Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, de condamner solidairement le centre hospitalier de Bastia et l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser, en réparation de l'infection nosocomiale contractée suite à l'opération de reprise de prothèse du genou pratiquée dans cet établissement le 19 janvier 2017, la somme de 34 072 euros à titre de provision, en sus de la somme de 11 600 euros déjà accordée par le juge des référés du tribunal, d'autre part, d'ordonner une expertise médicale complémentaire.
Par un jugement n° 1901375 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a, avant de statuer sur la demande de M. D... C..., ordonné une expertise.
Par une ordonnance du 15 octobre 2021, le président du tribunal a désigné un collège d'experts, composé de Mme G... B... et de M. F... E..., pour accomplir la mission d'expertise.
Par un second jugement avant dire droit du 12 mai 2022, le tribunal a étendu l'expertise confiée au collège d'experts et l'a rendue contradictoire aux hospices civils de Lyon (HCL).
Le collège d'experts a déposé son rapport au greffe le 19 septembre 2022.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 72 923,77 euros correspondant aux prestations versées à la victime et la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
M. C... a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 160 874,14 euros, après déduction de la provision fixée par le juge des référés du tribunal.
Par un jugement n° 1901375 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Bastia a :
- mis hors de cause l'ONIAM et les hospices civils de Lyon ;
- condamné le centre hospitalier de Bastia à payer à M. C... une somme de 12 374,82 euros ;
- condamné le centre hospitalier de Bastia à payer à la CPAM de la Haute-Corse la somme de 72 923,77 euros ;
- mis à la charge du centre hospitalier de Bastia une somme de 1 162 euros au titre du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à verser à la CPAM de la Haute-Corse ;
- et mis à la charge définitive du centre hospitalier de Bastia les frais et honoraires de l'expertise précitée, taxés à la somme de 8 059,80 euros.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2023 sous le n° 23MA02946, M. C..., représenté par la Selarl Luisi Avocat agissant par Me Luisi, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 26 octobre 2023 du tribunal administratif de Bastia en portant à la somme de 334 064, 38 euros le montant de l'indemnité que le centre hospitalier de Bastia a été condamné à lui payer ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise.
Il soutient que :
- il a subi une infection nosocomiale survenue dans les suites de l'intervention pratiquée le 10 janvier 2017 au centre hospitalier de Bastia ;
- l'indemnité allouée par le tribunal est insuffisante pour réparer ses préjudices ;
- si le tribunal a pris comme base de travail le rapport rendu à l'issue de l'expertise ordonnée par la juridiction administrative, il a toutefois omis de prendre en compte le rapport d'expertise provisoire de la commission de conciliation et d'indemnisation de Corse qui était antérieur et qui portait sur la période non examinée par les experts désignés par le tribunal ;
- le tribunal n'a pas pris en compte son licenciement pour inaptitude qui aurait dû le conduire à l'indemniser au titre de sa perte de gains professionnels actuels et de l'incidence professionnelle ;
- il a droit à réparation de ses préjudices aux montants suivants :
* au titre du déficit fonctionnel temporaire : 8 105 euros ;
* au titre des souffrances endurées : 17 000 euros ;
* au titre du préjudice esthétique temporaire : 2 500 euros ;
* au titre du déficit fonctionnel permanent : 6 500 euros ;
* au titre du préjudice esthétique permanent : 3 000 euros ;
* au titre du préjudice sexuel : 3 000 euros ;
* au titre de la perte de gains professionnels actuels : 20 047,50 euros ;
* au titre des frais divers : 6 187,50 euros pour les frais d'assistance par tierce personne et 187,96 euros pour les frais de déplacement ;
* au titre des frais de véhicule aménagé : 3 000 euros ;
* au titre de la perte de gains professionnels futurs : 131 220 euros à parfaire au titre de la première période et 21 760,65 euros au titre de la seconde ;
* au titre de l'incidence professionnelle : 40 000 euros ;
* au titre des dépenses de santé futures : 71 555,77 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2024, le centre hospitalier de Bastia, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête de M. C....
