Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de désigner un expert en vue de déterminer l'origine des désordres constatés dans l'arrière pièce du local commercial dont il est propriétaire à Manosque, et de condamner la commune de Manosque et la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération à réparer les conséquences dommageables de cet état de fait, après expertise, par l'allocation d'une somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices, et par la réalisation de travaux destinés à y remédier.
Par un jugement n° 2107275 du 16 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Bérenger, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2107275 du 16 avril 2024 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision du 28 juin 2021 de la commune de Manosque ainsi que la décision implicite de la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération portant rejet de ses demandes indemnitaires ;
3°) à titre principal, de désigner avant-dire droit un expert en vue notamment de constater les désordres, déterminer l'origine et les causes des fuites affectant son local, et de préciser la nature et la date d'implantation des canalisations traversant la voute historique, les travaux à réaliser et tous éléments sur l'imputabilité des dommages et sur les préjudices subis ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Manosque et la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis, et de leur enjoindre de procéder aux travaux nécessaires afin de faire cesser les dommages et les troubles subis dans la jouissance de son bien ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Manosque et de la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa propriété subit des infiltrations dues à des défaillances du réseau d'assainissement situé dans la rue de l'Île passant au-dessus de son local ;
- de plus, le local est traversé par deux canalisations en PVC, dont l'une s'affaisse et menace de s'effondrer, qui dépendent du réseau public d'eaux usées de la commune de Manosque ; les désordres constatés par huissier proviennent au moins en partie de la défaillance du réseau d'assainissement collectif, dans la mesure où de l'eau souillée apparait dans le local ;
- dès lors qu'il subit indéniablement un dommage de travaux publics, il est fondé à demander, d'une part, que soit retenue la responsabilité de la commune de Manosque et de la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération, et d'autre part, que soit ordonnée une expertise pour déterminer précisément l'origine, les causes et les imputabilités des infiltrations, et évaluer ses préjudices ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, il apporte suffisamment d'éléments pour combattre la présomption de propriété résultant de l'article 552 du code civil ;
- les préjudices en lien avec les dommages imputables à l'administration pourront être constatés et précisément chiffrés dans le cadre d'une expertise avant dire droit ; à défaut, les préjudices subis pourront être réparés en lui allouant la somme de 50 000 euros ;
- la commune et la communauté d'agglomération refusant de prendre les mesures appropriées, il plaira à la Cour d'ordonner une expertise pour déterminer les mesures les plus appropriées pour mettre fin aux dommages qui persistent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2024, la commune de Manosque, représentée par Me Grimaldi, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors que le requérant ne justifie d'aucun intérêt à agir ; en effet, la cave à l'intérieur de laquelle des désordres seraient survenus constitue une dépendance du domaine public routier et qu'il n'en est pas le propriétaire ;
- à titre subsidiaire, elle sera mise hors de cause dès lors qu'au même titre que l'eau potable et les eaux pluviales, la gestion des eaux usées fait désormais partie des compétences obligatoires transférées aux communautés d'agglomération ; par conséquent, la demande d'expertise sollicitée par M. A... est dépourvue de toute utilité en tant qu'elle met en cause la commune ;
- à titre infiniment subsidiaire, le requérant fait l'économie de toute démonstration de l'origine et de la réalité des préjudices subis, lesquels doivent, pour la responsabilité sans faute, être anormaux et spéciaux, et du lien de causalité entre l'ouvrage public ou les travaux publics en cause et les préjudices allégués ;
- la somme de 50 000 euros réclamée par le requérant n'est justifiée par aucun élément ;
- la demande d'injonction ne pourra qu'être rejetée dès lors qu'elle ne peut intervenir sur le réseau d'eaux usées dans la mesure où elle ne dispose plus d'aucune compétence en la matière.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2025, la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération, représentée par Me Phelip, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la société SAUR à la garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre, et à ce que soit mis à la charge du requérant le versement de la somme de
2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- en l'absence de demande d'annulation d'une décision de refus de faire des travaux, les conclusions aux fins d'injonction de M. A... sont irrecevables ;
- le contentieux n'est pas lié à son encontre, seule une demande préalable ayant été adressée à la commune ; cette demande ne comportait aucune demande de réalisation de travaux ;
- l'appelant ne démontre pas être propriétaire de l'extension du rez-de-chaussée sous la voie publique ;
- il n'établit pas l'existence d'un lien de causalité direct et certain, ni ne justifie de la nature et de l'origine des désordres qu'il allègue ;
- la somme de 50 000 euros n'est en rien justifiée ;
- la persistance du dommage n'est pas établie ;
- à supposer que la Cour prononce une quelconque condamnation à son encontre, la société SAUR devrait être condamnée, en application du contrat de délégation, à la garantir des sommes mises à sa charge.
