Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision implicite de refus d'octroi de la protection fonctionnelle née sur sa demande du 7 juin 2020, d'enjoindre au service d'incendie et de secours de la Haute-Corse de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de mettre à la charge du service d'incendie et de secours de la Haute-Corse le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2001142 du 26 octobre 2020, le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa requête comme étant irrecevable.
Par une ordonnance n° 20MA03987 du 9 novembre 2020, le président de la 8ème chambre de la Cour a rejeté la requête de M. B... dirigée contre l'ordonnance du 26 octobre 2020.
Par une décision n° 447987 du 29 septembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du président de la 8ème chambre de la Cour et renvoyé l'affaire à cette dernière.
Par un arrêt n° 21MA04046 du 26 avril 2022, la Cour a annulé l'ordonnance du président du tribunal administratif de Bastia du 26 octobre 2020 et lui a renvoyé l'affaire.
Par un jugement n° 2200543 du 15 octobre 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 octobre 2024, M. A... B..., représenté par Me Peres, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia ;
2°) d'annuler la décision implicite de refus d'octroi de la protection fonctionnelle née sur sa demande du 7 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au service d'incendie et de secours de la Haute-Corse de lui octroyer la protection fonctionnelle ;
4°) de mettre à la charge du service d'incendie et de secours de la Haute-Corse le paiement de la somme globale de 3 500 euros au titre des frais d'instance exposés en première instance et en appel.
Il soutient que s'il a fait état des dispositions afférentes à un harcèlement moral, il a également mis en exergue l'existence de menaces, lesquelles sont avérées, et devait donc se voir octroyer la protection fonctionnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 décembre 2024, le service d'incendie et de secours de la Haute-Corse, représenté par Me Ceccaldi-Volpei, demande à la Cour de rejeter la requête de M. B... et de mettre à la charge de ce dernier le paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen de la requête est infondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., chef du groupement planification au sein du service d'incendie et de secours de la Haute-Corse a, par une lettre en date du 7 juin 2020, demandé au directeur du service d'incendie et de secours, le bénéfice de la protection fonctionnelle. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par son employeur. Par une ordonnance n° 2001142 du 26 octobre 2020, le président du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande comme étant irrecevable. Par une ordonnance n° 20MA03987 du 9 novembre 2020, le président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par l'intéressé contre cette ordonnance. Par une décision n° 447987 du 29 septembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille. Par un arrêt n° 21MA04046 du 26 avril 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé l'ordonnance du président du tribunal administratif de Bastia et renvoyé M. B... devant ce tribunal afin qu'il soit statué sur sa demande. Enfin, par un jugement n° 2200543 du 15 octobre 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de M. B.... Ce dernier interjette appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " (...) IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".
3. Si, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, M. B..., qui faisait mention, dans sa requête, des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi précitée du 13 juillet 1983, n'apporte pas suffisamment d'éléments qui permettraient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il résulte, en revanche, d'un courrier électronique du 11 mai 2020 adressé par le chef du service infrastructures au nouveau chef du groupement des services techniques, ayant pour objet " pour A... ", l'indication : " C'est à toi de demander. Justement pour le crever ". Cette phrase est révélatrice de l'existence d'une menace exercée par certains de ses collègues à l'encontre de M. B... de nature à lui ouvrir droit au bénéfice de la protection fonctionnelle. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de refus de protection fonctionnelle née sur sa demande de 7 juin 2020. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ledit jugement ainsi que la décision précitée.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :
4. L'annulation, au motif de l'existence de menaces, de la décision implicite de refus d'octroi de la protection fonctionnelle implique nécessairement qu'il soit enjoint au directeur du service d'incendie et de secours de la Haute-Corse d'accorder à M. B... la protection fonctionnelle, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du service d'incendie et de secours de la Haute-Corse le paiement de la somme de 3 000 euros qui sera versée à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance et d'appel. Les conclusions présentées sur ce fondement par le service d'incendie et de secours doivent, en revanche, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200543 du tribunal administratif de Bastia en date du 15 octobre 2024 est annulé, ensemble la décision implicite de refus d'octroi de la protection fonctionnelle née sur la demande du 7 juin 2020.
Article 2 : Il est enjoint au directeur du service d'incendie et de secours de la Haute-Corse d'accorder à M. B... la protection fonctionnelle, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le service d'incendie et de secours de la Haute-Corse versera à M. B... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le service d'incendie et de secours de la Haute-Corse sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service d'incendie et de secours de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2025.
N° 24MA02645 2
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