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23/05/2025 | FRANCE | N°24MA02155

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 23 mai 2025, 24MA02155


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 août 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée d'office, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un certificat de résidence ou de réexaminer

sa situation.



Par un jugement n° 2400975 du 24 avril 2024, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 août 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée d'office, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un certificat de résidence ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2400975 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 août 2024 et 24 janvier 2025, M. A... B..., représenté par Me Colas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 avril 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 août 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la même date, en lui délivrant dans l'attente et sous 8 jours une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il justifie, par la production intégrale de son passeport, qu'il réside en France de façon continue depuis 2018 ; il justifie également qu'il réside avec sa compagne, l'adresse de domiciliation étant distincte ;

- les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien et les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont méconnues ; les certificats médicaux postérieurs à la décision attaquée révèlent son état antérieur ; il est atteint du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et a besoin d'un suivi spécialisé et d'un traitement régulier auxquels il ne peut accéder en Algérie ; notamment le Biktarvy et le Vocabira n'y sont pas disponibles ; le préfet n'apporte aucun élément dont il résulterait qu'un autre traitement substituable et un suivi seraient disponibles ;

- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

L'entier dossier médical détenu par l'Office français de l'intégration et de l'immigration a été, avec l'accord de M. A... B..., produit à l'instance.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien, né en 1989, relève appel du jugement du 24 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 25 août 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée d'office, d'autre part à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :

2. Il résulte de la combinaison des articles 38 et 56 du décret du 19 décembre 1991, et 23 de la loi du 10 juillet 1991 visés ci-dessus, qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.

3. En l'espèce, il n'est pas établi que M. A... B... aurait reçu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille, l'admettant au bénéfice de ladite aide, datée du 20 octobre 2023, plus de quarante-cinq jours avant le 23 janvier 2024, date à laquelle sa demande a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille. Sa demande ne peut dès lors être regardée comme tardive eu égard au délai de recours de trente jours fixé par l'article L 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Si M. A... B... a déclaré être célibataire lorsqu'il a déposé, au mois d'avril 2023, sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et si sa compagne, compatriote, a déclaré pour sa part qu'elle était séparée lorsqu'elle a formé sa propre demande sur le même fondement le 24 mars 2023, il est constant qu'à peine neuf mois plus tard, le 26 décembre 2023, est né leur second enfant. L'acte de naissance de ce dernier mentionne un domicile commun des parents au 11 rue Bordes, où le requérant justifie qu'ils bénéficient tous deux d'une domiciliation postale. M. A... B... établit que, lors de la naissance de leur premier enfant, le 12 février 2020, il résidait à Marseille, boulevard Rabatau dans le 8ème arrondissement, à la même adresse que sa compagne. Il indique toujours résider, en famille, à cette adresse où un tiers atteste les héberger. La mère de ses enfants utilise l'adresse du boulevard Rabatau pour son contrat téléphonique depuis le mois de septembre 2021. Elle atteste vivre à cette adresse avec M. A... B... depuis le mois de décembre 2018 et bénéficier de son accompagnement quotidien. Le certificat de scolarité de leur fils aîné mentionne également ce domicile. Dans ces circonstances, ces divers éléments, bien que certains soient postérieurs à la décision attaquée, établissent qu'à la date de celle-ci, M. A... B... était présent auprès de son fils et de la mère de celui-ci, qui attendait leur second enfant. Dès lors, que cette dernière était titulaire d'un certificat de résidence, valable jusqu'au 15 juin 2024, en raison de son état de santé, l'arrêté litigieux, qui avait nécessairement pour conséquence de séparer M. A... B... de sa famille à un moment où elle avait particulièrement besoin de lui, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 25 août 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard à son motif et à la circonstance que le certificat de résidence de la compagne de M. A... B... a été renouvelée jusqu'au 3 septembre 2025, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, qu'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " soit délivré à M. A... B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, en délivrant à l'intéressé, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat, Me Colas, peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Colas de la somme de 1 500 euros à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 avril 2024 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 août 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de placer l'intéressé, dans cette attente, sous autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Colas une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Sandrine Colas.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2025.

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N° 24MA02155

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02155
Date de la décision : 23/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : COLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-23;24ma02155 ?
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