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17/06/2025 | FRANCE | N°23MA03079

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 17 juin 2025, 23MA03079


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme J... G..., M. E... H..., M. L... G..., M. D... G... et Mme F... H... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier de Digne-les-Bains à payer :



- la somme de 75 090 euros à Mme J... G... et M. E... H..., en qualité d'ayants droit de M. A... H..., leur défunt père, en réparation des préjudices qu'il a subis avant son décès, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 41 911,59 euros à Mme J... G... en réparation des préjudices propres qu'elle a subis du fait du décès...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... G..., M. E... H..., M. L... G..., M. D... G... et Mme F... H... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier de Digne-les-Bains à payer :

- la somme de 75 090 euros à Mme J... G... et M. E... H..., en qualité d'ayants droit de M. A... H..., leur défunt père, en réparation des préjudices qu'il a subis avant son décès, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 41 911,59 euros à Mme J... G... en réparation des préjudices propres qu'elle a subis du fait du décès de son père, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 35 374,88 euros à M. E... H... en réparation des préjudices propres qu'il a subis du fait du décès de son père, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 15 000 euros chacun à M. D... G... et M. L... G... en réparation du préjudice d'affection qu'ils ont subi du fait du décès de leur grand-père, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- et celle de 10 000 euros à Mme F... H... en réparation du préjudice d'affection qu'elle a subi du fait du décès de son frère, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021.

Par un jugement n° 2103973 du 20 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de Digne-les-Bains à payer :

- la somme de 720 euros à Mme J... G... et M. E... H..., en leur qualité d'ayants droit de la victime décédée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 2 582,64 euros à Mme J... G... en réparation de ses préjudices propres, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 1 275 euros à M. E... H... en réparation de ses préjudices propres, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 800 euros chacun à M. D... G... et M. L... G... en réparation de leurs préjudices propres, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- et celle de 1 200 euros à Mme F... H... en réparation de ses préjudices propres, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021.

Ce jugement a été déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2023, Mme J... G..., M. E... H..., M. L... G..., M. D... G... et Mme F... H..., représentés par le cabinet d'avocats Coubris et associés, demandent à la cour :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 octobre 2023 en ce qu'il a retenu la responsabilité du centre hospitalier de Digne-les-Bains et de le réformer en tant qu'il a évalué la perte de chance, les postes de préjudices devant être indemnisés et l'indemnisation des requérants ;

2°) de condamner, par voie de conséquence, le centre hospitalier de Digne-les-Bains à payer :

- la somme de 75 090 euros à Mme J... G... et M. E... H..., en qualité d'ayants droit de M. A... H..., leur père, en réparation des préjudices qu'il a subis avant son décès, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 36 911,59 euros à Mme J... G... en réparation des préjudices propres qu'elle a subis du fait du décès de son père, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 30 374,88 euros à M. E... H... en réparation des préjudices propres qu'il a subis du fait du décès de son père, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 15 000 euros chacun à M. D... G... et M. L... G... en réparation du préjudice d'affection qu'ils ont subi du fait du décès de leur grand-père, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

- celle de 10 000 euros à Mme F... H... en réparation du préjudice d'affection qu'elle a subi du fait du décès de son frère, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

3°) de reconnaître la responsabilité du centre hospitalier de Digne-les-Bains en raison de l'absence de communication complète du dossier médical de M. A... H... à ses ayants droit ;

4°) de condamner, par voie de conséquence, le centre hospitalier de Digne-les-Bains à payer la somme de 5 000 euros chacun à Mme J... G... et M. E... H... ;

5°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun à l'organisme social ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Digne-les-Bains, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

7°) de débouter les intimés de toutes leurs demandes contraires.

Ils soutiennent que :

- le centre hospitalier de Digne-les-Bains doit voir sa responsabilité engagée pour faute compte-tenu du retard de prise en charge chirurgicale de M. A... H..., victime décédée, à compter du 14 avril 2019 au soir et jusqu'à l'intervention chirurgicale ;

- le taux de perte de chance de 20 % retenu par le tribunal est sous-évalué compte tenu du retard de prise en charge chirurgicale et des chances de survie de la victime décédée, et doit être porté à 94 % au moins ;

- en tant qu'ayants droit, ils sont fondés à solliciter l'indemnisation des préjudices de la victime décédée, au titre du déficit fonctionnel temporaire par l'allocation d'une indemnité de 90 euros, des souffrances endurées par celle de 40 000 euros, du préjudice d'angoisse de mort imminente par celle de 30 000 euros et du préjudice esthétique temporaire par celle de 5 000 euros ;

