Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 14 juin 2024 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2402502 du 26 novembre 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 décembre 2024 et 21 mai 2025, M. A..., représenté par Me Saidani, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 14 juin 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour ;
4°) de condamner l'Etat aux dépens et de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien et l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreurs de fait et fondé sur un avis du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indiquant qu'il est de nationalité marocaine ;
- cet avis ne lui a pas été communiqué en violation des droits de la défense et du principe du contradictoire.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit le 23 janvier 2025, à la demande de la Cour, l'entier dossier médical de M. A..., après que celui-ci a accepté la levée du secret médical.
La requête a été communiqué au préfet du Var, qui n'a pas produit d'observations.
Par lettre du 28 mai 2025, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale, la décision de refus de séjour prise à l'encontre de M. A... trouvant son fondement légal dans le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, au lieu de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 19 septembre 1996, est entré en France le 6 juin 2023 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 19 janvier 2024, il a sollicité son admission au séjour au regard de son état de santé. Par un arrêté du 14 juin 2024, le préfet du Var a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 26 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, M. A... étant de nationalité algérienne, sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ne relève pas de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas applicable aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, la décision de refus de séjour en litige ne pouvait être prise sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
4. En l'espèce, la décision en litige, motivée par la circonstance que M. A... ne remplit pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour au regard de son état de santé, trouve son fondement légal dans les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui peuvent être substituées à celles de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose, dans les deux cas, du même pouvoir d'appréciation.
5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
6. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.
7. Pour refuser d'admettre M. A... au séjour, le préfet du Var s'est appuyé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 14 mai 2024 indiquant que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque.
8. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des termes de cet avis que le collège de médecins a bien examiné sa situation au regard de sa nationalité algérienne, en dépit de l'erreur, purement matérielle, figurant, non dans l'avis, mais dans l'arrêté contesté, qui mentionne comme pays d'origine le Maroc. Par ailleurs, la circonstance, au demeurant non établie, que le préfet aurait refusé de lui communiquer cet avis est en elle-même sans incidence sur la légalité de la décision de refus de séjour, étant précisé, à cet égard, que M. A... ne saurait valablement soutenir que les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été méconnus, dès lors que l'avis en cause, produit par le préfet du Var en première instance, lui a été communiqué par le tribunal administratif.
9. M. A..., victime d'anoxie cérébrale à la naissance, est atteint d'un déficit intellectuel et moteur, de troubles schizo-affectifs et d'une limitation de la motricité de son bras droit. Les certificats médicaux qu'il produit, établis pour la plupart par le psychiatre qui assure son suivi en France, font état d'un traitement par olanzapine, de la nécessité d'un suivi psychiatrique et de la possibilité pour l'intéressé, qui a besoin de l'assistance d'un tiers pour la réalisation des actes de la vie quotidienne, de bénéficier, en France, d'une prise en charge globale au sein de structures adaptées, prise en charge au demeurant non effective à la date de l'arrêté attaqué. Il n'est pas établi, ni même allégué, que le traitement médicamenteux que prend M. A... ne serait pas disponible en Algérie. Il ne ressort pas davantage des pièces médicales produites que le suivi psychiatrique de M. A... ne pourrait être assuré dans ce pays. Dans ces conditions, ce dernier ne démontre pas que, contrairement à ce qu'a estimé, après examen médical, le collège de médecins de l'OFII, il ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Var n'a pas méconnu le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
10. Si M. A... fait valoir que le préfet a indiqué, à tort, qu'il avait précédemment obtenu deux titres de séjour, cette erreur, est, en elle-même, sans incidence sur l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet au regard de son état de santé.
11. M. A... étant de nationalité algérienne, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au demeurant abrogées pour être reprises à l'article L. 425-9 du même code.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. M. A... réside en France depuis seulement un an à la date de la décision attaquée. S'il vit auprès de son oncle, qui assure sa curatelle selon les termes d'un jugement du tribunal d'Akbou en Algérie du 30 octobre 2016, dont l'exequatur a été prononcée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Toulon du 10 octobre 2018, et de son père, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier disposerait d'un droit au séjour sur le territoire national. M. A... n'est, par ailleurs, pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales en Algérie, où réside notamment sa mère. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, et alors que son état de santé ne nécessite pas son maintien en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 14 juin 2024. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige, doivent également être rejetées.
D É C I D E:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Saidani Hariz.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2025.
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N° 24MA03269