Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 avril 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2404120 du 11 juin 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2024, M. B... A..., représenté par Me Decaux, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement rendu le 11 juin 2024 par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 24 avril 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors qu'il est entré régulièrement en France ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
S'agissant de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- il dispose d'un passeport, justifie d'une adresse permanente et n'a précédemment fait l'objet d'aucune mesure d'éloignement.
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- il entend se prévaloir de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- il entend se prévaloir de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vincent.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté en date du 24 avril 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. A..., de nationalité tunisienne, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... interjette appel du jugement du 11 juin 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dudit arrêté ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme D... C..., cheffe du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile qui, par un arrêté du 22 mars 2024, régulièrement publié le même jour au recueil des actes de la préfecture des Bouches-du-Rhône, a reçu délégation du préfet des Bouches-du-Rhône aux fins de signer tous documents relevant des attributions de son bureau, dont font partie les obligations de quitter le territoire français. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté du 24 avril 2024 doit être écarté.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille au point 3 du jugement attaqué.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré (...) ".
5. S'il ressort des pièces du dossier, ainsi que le soutient le requérant, que celui-ci est entré régulièrement en France le 12 mai 2015, sous couvert d'un visa valable du 6 mai au 5 juillet 2015, et si, de ce fait, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de fait en indiquant, dans l'arrêté attaqué, que M. A... était entré irrégulièrement en France, il est néanmoins constant que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français, à l'expiration de la durée de validité de son visa, sans jamais demander de titre de séjour. Dès lors, le préfet des Bouches-du-Rhône, qui a, au demeurant, également relevé que l'intéressé n'était pas en possession d'un titre de séjour, aurait pris la même décision s'il n'avait commis l'erreur de fait précitée. Par ailleurs, la circonstance qu'il se serait également mépris, d'une part, sur le fait que M. A... aurait été détenteur d'un passeport et, d'autre part, bénéficierait d'une adresse permanente est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans enfant et qu'en dépit de la présence de son frère, de nationalité française, en France et du décès de ses parents, il n'établit pas être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel il a vécu, au moins, jusqu'à l'âge de 33 ans. Par ailleurs, si, depuis l'année 2017, M. A... justifie, par la production de documents variés et suffisamment nombreux, résider de manière habituelle en France, et y avoir exercé une activité professionnelle dans le domaine de la restauration depuis novembre 2018, essentiellement à temps partiel pour de faibles revenus, ces seules circonstances ne sont pas de nature à caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté.
En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "
9. Si M. A... fait valoir qu'il présente des garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il dispose d'un passeport en cours de validité et d'une adresse permanente, il est, en tout état de cause, constant, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'il s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un titre de séjour. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône pouvait, en application du 2° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et de dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Selon l'article L. 612-10 de ce même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
12. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque le préfet prend à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire français.
13. D'une part, la décision litigieuse, qui fait mention de la date d'entrée en France de l'intéressé et de ses conditions de résidence, de ce qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de ce qu'il est célibataire et sans enfant et ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales en Tunisie est suffisamment motivée au regard des critères précités.
14. D'autre part, en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a, au regard des éléments mentionnés au point 6 du présent arrêt, pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en dépit de la circonstance que le requérant n'ait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
15. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux précisés au point 6 du présent arrêt.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 24 avril 2024 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur les frais d'instance :
18. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2025.
N° 24MA01794 2
fa