- ils sollicitent également l'indemnisation de leurs préjudices propres et notamment leur préjudice d'affection respectif par l'allocation d'une indemnité totale de 75 000 euros, le préjudice d'accompagnement de Mme G... et de M. H... par le versement de 5 000 euros chacun, les frais d'obsèques supportés par Mme G... à hauteur de 6 428,86 euros et les frais divers, notamment des frais de déplacement pour Mme G... et M. H... correspondants à une somme globale de 857,61 euros ;

- le centre hospitalier a également commis une faute constituée par un dysfonctionnement dans l'organisation du service en l'absence de communication du dossier médical complet du défunt à ses enfants, en dépit de leur demande pour faire valoir leurs droits ;

- cette faute a causé un préjudice moral et psychologique pour Mme G... et M. H... dont ils sollicitent réparation par le versement de la somme de 5 000 euros chacun.

Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2024, le centre hospitalier de Digne-les-Bains, représenté par la SELARL Le Prado-Gilbert, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le dossier médical du patient a bien été communiqué à la famille et aux experts ;

- aucun préjudice moral ne résulte de la communication en deux temps des pièces constituant le dossier médical ;

- la preuve d'une perte de chance supérieure à 20 % n'est pas apportée ;

- les montants alloués en indemnisation des préjudices subis par la victime directe et par les victimes indirectes, tels que fixés par le tribunal doivent être confirmés.

Par lettre du 22 mai 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Mme J... G... et de M. E... H... tendant à la condamnation du centre hospitalier de Digne-les-Bains à leur verser, en leur nom personnel, la somme de 5 000 euros chacun au titre du préjudice résultant de la non-communication des pièces du dossier médical de leur père en raison de l'absence de liaison préalable du contentieux et du fait que ce préjudice ne relève pas du même fait générateur que celui invoqué dans la réclamation préalable.

Une réponse au moyen d'ordre public a été présentée par Mme J... G..., M. E... H..., M. L... G..., M. D... G... et Mme F... H... le 26 mai 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Dufaut, représentant Mme J... G..., M. E... H..., M. L... G..., M. D... G... et Mme F... H....

Considérant ce qui suit :

1. Mme J... G... et M. E... H..., enfants majeurs de M. A... H..., ont, en qualité d'ayants droit, saisi la commission de consultation et d'indemnisation de Provence-Alpes-Côte d'Azur (CCI PACA) le 17 juin 2020. Les experts désignés par la commission ont remis leur rapport d'expertise le 21 octobre 2020. La CCI PACA a rendu son avis le 20 janvier 2021 en suivant les conclusions de l'expertise. Mme J... G..., M. E... H..., M. L... G... et M. D... G..., petits-fils de la victime et Mme F... H..., sœur de la victime, ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier (CH) de Digne-les-Bains à les indemniser des préjudices subis par M. A... H..., en leur qualité d'ayants droit, et de leurs préjudices propres du fait du décès de ce dernier. Ils relèvent appel du jugement du 20 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné le CH de Digne-les-Bains à les indemniser de ces préjudices en sollicitant, devant la cour, une meilleure indemnisation.

Sur le bienfondé du jugement :

En ce qui concerne la non communication du dossier médical :

2. Mme G... et M. H... sollicitent la condamnation du CH de Digne-les-Bains à leur verser, en leur nom personnel, la somme de 5 000 euros chacun au titre du préjudice résultant de la non-communication des pièces du dossier médical de leur père. Toutefois, ce préjudice relève d'un fait générateur distinct de celui invoqué dans leur demande d'indemnisation adressée à la CCI PACA le 17 juin 2020, valant réclamation préalable, qui concerne la prise en charge de leur père aux urgences du CH de Digne-les-Bains entre le 14 et le 17 avril 2019. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que Mme G... et M. H... aient adressé une demande préalable au CH de Digne-les-Bains tendant à l'indemnisation d'un tel préjudice, qui aurait été de nature à lier le contentieux. Il y a donc lieu de rejeter pour irrecevabilité les conclusions indemnitaires de Mme G... et M. H... présentées à ce titre.

En ce qui concerne la responsabilité du CH de Digne-les-Bains en raison de la faute médicale de retard de prise en charge :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ".