Il fait valoir que :
- la demande, qui s'élève au total de 334 064,38 euros, est irrecevable en tant qu'elle excède celle de 160 874,14 euros demandée devant les premiers juges, en l'absence d'aggravation du dommage ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
- subsidiairement, il convient de déduire la rente d'invalidité que perçoit M. C... de l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs ;
- en exécution de l'ordonnance de référé du 22 mai 2020, le centre hospitalier de Bastia a déjà versé à M. C... une provision de 11 600 euros, laquelle devra, en toute hypothèse, venir en déduction de toute condamnation prononcée au bénéfice de M. C....
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2024, l'ONIAM, représenté par Me Fitoussi, de la Selarl de La Grange et Fitoussi Avocats, conclut à la confirmation du jugement attaqué et à sa mise hors de cause.
Il fait valoir qu'aucune demande n'est formulée à son encontre et qu'en tout état de cause, les conditions de son intervention ne sont pas remplies.
La procédure a été communiquée aux hospices civils de Lyon et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, qui n'ont pas produit de mémoire.
II. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 décembre 2023, le 2 février 2024 et le 9 mai 2025 sous le n° 23MA03147, le centre hospitalier de Bastia, représenté par Me Le Prado, demande à la cour d'annuler le jugement n° 1901375 du 26 octobre 2023 rendu par le tribunal administratif de Bastia et de rejeter les demandes présentées devant ce tribunal par M. C... et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des moyens dont le tribunal a été saisi ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'infection contractée par M. C... présentait un caractère nosocomial dont les conséquences doivent être indemnisées par le centre hospitalier de Bastia ;
- le tribunal a fait une évaluation excessive des préjudices subis par M. C... ;
- c'est à tort que le tribunal a fait droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, dans la mesure où le signataire des mémoires de la caisse n'avait pas qualité pour le faire ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que les débours de la caisse en lien direct et certain avec l'infection contractée par M. C... s'élevaient à la somme de 72 923,77 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2025, l'ONIAM, représenté par Me Fitoussi, de la Selarl de La Grange et Fitoussi Avocats, conclut à la confirmation du jugement attaqué et à sa mise hors de cause.
Il fait valoir qu'aucune demande n'est formulée à son encontre et qu'en tout état de cause, les conditions de son intervention ne sont pas remplies.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse a produit des pièces, enregistrées le 28 avril 2025, qui ont été communiquées.
La procédure a été communiquée à M. C... et aux hospices civils de Lyon, qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Estimant avoir été victime d'une infection nosocomiale contractée suite à l'opération de reprise de prothèse du genou pratiquée au centre hospitalier de Bastia le 19 janvier 2017, M. C... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation de Corse, laquelle a ordonné une expertise médicale ayant donné lieu au dépôt d'un rapport le 8 mars 2018. Au visa de ce dernier, la commission s'est toutefois déclarée incompétente. M. C... a alors adressé à l'établissement de soins, le 10 octobre 2019, une demande indemnitaire préalable, en réponse à laquelle la SHAM, son assureur, lui a fait une offre provisionnelle à hauteur de 5 000 euros. Insatisfait, il a saisi à la fois le juge des référés et le juge du fond du tribunal administratif de Bastia. Par l'ordonnance n° 1901708 du 22 mai 2020, le juge des référés du tribunal a condamné le centre hospitalier de Bastia à verser à M. C... une provision de 11 600 euros. Par un jugement du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a, avant de statuer sur la demande de M. C..., ordonné une expertise. Par une ordonnance du 15 octobre 2021, le président du tribunal a désigné un collège d'experts, composé de Mme G... B... et de M. F... E..., pour accomplir la mission d'expertise. Par un second jugement avant dire droit du 12 mai 2022, le tribunal a étendu l'expertise confiée au collège d'experts et l'a rendue contradictoire aux hospices civils de Lyon (HCL). Le collège d'experts a déposé son rapport au greffe le 19 septembre 2022. La CPAM de la Haute-Corse a alors demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 72 923,77 euros correspondant aux prestations versées à la victime et la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. M. C... a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Bastia à lui verser la somme de 160 874,14 euros, après déduction de la provision fixée par le juge des référés du tribunal. Par un jugement du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Bastia a mis hors de cause l'ONIAM et les hospices civils de Lyon, condamné le centre hospitalier de Bastia à payer à M. C... une somme de 12 374,82 euros, condamné le centre hospitalier de Bastia à payer à la CPAM de la Haute-Corse la somme de 72 923,77 euros, mis à la charge du centre hospitalier de Bastia une somme de 1 162 euros au titre du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à verser à la CPAM de la Haute-Corse et mis à la charge définitive du centre hospitalier de Bastia les frais et honoraires de l'expertise précitée, taxés à la somme de 8 059,80 euros.
