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16/05/2025 | FRANCE | N°23MA01726

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 16 mai 2025, 23MA01726


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Sous le n° 2000757, M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner M. C... à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subis et de condamner l'association syndicale autorisée (ASA) des copropriétaires du Cap-Martin à lui verser, d'une part, la somme de 5 000 euros en réparation des faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subis et, d'autre part, celle de 29 368,75 eu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 2000757, M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner M. C... à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subis et de condamner l'association syndicale autorisée (ASA) des copropriétaires du Cap-Martin à lui verser, d'une part, la somme de 5 000 euros en réparation des faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subis et, d'autre part, celle de 29 368,75 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de son licenciement.

Sous le n° 2000967, M. D... a demandé à ce même tribunal d'annuler la décision du 16 février 2018 par laquelle l'ASA des copropriétaires du Cap-Martin lui a infligé la sanction de l'avertissement et d'annuler la décision du 18 mai 2018 par laquelle cette même ASA a prononcé son licenciement.

Par un jugement n° 2000757, 2000967 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Nice, après avoir joint ces deux requêtes, les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2023, M. D..., représenté par Me Brossollet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2023 rendu par le tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner M. C... à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour les faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subis ;

3°) de condamner l'ASA des copropriétaires du Cap-Martin à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour les faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subis ;

4°) de condamner l'ASA des copropriétaires du Cap-Martin à lui verser la somme de 24 868,75 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de son licenciement ;

5°) de mettre solidairement à la charge de M. C... et de l'ASA des propriétaires du Cap-Martin la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Il soutient que :

En ce qui concerne les faits de harcèlement subis :

- M. C..., le directeur de l'ASA des copropriétaires du Cap-Martin, s'est livré à des faits de harcèlement moral à son encontre ;

- l'ASA des copropriétaires du Cap-Martin a manqué à son obligation de prévention prévue à l'article L. 4121-2 du code du travail et a laissé M. C... le harceler ;

- l'ASA a commis une faute en laissant son directeur le harceler ;

- il a droit à réparation des faits de harcèlement subis par le versement par M. C... de la somme de 10 000 euros ;

- il a droit à réparation des faits de harcèlement subis par le versement par l'ASA des copropriétaires du Cap-Martin de la somme de 5 000 euros ;

En ce qui concerne l'avertissement en date du 16 février 2018 :

- cet avertissement, fondé sur des faits inexacts ou des motifs mensongers, n'est en réalité que la poursuite du harcèlement entrepris à son encontre ;

- l'avertissement contesté n'a pas été soumis à la consultation de la commission consultative paritaire prévue par la loi du 26 janvier 1984 ;

- l'avertissement est fondé sur des faits qui ne justifient pas une sanction et constitue en réalité une mesure de rétorsion à son encontre ;

- il a droit au versement de la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral lié à l'illégalité de l'avertissement contesté ;

En ce qui concerne le licenciement :

- les faits fondant cette décision sont infondés et ne la justifient pas ;

En ce qui concerne le montant de ses préjudices :

- il a lié le contentieux ;

- il a droit au paiement des sommes suivantes :

) indemnité compensatrice de préavis : 9 000 euros ;

) congés payés sur indemnité compensatrice de préavis : 900 euros ;

) indemnité légale de licenciement : 1 968,75 euros ;

) indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 000 euros ;

) indemnité pour préjudice moral distinct : 4 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2023, l'ASA des propriétaires du Cap-Martin et M. B... C..., représentés par la SELARL SOPHIA LEGAL agissant par Me Jacques, concluent au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et demandent que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Ils font valoir que :

- les conclusions indemnitaires présentées par M. D... sont, en l'absence de décision préalable de nature à lier le contentieux, irrecevables en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une lettre du 17 avril 2025, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office suivant : " La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nice tendait, entre autres, à la condamnation indemnitaire de M. C..., directeur de l'ASA des copropriétaires du Cap-Martin. De la sorte, il doit être regardé comme recherchant la responsabilité personnelle de cet agent public en raison des actes détachables de ses fonctions. Il n'appartient cependant qu'aux juridictions judiciaires de connaître d'un litige dans lequel la victime d'un dommage recherche la responsabilité personnelle d'un agent public en raison de tels actes. ".

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat à durée indéterminée, M. D... a été recruté par l'ASA des propriétaires du Cap-Martin à compter du 1er mars 2017 au poste de régisseur du Domaine du Cap Martin. Par une décision du 16 février 2018, la présidente de l'ASA du Cap-Martin lui a infligé la sanction de l'avertissement. Par une lettre datée du 18 mai 2018, cette même présidente lui a notifié son licenciement " pour faute grave ". M. D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler ces deux sanctions et de condamner l'ASA des propriétaires du Cap-Martin et son directeur, M. C..., à réparer ses préjudices liés d'une part au harcèlement moral qu'il estime avoir subi et d'autre part à son licenciement qu'il estime illégal. Par un jugement du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes. M. D... en relève appel et doit être regardé comme formulant des conclusions à fin d'annulation de l'avertissement du 16 février 2018 et de son licenciement du 18 mai 2018 ainsi que des conclusions indemnitaires.

