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22/05/2025 | FRANCE | N°24MA00246

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 22 mai 2025, 24MA00246


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Belcodène a délivré à M. A... un permis de construire une maison individuelle avec garage sur un terrain situé Route de Fuveau, Quartier les Barreliers, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2007827 du 15 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseill

e a annulé l'arrêté du 24 mars 2020 du maire de Belcodène, ensemble la décision implicite portant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 mars 2020 par lequel le maire de la commune de Belcodène a délivré à M. A... un permis de construire une maison individuelle avec garage sur un terrain situé Route de Fuveau, Quartier les Barreliers, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2007827 du 15 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 24 mars 2020 du maire de Belcodène, ensemble la décision implicite portant rejet du recours gracieux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2024, la commune de Belcodène, représentée par Me Andreani, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 janvier 2024 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter le déféré présenté par le préfet des Bouches-du-Rhône devant le tribunal administratif de Marseille après application le cas échéant des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) subsidiairement, et avant dire droit, de désigner un expert, aux fins qu'il se prononce factuellement, sur l'intensité du risque de feu de forêt existant sur le terrain du projet, et sur les préconisations constructives pouvant éventuellement diminuer ce risque ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le tribunal n'a pas justifié l'absence d'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'il incombe à l'administration de ne pas appliquer un règlement illégal et n'a pas davantage motivé le rejet de la demande tendant à la désignation d'un expert ;

- contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, la délivrance du permis litigieux n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la parcelle d'assiette du projet constitue une dent creuse au sein d'une zone urbanisée, qu'elle est à quelques mètres des constructions avoisinantes et que des prescriptions auraient pu pallier le risque d'incendie.

Le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas produit de mémoire en défense, malgré une mise en demeure qui lui a été adressée le 11 septembre 2024.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel, rapporteur ;

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ;

- et les observations de Me Dallot, représentant la commune de Belcodène.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 24 mars 2020, le maire de Belcodène a délivré à M. A... un permis de construire une maison individuelle avec garage, sur une parcelle cadastrée section AA n° 44, située route de Fuveau. Le tribunal administratif de Marseille, saisi par déféré du préfet des Bouches-du-Rhône, a, par un jugement du 15 janvier 2024, annulé cet arrêté, ensemble la décision implicite du maire de Belcodène rejetant le recours gracieux du préfet des Bouches-du-Rhône. La commune de Belcodène relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "

3. En premier lieu, il ressort du dossier de première instance que la commune de Belcodène soutenait la possibilité de la délivrance d'un permis modificatif, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pour la régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu de l'implantation même du projet dans une zone exposée à un risque de feu de forêt, et concluait au rejet de la requête du préfet des Bouches-du-Rhône, après application, le cas échéant, des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. En annulant l'arrêté attaqué après avoir considéré, au regard des dispositions de ce dernier article, qu'il ne résultait pas de l'instruction que les mesures préconisées par le rapport d'expertise produit par la commune et les propositions de cette dernière quant aux mesures de protection contre l'incendie seraient de nature à permettre l'implantation du projet eu égard à l'importance du risque d'incendie, le tribunal a implicitement mais nécessairement considéré que ledit arrêté ne pouvait faire l'objet d'une annulation partielle en application de celles de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, et a ainsi suffisamment motivé son jugement sur ce point.

4. En deuxième lieu, le jugement attaqué est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, seules invoquées par le préfet des Bouches-du-Rhône, et les premiers juges n'avaient pas, pour procéder à l'appréciation du moyen tiré de l'erreur manifeste dont ils étaient saisis, à se prononcer sur la légalité des dispositions du plan local d'urbanisme de la commune de Belcodène, lesquelles, au demeurant, n'étaient pas applicables au projet litigieux.

5. En troisième lieu, il ressort du dossier de première instance que la commune de Belcodène soutenait la possibilité pour le tribunal de désigner un expert s'il ne s'estimait pas suffisamment éclairé par les pièces du dossier. Alors qu'une telle désignation relève d'un pouvoir propre du juge, ladite commune n'est donc pas fondée à soutenir que le tribunal aurait dû justifier l'absence de désignation d'un expert.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Belcodène n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient insuffisamment motivé leur décision et auraient méconnu les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, justifient le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

8. Il ressort des pièces du dossier et du site Géoportail, librement accessible tant au juge qu'aux parties, que la parcelle du projet litigieux est située dans une zone d'habitat dispersée, qui s'ouvre au nord sur une zone densément boisée. Dans ce contexte, cette parcelle ne peut, contrairement à ce que soutient la commune de Belcodène, être regardée comme une dent creuse au sein des habitations existantes. Il est par ailleurs constant que, suivant la carte de l'aléa feu de forêt, établie par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Bouches-du-Rhône, annexée au porter à connaissance sur le risque feu de forêt établi par le préfet des Bouches-du-Rhône le 23 mai 2014 et modifié le 4 janvier 2017, la zone est exposée à un aléa subi très fort à exceptionnel. Si ce document précise que : " La carte d'aléa (...) n'a pas vocation à fournir un niveau d'aléa à la parcelle ", ladite carte constitue toutefois un élément d'information permettant d'apprécier les risques auxquels est exposée la parcelle concernée. Si, selon l'étude produite en première instance, établie à la demande du pétitionnaire, celle-ci devrait être classée en zone de risque moyen, cette appréciation est uniquement fondée sur la circonstance que la route de Fuveau est une voie privilégiée pour l'accès des véhicules d'incendie et de secours et que la zone est bien débroussaillée, ainsi qu'au regard d'un historique des feux de forêt dans ce secteur dont la source n'est pas mentionnée. Il ne ressort pas de cette étude, ni d'aucune autre pièce du dossier, que des dispositifs de défense contre l'incendie seraient présents dans cette zone, ni que la mise en place de tels moyens, notamment d'une citerne ou d'hydrants, serait de nature à limiter ce risque induit à un niveau moyen. A cet égard, et dès lors que l'arrêté litigieux ne constitue pas un refus de permis de construire, la commune de Belcodène ne peut utilement soutenir que des prescriptions pouvaient assortir la délivrance d'un permis de construire.

Sur l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

9. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce (...) ". Selon l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".

10. Le vice affectant le permis litigieux, qui résulte de l'implantation même du projet au sein d'une zone exposée à un risque très fort à exceptionnel de feu de forêt, n'est pas susceptible de faire l'objet d'une régularisation alors que, ainsi qu'il a été dit au point 8, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'une prescription serait de nature à pallier ou à tout le moins à diminuer l'intensité du risque d'incendie auquel la parcelle du projet est exposée. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Belcodène n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté de son maire du 24 mars 2020 délivrant un permis de construire à M. A....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la commune de Belcodène au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Belcodène est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Belcodène et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025

2

N° 24MA00246

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00246
Date de la décision : 22/05/2025

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SELARL ANDREANI-HUMBERT-COLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-22;24ma00246 ?
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