4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise confiée au Dr B..., spécialisé en chirurgie viscérale, et au Dr I..., spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatique, que M. A... H..., alors âgé de 80 ans, a été pris en charge au service des urgences du CH de Digne-les-Bains le 14 avril 2019 à 21h08, à la suite de la chute à son domicile dont il a été victime le jour-même vers 19h. Il présentait une douleur abdominale aiguë et un scanner abdomino-pelvien a été réalisé en urgence selon l'indication prescrite par le Dr K.... Le Dr C..., chirurgien appelé, s'est déplacé à 23h30 et a préconisé, au regard des résultats du scanner et après examen de l'état du patient, l'hospitalisation de ce dernier en milieu chirurgical pour une surveillance d'une contusion abdominale. Le Dr C... a revu le patient le lendemain vers 7h et, constatant l'aggravation de son état clinique, a prévu une intervention chirurgicale en urgence. L'intervention n'a cependant eu lieu qu'à 13h30 le même jour, soit plus de 6 heures après l'indication d'une intervention en urgence. Les circonstances, évoquées par les requérants, que M. A... H... a été victime d'une perte de conscience " dès le milieu de la nuit " et qu'il présentait d'importantes souffrances que le traitement antalgique administré pendant la nuit ne parvenait pas à réduire efficacement, ne permettent pas de contredire les conclusions des experts selon lesquelles la prise en charge du patient entre le 14 avril 2019 à 21h08 et la seconde visite du Dr C... le 15 avril 2019 vers 7h était conforme aux recommandations de bonnes pratiques et n'était pas fautive. En revanche, ainsi que l'ont,

à bon droit, retenu les premiers juges, et ainsi que l'ont retenu les experts et la CCI PACA, le retard de la prise en charge chirurgicale, qui n'est pas contesté en défense, entre le 15 avril 2019 vers 7h, moment où le Dr C... a prescrit une intervention chirurgicale en urgence, et le même jour à 13h30, moment où l'intervention a finalement été réalisée, est à l'origine de l'aggravation de l'état de santé de M. A... H... et constitue un manquement dans l'organisation du service engageant la responsabilité du CH de Digne-les-Bains.

6. Le rapport d'expertise et la CCI PACA ont conclu que cette faute médicale est à l'origine d'une perte de chance d'éviter le décès de M. A... H... à concurrence de 20 %. Les requérants ne produisent pas plus en appel qu'en première instance de pièce permettant de contester l'évaluation ainsi faite du taux de perte de chance. En effet, les requérants se prévalent des éléments bibliographiques sur lesquels les experts se sont fondés, issus du rapport au 103e congrès français de chirurgie de 2001 (" Traumatismes de l'abdomen "), qui recommandent la réalisation d'examens complémentaires par échographie et " surtout le scanner qui permet dans 3/4 des cas une chirurgie très précoce ", et selon lesquels, d'une part, le taux de mortalité se situe entre 0 et 6 % pour les lésions isolées, et d'autre part, " le retard de diagnostic entraîne un surcroît de mortalité, de 6 à 30 % selon que la prise en charge a lieu moins de 8 heures ou plus de 24 heures après le trauma ". Or, M. A... H... a bénéficié d'un examen par scanner avant 23h30 le 14 avril 2019 qui n'a pas mis en évidence la nécessité de recourir à une intervention chirurgicale en urgence et a été opéré le 15 avril 2019 à 13h30 soit moins de 24 heures après le traumatisme dont il a été victime vers 19h la veille. Dans ces conditions, et compte tenu des éléments bibliographiques précités, le taux de 20 % de perte de chance a été correctement évalué par les experts et la CCI PACA et retenu à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne l'indemnisation :

Quant aux préjudices des ayants droit de la victime décédée :

7. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers. Chaque héritier a dès lors qualité, le cas échéant sans le concours des autres indivisaires, pour exercer l'action indemnitaire tendant à obtenir, au bénéfice de la succession, la réparation du préjudice subi.

8. En leur qualité d'héritiers, Mme J... G... et M. E... H... sont en droit d'obtenir la réparation de leur préjudice du fait des fautes commises lors de la prise en charge de leur père.

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

9. Si le rapport d'expertise retient un déficit fonctionnel temporaire total de M. A... H... du 15 au 17 avril 2019, c'est pourtant à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de ce préjudice, tout comme l'avait fait la CCI PACA, en estimant que l'hospitalisation de la victime correspondant à un déficit fonctionnel total résultait, en tout état de cause, de l'accident dont il a été victime le 14 avril 2019. La demande d'indemnisation de ce préjudice doit, dès lors, être rejetée.

