un salarié de ladite société que M. A... accusait de lui avoir dérobé 50 euros. Il en ressort aussi qu'il a contacté cette personne sur son téléphone avec une grande insistance, les 28 février, 7 mars et 12 mars 2021, comme le montre le journal d'appels de cette personne, M. A... déniant la réalité de ses appels sans toutefois fournir son propre journal d'appels.
14. Il suit de là, et comme l'a jugé le tribunal, qu'en dépit des dénégations de M. A..., les faits qui lui sont reprochés dans la décision contestée doivent être, compte tenu de leur caractère précis, concordant et redondant, tenus pour établis. Ils constituent tous, à l'exception de celui mentionné au point 11, des fautes de nature à justifier le prononcé d'une sanction à son encontre.
15. Enfin, la carrière de M. A... est marquée par un fort absentéisme ainsi que des évaluations professionnelles relevant son manque d'investissement et son agressivité envers les tiers tandis qu'il est constant que M. A... a déjà été l'objet d'une sanction disciplinaire en 2017. Dans ces conditions et compte tenu de la nature des fautes retenues à son encontre, de leur répétition, de l'absence d'évolution du comportement de cet agent malgré les sanctions dont il a déjà fait l'objet et de son retentissement sur le fonctionnement et l'image du service, la sanction prononcée le 20 janvier 2022 à son encontre de deux ans d'exclusion de fonctions ne présente pas un caractère disproportionné.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2022 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... réclame au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement à cet établissement public d'une somme de 1 000 euros en application de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera au centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Belahouane et au centre hospitalier intercommunal Toulon - La Seyne-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Rigaud, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
- M. Mahmouti, premier conseiller ;
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2025.
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N° 24MA02175
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