Sur le bien-fondé jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D... :

2. Aux termes de l'article 24 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " Les agents des associations syndicales autorisées sont des agents contractuels de droit public. Le recrutement de ces agents ne leur donne aucun droit à être titularisés dans la fonction publique (...) ". Aux termes de l'article 35 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " (...) II. - Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; (...) 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / III. - Le pouvoir disciplinaire appartient au président de l'association. / La délégation du pouvoir de procéder au recrutement emporte celle du pouvoir disciplinaire. / Toutefois, le pouvoir disciplinaire peut, en ce qui concerne les sanctions de l'avertissement et du blâme, être délégué indépendamment du pouvoir de procéder au recrutement, et le pouvoir de procéder au recrutement indépendamment du pouvoir disciplinaire. / L'agent à l'encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de son dossier individuel et de tous documents annexes et à se faire assister par un défenseur de son choix. / Le président de l'association informe l'intéressé de son droit à obtenir communication du dossier ".

S'agissant de la légalité de l'avertissement en date du 16 février 2018 :

3. En premier lieu, les dispositions rappelées au point précédent régissent entièrement la procédure applicable aux sanctions prononcées par les associations syndicales autorisées à l'encontre de leurs agents. Par suite et comme l'a jugé le tribunal, le requérant ne peut utilement invoquer la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et soutenir que l'avertissement qu'il conteste n'a pas été soumis à la consultation de " la commission consultative paritaire prévue par la loi du 26 janvier 1984 ".

4. En second lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Pour prononcer la sanction d'avertissement en litige, la présidente de l'ASA du Cap-Martin a estimé que M. D... avait commis, d'une part, des faits d'insubordination en s'absentant à plusieurs reprises de son poste de travail sans en demander l'autorisation à sa hiérarchie alors qu'il lui avait été rappelé la nécessité d'une telle autorisation préalable, et, d'autre part, des négligences et carences fautives dans l'exercice de ses fonctions en ce que, notamment, il ne prend pas de décision immédiate en cas de dysfonctionnement des objets dont il a la surveillance et l'entretien sur le domaine et en ce qu'il fait preuve d'une désinvolture dans l'exécution des tâches qui lui sont dévolues. A ce titre, il est reproché à M. D... de n'avoir pas résolu la panne du projecteur d'éclairage situé sur le portail de l'allée centrale du Domaine alors que celle-ci avait été constatée depuis le 8 janvier 2018 et que le contrat de travail de l'intéressé mentionne qu'il doit prendre toute mesure pour résoudre les problèmes affectant la sécurité du Domaine. Il lui est également reproché de ne pas avoir constaté que, le 8 janvier 2018, le portail était en panne et de n'avoir pas répondu au rondier de nuit qui cherchait à le joindre. Il lui est aussi reproché d'avoir constaté depuis le 21 décembre 2017 qu'un miroir fixé à la sortie du Domaine avait été arraché sans qu'il n'ait depuis lors procédé à sa réparation. Il lui est également reproché trois absences injustifiées et non autorisées, le 21 décembre 2017 et les 4 janvier et 2 février 2018. Enfin, la décision contestée précise que la direction avait " déjà eu à déplorer par le passé " neuf faits qu'elle qualifie de " comportements fautifs ", parmi lesquels le refus d'utiliser les outils mis à sa disposition par l'employeur, le refus de stationner le véhicule de service à son emplacement prévu ou encore l'absence de demande d'autorisation de congé.

6. M. D... ne conteste pas sérieusement et pas plus en appel qu'en première instance la matérialité de ces faits établis par l'ASA, lesquels, contrairement à ce qu'il soutient, justifient, eu égard à l'exigence de ses missions et au niveau de rémunération qu'il perçoit en contrepartie, le prononcé d'une sanction, laquelle ne présente pas non plus un caractère disproportionné compte tenu de l'ensemble de ces éléments.

7. Enfin et compte tenu du caractère répété des manquements de M. D... à ses obligations contractuelles, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avertissement contesté ait été uniquement motivé par l'intention de sanctionner celui-ci pour avoir saisi, le 25 septembre 2017, l'inspection du travail et, le 16 octobre 2017, le conseil des prud'hommes. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit donc être écarté.