2. Par une requête n° 23MA02946, M. C... relève appel de ce jugement et sollicite une meilleure indemnisation de ses préjudices. Par une requête n° 23MA03147, le centre hospitalier de Bastia demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal et de rejeter les demandes présentées devant ce tribunal par M. C... et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué soulevé par le centre hospitalier de Bastia dans son mémoire introductif d'instance n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et manque, au demeurant, en fait. Il doit, dès lors, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Bastia et la demande de mise hors de cause présentée par l'ONIAM :
4. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ".
5. Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " (...) ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; / (...) ". L'article L. 1142-22 du même code prévoit que l'ONIAM est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies à l'article L. 1142-1-1, des dommages occasionnés par la survenue d'une infection nosocomiale. Il résulte de ces dispositions que les dommages consécutifs à des infections nosocomiales et correspondant à un déficit fonctionnel permanent d'un taux supérieur à 25 %, déterminé par référence au barème figurant à l'annexe 11-2 du code de la santé publique, ouvrent droit à réparation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, que ces dommages aient été subis par les patients victimes des telles infections ou par leurs proches. Lorsque le taux de déficit fonctionnel permanent est au plus égal à 25 %, ces dommages engagent la responsabilité de l'établissement de soins, sauf si celui-ci rapporte la preuve d'une cause étrangère.
6. En l'espèce, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 5 mars 2018 diligenté par la commission de conciliation et d'indemnisation de Corse, que, suite à l'exérèse d'une excroissance osseuse réalisée au centre hospitalier de Bastia le 10 janvier 2017 dans le cadre d'une révision d'une prothèse au genou droit, M. C..., souffrant de fièvres importantes et présentant une cicatrice inflammatoire, a été de nouveau hospitalisé dans ce centre le 19 janvier suivant, où une infection par staphylocoque doré a été diagnostiquée. Selon ce même rapport, cette infection est liée aux soins pratiqués dans cet hôpital, tandis qu'il résulte du rapport d'expertise déposé le 19 septembre 2022 devant le tribunal administratif de Bastia que le déficit fonctionnel permanent subi par l'intéressé en raison de cet accident est de 5 %, pourcentage inférieur à celui de 25 % ouvrant droit à réparation par l'ONIAM. Le centre hospitalier de Bastia ne rapportant en outre pas la preuve d'une cause étrangère, sa responsabilité doit dès lors, et comme l'a jugé le tribunal, être engagée, ce qu'au demeurant il ne conteste pas sérieusement. Par ailleurs, l'ONIAM doit, comme l'a encore jugé le tribunal à juste titre, être mis hors de cause.
