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17/06/2025 | FRANCE | N°24MA02015

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 17 juin 2025, 24MA02015


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Sous le numéro 2200312, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel la préfète de police des Bouches-du-Rhône a ordonné qu'il se dessaisisse de ses armes, munitions et de leurs éléments au titre de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, ainsi que les décisions implicites de rejet, d'une part, de son recours gracieux formé le 22 septembre 2021 à l'encontre de cet arrêté et, d'autr

e part, de sa demande formée le 17 janvier 2022 tendant à l'abrogation de son inscription au fichie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le numéro 2200312, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel la préfète de police des Bouches-du-Rhône a ordonné qu'il se dessaisisse de ses armes, munitions et de leurs éléments au titre de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, ainsi que les décisions implicites de rejet, d'une part, de son recours gracieux formé le 22 septembre 2021 à l'encontre de cet arrêté et, d'autre part, de sa demande formée le 17 janvier 2022 tendant à l'abrogation de son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA).

Sous le numéro 2203764, M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 17 janvier 2022 sollicitant l'abrogation de son inscription au FINIADA.

Par un jugement n° 2200312, 2203764 du 29 mai 2024, le tribunal administratif de Marseille, après avoir joint ses demandes, les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2024 et le 3 mars 2025, M. B..., représenté par Me de la Ferté-Sénectère, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 mai 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 pris par le préfet de police des Bouches-du Rhône ;

3°) d'annuler les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux formés les 22 septembre 2021 et 17 janvier 2022 ;

4°) d'enjoindre à la préfète de police des Bouches-du-Rhône d'effacer son inscription au FINIADA ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- si la préfète de police des Bouches-du-Rhône était en situation de compétence liée à la date de l'arrêté du 24 août 2021, elle ne l'était plus à la date à laquelle elle a rejeté son recours gracieux ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la décision par laquelle la préfète de police a rejeté sa demande du 17 janvier 2022 tendant à son retrait du FINIADA était prise sur le fondement de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure ;

- son comportement ne présente pas un caractère dangereux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2025, le préfet de police des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- ses services ne pouvaient procéder à la levée de l'inscription du requérant au FINIADA dès lors que l'extrait du bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressé, édité le 20 août 2021, mentionnait toujours les condamnations des 8 juin 2009 et 11 juin 2013 à l'origine de l'inscription au FINIADA ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par courrier du 9 mai 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office suivant : dès lors que, à la date de l'arrêté contesté, le bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. B... comportait deux condamnations prévues à l'article 222-13 du code pénal (violences volontaires), le préfet était tenu, en application des dispositions des articles L. 312-11 et R. 312-67 du code de la sécurité intérieure, et non de celles de l'article L. 312-3 de ce code comme l'a retenu le tribunal, d'ordonner à l'intéressé de se dessaisir de ses armes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel la préfète de police des Bouches-du-Rhône lui a ordonné de se dessaisir de ses armes, munitions et de leurs éléments, la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 22 septembre 2021 à l'encontre de cet arrêté, ainsi que la décision implicite rejetant sa demande formée le 17 janvier 2022 aux fins d'obtenir l'abrogation de son inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA). Il relève appel du jugement du 29 mai 2024 par lequel ce tribunal a rejeté ses demandes.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 24 août 2021 portant dessaisissement des armes :

2. Aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir. / Le dessaisissement consiste soit à vendre l'arme les munitions et leurs éléments à une personne titulaire de l'autorisation, mentionnée à l'article L. 2332-1 du code de la défense, ou à un tiers remplissant les conditions légales d'acquisition et de détention, soit à la remettre à l'Etat. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités du dessaisissement. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 312-67 du même code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : (...) 2° Le demandeur ou le déclarant a été condamné pour l'une des infractions mentionnées au 1° de l'article L. 312-3 figurant au bulletin n° 2 de son casier judiciaire (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, le bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. B... comportait deux condamnations pour des violences volontaires prévues à l'article 222-13 du code pénal. Dans ces conditions, le préfet était, à la date de l'arrêté contesté, tenu, en application des dispositions précitées des articles L. 312-11 et R. 312-67 du code de la sécurité intérieure, de lui ordonner de se dessaisir de ses armes, la circonstance que ces condamnations aient été ultérieurement effacées étant sans influence à cet égard. Compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le préfet, les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de l'arrêté contesté, qui n'ont pas pour objet de remettre en cause cette compétence liée, sont inopérants.

En ce qui concerne la légalité de la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. B... dirigé contre l'arrêté du 24 août 2021 :

5. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux, dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du recours de M. B... dirigées contre la décision implicite de la préfète de police des Bouches-du-Rhône rejetant son recours gracieux doivent être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 24 août 2021 de la même autorité le dessaisissant de ses armes. Compte tenu de ce qui a dit au point 4, elles ne peuvent donc qu'être rejetées, sans que l'intéressé ne fasse plus utilement valoir la circonstance qu'à la date où est née cette décision implicite, les deux condamnations le bulletin n° 2 du casier judiciaire dont il était l'objet aient été effacées par une ordonnance de la présidente du tribunal judicaire de Marseille du 16 septembre 2021.

En ce qui concerne la légalité de la décision implicite rejetant la demande de M. B... formée le 17 janvier 2022 aux fins d'obtenir l'abrogation de son inscription au FINIADA :

7. Aux termes de l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure : " Un fichier national automatisé nominatif recense : 1° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, de munitions et de leurs éléments en application des articles L. 312-10 et L. 312-13 (...) ".

8. Aux termes de l'article L. 312-13 du même code : " Il est interdit aux personnes ayant fait l'objet de la procédure prévue à la présente sous-section d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments de toute catégorie. / (...) Cette interdiction est levée par le représentant de l'Etat dans le département s'il apparaît que l'acquisition ou la détention d'armes, de munitions et de leurs éléments par la personne concernée n'est plus de nature à porter atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... ayant fait l'objet d'une mesure lui ordonnant de se dessaisir de ses armes, il lui était, en application de l'article L. 312-13 précité, interdit d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments de toute catégorie et, de ce fait, était, en application de l'article L. 312-16 précité, recensé dans le FINIADA. Sollicitant l'abrogation de son inscription dans ce fichier, il doit alors être regardé comme demandant la levée de l'interdiction d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments de toute catégorie dont il est l'objet.

10. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'alors que M. B... a fait l'objet, le 8 juin 2009, d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Marseille à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, pour des faits commis en 2009, il a, le 11 juin 2013, de nouveau été condamné, par le même tribunal de Marseille, à deux mois d'emprisonnement ferme pour violences par conjoint suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours, pour des faits commis en 2012. La commission répétée de ces faits malgré une première condamnation ne tend pas à établir la capacité de M. B... à se maîtriser lui-même tandis que l'effacement de ces condamnations du casier judiciaire de l'intéressé ne fait aucunement obstacle à ce qu'il puisse être tenu compte des faits qui en sont à l'origine pour apprécier l'existence de raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes susceptibles de fonder l'arrêté contesté. Dans ces conditions et comme l'a jugé le tribunal, la préfète de police des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant que l'acquisition ou la détention d'armes, de munitions et de leurs éléments par M. B... demeurait de nature à porter atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes, les éléments produits par l'intéressé n'étant pas à eux seuls de nature à remettre en cause cette analyse.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées à fin d'injonction par M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2025 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2025.

2

N° 24MA02015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02015
Date de la décision : 17/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BUES ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-17;24ma02015 ?
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