S'agissant de la légalité de la décision du 15 mai 2018 prononçant le licenciement de M. D... :

8. Pour prononcer le licenciement de M. D... " pour faute grave ", la présidente de l'ASA du Cap-Martin a estimé que celui-ci avait commis des faits d'insubordination en s'absentant à plusieurs reprises de son poste de travail sans en demander l'autorisation à sa hiérarchie. Elle a également déploré que l'intéressé refusait d'appliquer les consignes et avait commis plusieurs négligences fautives dans l'exercice de ses fonctions à l'origine de nombreux dysfonctionnements dans l'organisation générale du domaine. Elle a ainsi relevé que M. D... ne rendait pas compte à sa hiérarchie des incidents constatés sur le domaine, des interventions nécessaires, des décisions prises pour y remédier et de la clôture de ces incidents, n'exécutait pas la totalité des missions qui lui sont confiées justifiant pourtant son statut de cadre et avait commis des erreurs engendrant des incidences négatives sur le budget de l'ASA. Le licenciement du requérant a également été prononcé au motif qu'il se serait rendu coupable d'acte de recel de documents en possession de la présidente de l'ASA à son domicile privé. Enfin, le licenciement contesté repose sur un motif non disciplinaire tiré de la suppression du poste occupé par le requérant en raison de la réorganisation du service nécessitée par le besoin de renforcer la sécurité du domaine.

9. Le dernier de ces motifs, qui était lié à une réorganisation des services et non à un comportement fautif de M. D..., n'est pas au nombre de ceux qui pouvaient fonder une sanction disciplinaire et il est, par suite, illégal.

10. En revanche, malgré la sanction disciplinaire de l'avertissement qui lui a été infligée le 16 février 2018, M. D... s'est de nouveau absenté durant 45 minutes sans justification le 2 mars 2018. Dans un mail du 5 mars 2018, il a indiqué à une propriétaire du Domaine que la persistance d'un problème d'électricité s'expliquait par le fait que " le directeur ne veut plus payer l'électricien ", ce qui s'ajoute à des mails que M. D... a adressés en mettant la présidente de l'ASA en copie cachée, entretenant ainsi un climat de défiance à l'égard de son supérieur hiérarchique. L'ASA reproche également sans être utilement contestée d'avoir sans cesse à demander à M. D... de fournir des comptes-rendus d'activité ou encore d'avoir procédé à un relevé partiel des compteurs électriques, entraînant un surcoût à payer par la copropriété. M. D... s'est également abstenu de fournir des explications sur un ticket de carte bleue de 100 euros d'essence alors que son véhicule ne peut contenir une quantité correspondante de carburant. Enfin, il est reproché à M. D... d'avoir produit, par l'intermédiaire de son conseil, des documents dont seule la présidente de l'ASA avait été destinataire et qui étaient consignés dans le bureau du domicile privé de cette dernière. Si l'intéressé conteste la matérialité de ces faits et soutient qu'il avait eu accès à ces documents qui lui auraient été remis en vue de leur reprographie et de leur archivage, il ne verse toutefois aux débats aucun élément de nature à établir ses allégations alors au demeurant qu'il vit, avec son épouse, au domicile de la présidente de l'ASA et que s'il a indiqué aux services de police avoir reçu ces documents par mail du 3 février 2017 alors pourtant que la présidente n'en a été destinataire que le 28 mars 2017. Dans ces conditions, M. D... ne contredit pas utilement la matérialité des faits qui lui sont reprochés par l'ASA.

11. Ces manquements sont suffisamment nombreux et répétés pour justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. Eu égard à leur gravité et aux responsabilités de l'agent, la sanction du licenciement qui a été prononcée à son égard ne présente pas un caractère disproportionné.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées par M. D... :

S'agissant des conclusions indemnitaires dirigées contre M. C... :

12. L'article 32 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles prévoit que : " Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal. ".

13. La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nice tendait, entre autres, à la condamnation indemnitaire de M. C..., directeur de l'ASA des copropriétaires du Cap-Martin. Il doit être regardé comme recherchant ainsi la responsabilité personnelle de cet agent public en raison d'actes détachables de ses fonctions. Il n'appartient cependant qu'aux juridictions judiciaires de connaître d'un litige dans lequel la victime d'un dommage recherche la responsabilité personnelle d'un agent public en raison de tels actes.

14. Toutefois, le conseil des prud'hommes de Nice, par un jugement du 14 février 2019 devenu définitif, a décliné la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire pour connaître du litige introduit par M. D... à l'encontre de M. C....

15. Dans ces conditions, il convient d'appliquer les dispositions de l'article 32 du décret du 27 février 2015 pour renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée, et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce dernier.

S'agissant des conclusions indemnitaires dirigées contre l'ASA des propriétaires du Cap- Martin :

) Quant à la recevabilité de ces conclusions :

16. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".