En ce qui concerne l'évaluation des préjudices de M. C... :
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise diligenté par la commission de conciliation et d'indemnisation de Corse et que le tribunal a omis de prendre en compte sur ce point, que le déficit fonctionnel temporaire de M. C..., en lien direct et exclusif avec le fait générateur, a été total du 19 janvier au 20 mars 2017, partiel à 50 % du 21 mars au 7 avril 2017, partiel à 25 % du 8 avril au 30 juin, partiel à 10 % du 8 mars au 21 février 2019, total le 22 février 2019, à nouveau de 10 % du 23 février 2019 au 9 juillet 2019, puis de 100 % du 10 juillet 2019 au 11 octobre 2019, de 50 % du 12 octobre 2019 au 30 novembre 2019, puis de 25 % du 1er décembre 2019 au 15 mars 2020 et, enfin, de 10 % du 16 mars 2020 au 15 octobre 2020, veille de la consolidation de son état de santé. Compte tenu de sa durée et de son intensité, il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 5'500 euros, le tribunal en ayant fait une insuffisante évaluation en fixant le montant de sa réparation à la somme de 3 500 euros.
Quant aux souffrances endurées :
8. Il résulte de l'instruction que M. C... a, durant trois ans et neuf mois, enduré des souffrances, évaluées par les experts à 4,5 sur une échelle allant de 1 à 7 et constituées du fait de trois interventions chirurgicales, une ponction articulaire, plusieurs antibiothérapies prolongées ainsi que des douleurs physiques et morales, dont le tribunal n'a pas fait une insuffisante évaluation en le fixant à la somme de 10 000 euros.
Quant au préjudice esthétique temporaire :
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise précité, que M. C... a subi un préjudice esthétique temporaire atteignant le niveau 2 sur une échelle de 7, se traduisant par la nécessité de se déplacer en fauteuil roulant durant 48 jours et le port de pansements. Il y a lieu d'accorder à ce titre la somme de 2 500 euros déjà fixée par le tribunal et dont le montant n'est pas critiqué en appel.
Quant au déficit fonctionnel permanent :
10. Il résulte de l'instruction que M. C..., âgé de 63 ans à la date de la consolidation de son état de santé consécutive à son infection nosocomiale, conserve une limitation fonctionnelle sur un fond douloureux résiduel constitutif d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 5 % par les experts. Il résulte en outre de l'instruction que les difficultés à la marche dont fait état M. C... sont, comme l'ont apprécié les experts sans être contestés par l'intéressé, liées à la rupture de l'appareil extenseur du genou droit dus à sa chute survenue à son domicile le 25 novembre 2019 et non à l'infection nosocomiale en litige. Le tribunal a cependant fait une insuffisante évaluation de ce poste de préjudice en fixant le montant de sa réparation à la somme de 3 500 euros qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 5 300 euros.
Quant au préjudice esthétique permanent :
11. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par le tribunal, que M. C... conserve une cicatrice liée à l'intervention initiale mais élargie par les reprises chirurgicales liées à l'infection nosocomiale. Les experts ont coté à 1,5 sur 7 le préjudice esthétique permanent en résultant et dont le tribunal en a fait une évaluation suffisante en fixant le montant de sa réparation à la somme de 2 000 euros.
Quant au préjudice sexuel :
12. M. C... soutient que l'infection nosocomiale et la septicémie qui en a résulté ont entraîné pour lui des troubles de l'érection. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonné par le tribunal, que ces troubles ne sont pas documentés, l'intéressé n'ayant jamais été suivi ou traité pour ce problème, tandis qu'en tout état de cause et comme l'ont relevé les experts sans que leur appréciation soit utilement contestée, ces troubles ne pas sont imputables à l'infection nosocomiale contractée au centre hospitalier de Bastia, l'intéressé ayant lui-même indiqué devant les experts qu'ils étaient survenus en janvier 2020 après l'hospitalisation pour rupture du tendon rotulien. Dès lors et comme l'a jugé le tribunal, la demande qu'il présente au titre de ce poste de préjudice doit être rejetée.