S'agissant des souffrances endurées :

10. Les souffrances endurées par M. H... ont été évaluées par l'expert à 3 sur une échelle de 1 à 7. L'évaluation qui en a été faite par la CCI PACA, cotée à 6/7, ne distingue cependant pas ce préjudice de celui, distinct, d'angoisse de mort imminente. Il sera fait une juste appréciation des seules souffrances endurées en l'évaluant à la somme de 4 200 euros soit, après application du taux de perte de chance, à 840 euros.

S'agissant du préjudice d'angoisse de mort imminente :

11. Si les requérants soutiennent que M. A... H... était conscient de son état dans la nuit du 14 au 15 avril 2019, comme en témoignent ses cris et son état de panique, il résulte toutefois de l'instruction que lors de la seconde visite du Dr C..., le 15 avril 2019 à 7h, puis à son admission au bloc opératoire quelques heures plus tard, il était en état de choc, in interrogeable et inconscient. Il résulte en outre du rapport d'expertise qu'à compter de sa prise en charge au service de réanimation, en état de défaillance multiviscérale, il a très rapidement souffert d'un syndrome de défaillance multiviscérale majeur, toujours en état de choc, et a dû notamment se voir administrer des doses très élevées de noradrénaline associées à un remplissage vasculaire sous échographie cardiaque, ainsi que d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë majeur, une coagulation intravasculaire disséminée et une hépatite cytolytique. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que M. A... H... aurait connu, même ponctuellement, un état de conscience jusqu'à son décès le 17 avril 2019 à 0h20. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation du préjudice d'angoisse de mort imminente, la victime n'ayant pas eu conscience de la dégradation irréversible de son état de santé jusqu'au décès.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

12. Ni le rapport d'expertise, ni l'avis de la CCI PACA ne retiennent l'existence d'un préjudice esthétique temporaire que M. H... aurait subi. Si les requérants soutiennent que M. A... H... a été sondé, qu'il a craché une dent, qu'il a été placé sous ventilation artificielle et a présenté des marbrures au niveau des membres inférieurs, toutefois, dans les conditions exposées au point précédent, il ne résulte pas de l'instruction qu'à compter du 15 avril 2019 à 7h et jusqu'à son décès le 17 avril 2019 à 0h20 il ait eu conscience de se présenter altéré à la vue des tiers. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de ce préjudice.

13. Il résulte de ce qui précède que la somme que le CH de Digne-les-Bains doit être condamné à verser aux ayants droit de M. A... H..., doit être portée à celle de 840 euros.

Quant aux préjudices propres de Mme G... :

S'agissant du préjudice d'affection :

14. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par Mme J... G..., fille majeure de M. A... H..., en raison du décès de ce dernier, en l'évaluant à la somme de 6 500 euros, soit celle de 1 300 euros après application du taux de perte de chance.

S'agissant du préjudice d'accompagnement :

15. S'il résulte de l'instruction que Mme G... a apporté son soutien à son père durant l'hospitalisation de ce dernier en étant régulièrement à son chevet, l'indemnisation du préjudice d'accompagnement vise à réparer les bouleversements sur leur mode de vie au quotidien, dont sont victimes les proches de la victime directe jusqu'au décès de celle-ci. C'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'il ne résultait pas de l'instruction que Mme G... aurait subi des troubles dans ses conditions d'existence ayant résulté pour elle de l'obligation d'apporter une aide à son père, qui a été hospitalisé durant trois jours. La demande d'indemnisation de ce préjudice doit donc être rejetée.

S'agissant des frais d'obsèques :

16. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges, que Mme G... a exposé des frais d'obsèques pour un montant total de 6 428,86 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 20 %, la somme de 1 286 euros mise à la charge du CH de Digne-les-Bains doit être confirmée.

S'agissant des frais divers :

17. Mme G... établit s'être acquittée des frais de copie du dossier médical de son père dans le cadre de la procédure devant la CCI PACA pour un montant de 13,20 euros, somme qu'il y a lieu de mettre à la charge du CH dans sa totalité. En outre, elle a effectué, entre le 15 et le 17 avril 2019, 7 trajets aller-retour entre son domicile et le CH de Digne-les-Bains, situé à 27,2 km, pour rendre visite à son père. Elle a droit, au titre de ces déplacements qui sont relatifs à l'état de santé de son père, compte tenu de la puissance fiscale de son véhicule, à une indemnité de 45 euros après application du taux de perte de chance de 20 %. Enfin, elle a effectué un déplacement de 250 kms aller-retour pour se rendre à la réunion d'expertise et un déplacement de 222 km pour se rendre à la réunion de la CCI PACA, au titre desquels elle a droit à une indemnité de 269 euros à laquelle il n'y a pas lieu d'appliquer le taux de perte de chance, ce préjudice étant en lien direct avec la faute commise par le CH de Digne-les-Bains. Par suite, il y a lieu de porter la somme due par le CH de Digne-les-Bains au titre des frais de reproduction du dossier médical et des frais de déplacement exposés par Mme G... à 327,20 euros.