17. Il résulte de l'instruction que M. D... a saisi le conseil des prud'hommes de Nice afin d'obtenir réparation par l'ASA des propriétaires du Cap-Martin des préjudices liés d'une part à son licenciement et d'autre part au harcèlement moral dont il s'estime victime. L'assignation de cet établissement devant la juridiction judiciaire doit être regardée comme ayant fait naître une décision implicite de rejet susceptible de lier le contentieux devant le juge administratif. Ainsi et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les conclusions indemnitaires de M. D... dirigées contre l'ASA des copropriétaires du Cap-Martin sont recevables.

) Quant à la réparation des préjudices liés à l'avertissement et au licenciement prononcés à l'encontre de M. D... :

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 11 que l'avertissement et le licenciement dont M. D... a été l'objet ne présentent pas un caractère illégal. Par suite, et en l'absence de faute commise par l'ASA sur ces points, M. D... n'est pas fondé à obtenir réparation des préjudices qu'il estime liés à ces décisions.

) Quant à la réparation des préjudices liés au harcèlement moral dont s'estime victime M. D... :

19. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

20. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

21. En l'espèce, M. D... se plaint de la répétition de reproches et de dénigrements dont il a été l'objet de la part du directeur de l'ASA et de la défiance quotidienne dont celui-ci a fait montre à son égard. Il verse notamment au débat le courrier en date du 25 septembre 2017 qu'il a adressé à l'inspection du travail et dans lequel il relatait les propos du directeur selon lesquels " c'est toi le problème ici, je vais te licencier et je ne vais pas te louper ", le menaçant de licenciement en tenant les propos suivants : " je n'ai pas un emploi à perdre, moi ", ainsi que d'autres expressions excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique en ce qu'elles sont soit dénigrantes soit intimidantes : " tu ne me court-circuites pas ", " tu te caches derrière des écrits ". Le requérant verse également des échanges de mails dans lesquels le directeur, usant de formules martiales, indique à M. D... : " je crois que tu ne comprends pas les questions que je te pose ". Il justifie également que l'inspecteur du travail a tenu une réunion de médiation le 2 février 2018 en présence du directeur de l'ASA puis a adressé à cet établissement un courrier en date du 16 mars 2018 dans lequel celui-ci s'étonne de ce que M. D... lui indique que les agissements reprochés persistaient. De tels faits sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement.

22. L'ASA fait valoir que les relations de travail entretenues avec M. D... étaient difficiles en raison des insuffisances et insubordinations de celui-ci.

23. Compte tenu de ce qui a été dit plus avant, les manquements de M. D... à ses obligations contractuelles sont établis. Toutefois, cette circonstance n'autorisait pas son employeur à user de manière répétée de formules dégradantes et à entretenir un climat de travail délétère, ainsi que le lui avait d'ailleurs indiqué à deux reprises l'inspecteur du travail. L'ASA ne démontre ainsi pas que les agissements en cause auraient été justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. D'où il suit que de tels agissements sont constitutifs d'un harcèlement moral et ouvrent droit à réparation à M. D.... Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. D..., eu égard à sa durée et à sa nature, à la somme de 3 000 euros.

24. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. D... est uniquement fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions indemnitaires à l'encontre de l'ASA des propriétaires du Cap-Martin et qu'il y a lieu de condamner cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros, et d'autre part, qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur les conclusions de M. D... tendant à la condamnation indemnitaire de M. B... C... jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur celles-ci.

Sur les frais liés au litige :

25. En l'absence de dépens en première instance et en appel, les conclusions présentées par M. D... ainsi que par l'ASA des propriétaires du Cap-Martin et M. C... tendant au paiement de dépens doivent être rejetées.

26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de réserver jusqu'en fin d'instance les conclusions des parties présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les conclusions de M. D... dirigées contre le jugement n° 2000757, 2000967 du 16 mai 2023 rendu par le tribunal administratif de Nice sont, en tant qu'elles contestent le rejet par ce jugement de ses conclusions à fin d'annulation de l'avertissement du 16 février 2018 et de son licenciement du 18 mai 2018, rejetées.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de M. D... tendant à la condamnation indemnitaire de M. B... C... jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur celles-ci.

Article 3 : Le jugement n° 2000757, 2000967 du 16 mai 2023 rendu par le tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires dirigées par M. D... contre l'association syndicale autorisée des propriétaires du Cap-Martin.

Article 4 : L'association syndicale autorisée des copropriétaires du Cap-Martin est condamnée à payer à M. D... la somme de 3 000 euros.

Article 5 : Les frais liés au litige sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à l'association syndicale autorisée des propriétaires du Cap-Martin et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 28 avril 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Rigaud, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2025.

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N° 23MA01726

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01726
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : D'ANTIN BROSSOLLET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-16;23ma01726 ?
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