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
Quant aux pertes de gains professionnels actuels :
13. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. C... a, en raison de l'infection nosocomiale qu'il a subie, dû interrompre toute activité professionnelle durant la période allant du 19 février 2017 jusqu'au 19 octobre 2017, soit cinq mois. Si en appel, le requérant fait également valoir qu'il a été licencié pour inaptitude le 26 janvier 2018, il résulte de l'expertise ordonnée par la commission de conciliation et d'indemnisation de Corse que cet évènement est imputable à la mise en place initiale de la prothèse de genou et non à la survenue de l'infection nosocomiale en litige, M. C... n'apportant aucun élément pour remettre en cause ces conclusions expertales. D'où il suit que, comme l'a jugé le tribunal, la période indemnisable est uniquement celle allant du 19 février 2017 jusqu'au 19 octobre 2017.
14. A cet égard, compte tenu de ce que le calcul de ses revenus attendus durant cette période doit s'effectuer sur la base d'un salaire annuel net de 21 870 euros, son manque à gagner durant celle-ci s'élève alors à la somme de 9 112,50 euros, dont il convient de déduire le montant perçu par l'intéressé au titre des indemnités journalières versées par la CPAM de la Haute-Corse durant cette même période et qui n'est pas d'un montant de 7 355,68 euros retenu par le tribunal mais de 6'091,81 euros, comme il le sera expliqué ci-dessous au point 23. D'où il suit que les pertes de gains professionnels actuels subis par M. C... doivent être réparés par le versement de la somme de 3'020,69 euros.
Quant aux frais divers :
15. D'une part, il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. C... consécutif à l'infection nosocomiale survenue au centre hospitalier de Bastia a nécessité l'assistance par une tierce personne à domicile durant une heure par jour, du 12 octobre au 30 novembre 2019. En tenant compte du salaire minimum interprofessionnel de croissance, augmenté des charges sociales, il sera retenu un taux horaire de 14 euros pour une aide non spécialisée et la base d'une année évaluée à 412 jours pour tenir compte des dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés. Dès lors, cette aide doit être évaluée à la somme de 790,14 euros. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait perçu, au cours de cette période, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation de handicap ou même le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que le tribunal a fait, en le fixant à la somme de 718 euros, une évaluation inexacte de ce poste de préjudice qui doit, dès lors, être fixé à la somme de 790,14 euros.
16. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. C... justifie avoir gardé à sa charge les frais de 187,96 euros liés à son hébergement à Lyon le 22 février 2019 en vue de son hospitalisation aux hospices civils de Lyon au motif d'une suspicion d'infection. Compte tenu qu'il résulte de l'expertise ordonnée par le tribunal que cette hospitalisation est liée à l'infection nosocomiale en litige, M. C... a donc droit au remboursement de la somme de 187,96 euros, ce qu'il sollicite pour la première fois en appel.
Quant aux frais de véhicule aménagé :
17. Il résulte de l'instruction que si M. C... a déclaré devant les experts missionnés par la commission de conciliation et d'indemnisation de Corse avoir dû modifier son véhicule pour l'équiper d'une boîte automatique et que les experts ont retenu cette dépense comme liée pour moitié à l'infection nosocomiale subie par l'intéressé, ces frais ne sont ni justifiés ni ne présentent, en tout état de cause, de lien de causalité direct avec le fait générateur dès lors que cette seule modification impliquerait encore l'utilisation de son genou droit, tout comme sur une voiture équipée d'une boîte manuelle. Dans ces conditions, la demande formée au titre de ce poste de préjudice doit être rejetée.
Quant aux dépenses de santé futures :
18. Il résulte de l'instruction qu'aucun des deux rapports d'expertise ne retient les dépenses de santé futures dont M. C... demande l'indemnisation. Il ne verse, en outre, aucune pièce de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les experts. Il suit de là que, comme l'a jugé le tribunal, la demande formée au titre de ce poste de préjudice doit être rejetée.