18. Il résulte de ce qui précède que la somme que le CH de Digne-les-Bains est condamné à payer à Mme G... au titre de ses préjudices propres doit être portée à 2 913,20 euros.

Quant aux préjudices propres de M. E... H... :

S'agissant du préjudice d'affection :

19. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par M. E... H..., fils majeur de M. A... H..., en raison du décès de ce dernier, en l'évaluant à la somme de 6 500 euros, soit celle de 1 300 euros après application du taux de perte de chance.

S'agissant du préjudice d'accompagnement :

20. Compte-tenu de ce qui a été dit au point 15 du présent arrêt, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'il ne résultait pas de l'instruction que M. E... H... aurait subi des troubles dans ses conditions d'existence ayant résulté pour lui de l'obligation d'apporter une aide à son père, qui a été hospitalisé durant trois jours. La demande d'indemnisation de ce préjudice doit donc être rejetée.

S'agissant des frais divers :

21. M. E... H... a effectué un déplacement de 296 kms aller-retour pour se rendre à la réunion d'expertise et un déplacement de 278 kms pour se rendre à la réunion de la CCI PACA, au titre desquels il a droit, compte tenu de la puissance fiscale de son véhicule, à une indemnité de 344,98 euros ainsi qu'au remboursement de ses frais de péage d'un montant total de 29,90 euros, soit à l'indemnité totale de 374,88 euros à laquelle il n'y a pas lieu d'appliquer le taux de perte de chance, ce préjudice étant en lien direct avec la faute commise par le CH de Digne-les-Bains.

22. Il résulte de ce qui précède que la somme que le CH de Digne-les-Bains est condamné à payer à M. E... H... au titre de ses préjudices propres doit être portée à 1 674,88 euros.

Quant aux préjudices d'affection respectifs des petits-fils et de la sœur du défunt :

23. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par M. L... G... et M. D... G..., petits-fils majeur et mineur de M. A... H..., âgés de 20 et 17 ans au moment des faits, en l'évaluant à la somme de 4 500 euros chacun, soit celle de 900 euros chacun après application du taux de perte de chance.

24. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par Mme F... H..., sœur majeure de M. A... H..., en raison du décès de ce dernier, en l'évaluant à la somme de 6 500 euros, soit celle de 1 300 euros après application du taux de perte de chance.

En ce qui concerne les intérêts :

25. Les sommes au paiement desquelles le CH de Digne-les-Bains est condamné porteront intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021, date d'enregistrement de la requête devant le tribunal.

Sur la déclaration d'arrêt commun :

26. Il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence qui, régulièrement mise en cause dans la présente instance, n'a pas produit de mémoire.

Sur les dépens :

27. La présente instance n'a donné lieu à aucun dépens. Par suite, les conclusions en ce sens de la requête de Mme G... et autres doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

28. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du CH de Digne-les-Bains la somme globale de 1 500 euros à verser Mme G... et autres.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 720 euros que le CH de Digne-les-Bains a été condamné à payer à Mme J... G... et M. E... H... en leur qualité d'ayants droit de la victime décédée est portée à 840 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021.

Article 2 : La somme de 2 582,64 euros que le CH de Digne-les-Bains a été condamné à payer à Mme J... G... en réparation de ses préjudices propres est portée à 2 913,20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021.

Article 3 : La somme de 1 275 euros que le CH de Digne-les-Bains a été condamné à payer à M. E... H... en réparation de ses préjudices propres est portée à 1 674,88 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021.

Article 4 : La somme de 800 euros que le CH de Digne-les-Bains a été condamné à payer à M. L... G... et M. D... G..., en réparation de leurs préjudices propres est portée à 900 euros chacun, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021.

Article 5 : La somme de 1 200 euros que le CH de Digne-les-Bains a été condamné à payer à Mme F... H..., en réparation de ses préjudices propres est portée à 1 300 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 octobre 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence.

Article 8 : Le CH de Digne-les-Bains versera la somme globale de 1 500 euros à Mme J... G... et autres en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... G..., représentant unique des requérants, au centre hospitalier de Digne-les-Bains, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2025.

2

N° 23MA03079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA03079
Date de la décision : 17/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-17;23ma03079 ?
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