Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 mai 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2405996 du 16 juillet 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a admis à titre provisoire Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 août 2024, Mme B..., représentée par Me Prezioso, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 mai 2024 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- il est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Danveau.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 1er janvier 1999, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 22 novembre 2023 confirmée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 6 mars 2024. Par un arrêté du 21 mai 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination. La requérante relève appel du jugement du 16 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté par adoption des motifs énoncés au point 4 du jugement contesté et non critiqués par de nouveaux arguments.
3. La décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français vise notamment le 4° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, cette décision mentionne de manière précise et circonstanciée la situation de la requérante. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'avait pas à mentionner toutes les circonstances de fait de la situation de Mme B..., a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance, à savoir notamment le rejet de sa demande d'asile en France, son entrée en France le 10 novembre 2022 selon ses déclarations, sa situation de célibataire et l'absence d'éléments établissant qu'elle serait exposée, si la mesure d'éloignement était mise à exécution, à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce faisant, la motivation de l'arrêté attaqué, qui s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus par le préfet des Bouches-du-Rhône, apparaît suffisante tant en droit qu'en fait. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la motivation de la décision en litige ne révèle pas un défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressée.
4. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, anciennement codifié à l'article L. 311-6 de ce code : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. / Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat ". Selon l'article D. 431-7 de ce même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois ".
5. Il ressort de ces dispositions que la circonstance que l'administration aurait manqué à son obligation d'inviter l'intéressée à présenter une demande de titre de séjour à un autre titre que l'asile est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, dès lors que la méconnaissance de cette obligation n'a d'autre effet que de rendre inopposable aux demandeurs d'asile, non régulièrement informés, le délai pour demander un titre de séjour sur un autre fondement. Or, il n'est ni établi ni même allégué que la requérante aurait déposé une demande de titre de séjour sur un fondement autre que son admission au séjour au titre de l'asile après l'expiration du délai prévu par les dispositions précitées de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux conditions de délivrance des titres de séjour, ou que le préfet lui aurait opposé le caractère tardif de cette demande. Dans ces conditions, la circonstance, à la supposer établie, que l'administration n'aurait pas délivré à l'intéressée l'information prévue par les dispositions de l'article L. 431-2 pour l'inviter, le cas échéant, à présenter, dans le délai fixé par ce texte, une demande d'admission au séjour à un autre titre que l'asile, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
7. Si Mme B... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions précitées au point précédent, il est constant qu'elle n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Elle ne peut dès lors utilement invoquer leur méconnaissance par le préfet des Bouches-du-Rhône.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui est célibataire, déclare être entrée en France le 10 novembre 2022. Elle était alors titulaire du statut de réfugiée en Italie, bénéficiant à cet égard d'un titre de séjour valable jusqu'au 27 août 2023. Si la requérante soutient qu'elle est venue en France suivre un traitement médical dans le cadre de sa transition de genre, elle se borne à produire un certificat médical d'un médecin généraliste, au demeurant postérieur à l'arrêté attaqué, certifiant la suivre depuis fin 2022 dans le cadre de son projet de transidentité, et fait état de son engagement associatif auprès notamment d'une association de soutien aux personnes transgenres. Par ailleurs, les seules productions d'un article datant de 2019 sur les opérations chirurgicales de conversion sexuelle en France et en Italie et de données de l'agence des droits fondamentaux de l'Union européenne sur la situation des minorités sexuelles et de genre en Italie ne permettent pas d'établir les risques qu'elle pourrait encourir personnellement en cas de retour en Italie ou même dans son pays d'origine, alors que ses demandes d'asile en France ont été rejetées par l'OFPRA et la CNDA. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et celui, à le supposer soulevé, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent en tout état de cause être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Prezioso et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.
N° 24MA02231 2
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