Quant aux pertes de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle :
19. Si M. C... expose avoir été licencié en janvier 2018, les pertes de gains qui en résultent ne sont, comme il a été dit au point 13, pas liées à la survenue de l'infection nosocomiale en litige. En outre, s'il fait état d'une plus grande difficulté à retrouver un emploi, le rapport d'expertise ordonné par le tribunal indique que les dommages importants subis par la victime, le privant de la possibilité de retrouver un emploi de même nature, ne sont pas non plus causés par l'infection nosocomiale en litige mais par la glissade qui est survenue à son domicile le 25 novembre 2019 et qui a entraîné la rupture de l'appareil extenseur de son genou droit. L'intéressé ne verse aucune pièce de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les experts. Par suite et comme l'a jugé le tribunal, il n'est pas fondé à obtenir réparation au titre de ces postes de préjudice.
S'agissant des sommes à déduire :
20. Il résulte de l'instruction que M. C..., ainsi que celui-ci l'admet dans ses dernières écritures, a d'ores et déjà perçu la somme de 11 600 euros versée par le centre hospitalier de Bastia dans le cadre de la procédure en référé. Cette somme doit, par conséquent, être déduite du montant de la somme qui doit être mise à la charge du centre hospitalier de Bastia dans le présent litige.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le montant total des préjudices subis par M. C... s'élève à la somme de 29'298,79 euros dont il convient de déduire la somme de 11 600 euros mentionnée au point précédent. D'où il suit, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que l'indemnité à laquelle le centre hospitalier de Bastia a été condamné à verser à M. C... par le tribunal administratif de Bastia dans son jugement du 26 octobre 2023 doit être portée à la somme de 17'698,79 euros.
En ce qui concerne les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse :
22. En réponse aux contestations élevées par le centre hospitalier de Bastia, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse justifie que Mme A..., l'agent qui a introduit, le 27 octobre 2022, le recours subrogatoire présenté devant le tribunal administratif de Bastia au nom de cette caisse, était dûment habilité à cette fin par une délégation qui lui avait été octroyée par un arrêté du 3 janvier 2022. Par suite, ce recours était recevable.
23. En outre, il résulte de l'instruction que, durant la période imputable à l'accident, cette caisse a versé à M. C... des indemnités journalières d'un montant journalier de 40,77 euros du 19 février au 17 mars 2017 puis de 40,91 euros du 18 mars 2017 au 19 juillet 2017, soit un total de 6'091,81 euros. Le tribunal en a, ainsi que le soutient le centre hospitalier de Bastia, fait une inexacte évaluation en le fixant à la somme de 7 355,68 euros.
24. En revanche et malgré les contestations élevées par le centre hospitalier de Bastia sur ce point et la mesure d'instruction diligentée par la cour, la caisse s'abstient de justifier, notamment par la production d'une attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil, du lien entre l'accident de M. C... et les débours qu'elle a exposés au titre des dépenses de santé actuelle et frais de transport qu'elle chiffre au montant total de 65 568,09 euros. Le centre hospitalier de Bastia est donc fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à payer cette somme à la CPAM de la Haute-Corse.
25. Dès lors, le montant auquel le centre hospitalier de Bastia doit être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse par le jugement attaqué doit être ramené à la somme de 6'091,81 euros.
Sur la charge des frais d'expertise :
26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, de laisser les frais de l'expertise ordonnée par ce même tribunal à la charge définitive du centre hospitalier de Bastia.
Sur les frais liés au litige :
27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Bastia le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est mis hors de cause.
Article 2 : L'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Bastia au bénéfice de M. C... par le tribunal administratif de Bastia dans son jugement n° 1901375 du 26 octobre 2023 est portée à la somme de 17'698,79 euros.
Article 3 : L'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Bastia au bénéfice de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse est ramenée à la somme de 6'091,81 euros.
Article 4 : Le jugement n° 1901375 du 26 octobre 2023 du tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu'il est contraire à la présente décision.
Article 5 : Le centre hospitalier de Bastia versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les frais et honoraires de l'expertise précitée, taxés à la somme de 8 059,80 euros, sont laissés à la charge définitive du centre hospitalier de Bastia.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au centre hospitalier de Bastia, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et aux hospices civils de Lyon.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2025 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2025.
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N° 23MA02946 - 23MA03147