Par un mémoire, enregistré le 23 janvier 2025, la société SAUR, représentée par
Me de Angelis, conclut au rejet de la requête, au rejet des conclusions d'appel en garantie de la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération, et à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération ou de tout succombant le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors que le requérant ne justifie d'aucun intérêt à agir, et qu'il n'a formé aucune demande indemnitaire chiffrée aux termes de sa requête initiale ;
- partant, l'appel en cause dont elle a fait l'objet sera jugé sans objet ;
- les demandes de l'appelant ne sont pas fondées dès lors qu'il manque radicalement à rapporter la preuve de la date à laquelle la cave implantée sous le domaine public routier aurait été créée, et qu'il ne justifie pas plus de la cause des désordres allégués.
Un courrier du 9 janvier 2025 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article
R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 27 février 2025, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Berenger, représentant M. A...,
- les observations de Me Bouakfa, substituant Me Grimaldi, représentant la commune de Manosque,
- et les observations Me Gerard, substituant Me de Angelis, représentant la SAS Saur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a acquis, par acte notarié du 28 mai 2019, un bien immobilier, sur le territoire de la commune de Manosque, constitué d'une " maison à usage d'habitation et de commerce " sur une parcelle cadastrée section BP n° 23, qui constitue une tour placée sur le tracé de l'ancienne fortification de la ville. Cet immeuble est composé au rez-de-chaussée d'un local commercial accessible par le n° 22 de la rue Elemir Bourges et d'une maison d'habitation en " R+2 " accessible par le n° 30 de la rue de l'Île, à l'arrière du bâtiment. Ayant constaté des infiltrations et fuites d'eau dans la pièce voûtée aveugle du rez-de-chaussée de cet immeuble, qu'il impute à la présence de deux canalisations d'eaux usées traversant cet espace et à des fuites d'eau pluviales provenant de la rue de l'Île qui la surplombe. M. A... a saisi le maire de la commune de Manosque et le président de la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération de demandes tendant à la réparation des préjudices résultant de ces infiltrations et fuites d'eau.
Ses demandes ayant été rejetées, il a saisi le tribunal administratif de Marseille lequel, par un jugement du 16 avril 2024 dont il relève appel dans la présente instance, a rejeté ses demandes tendant à titre principal à la désignation d'un expert ou, à titre subsidiaire, à la condamnation de la commune de Manosque et de la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices, et à ce qu'il leur soit enjoint de procéder aux travaux nécessaires afin de faire cesser les dommages.
2. Il résulte de l'instruction, notamment tant des affirmations de M. A... dans son courrier adressé à la commune de Manosque le 5 juin 2021 que du procès-verbal de constat d'huissier dressé à son initiative le 19 juillet 2023, que les infiltrations et fuites d'eau qu'il a constatées sont survenues dans une pièce voutée, en partie arrière du local commercial, située sous la rue de l'Île selon les affirmations dépourvue de toute ambiguïté de l'huissier. Si, pour justifier de sa qualité de propriétaire de cette pièce, M. A... produit l'acte notarié du 28 mai 2019 par lequel il a fait l'acquisition du bien immobilier situé sur la parcelle cadastrée section BP n° 23, ce document, qui se borne à faire état d'une maison à usage d'habitation et de commerce, ne saurait suffire, en l'absence de tout autre élément descriptif, à établir qu'il comportait l'extension située sous la rue de l'Île. Au demeurant, alors qu'il est constant que deux canalisations du réseau public d'assainissement traversent la pièce voutée, l'acte authentique précise que l'immeuble objet de la vente n'est grevé par aucune servitude. De plus, la pièce voutée n'est pas davantage mentionnée sur le titre du 20 juillet 1930 retranscrit à la conservation des hypothèques, produit en cause d'appel par la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération, qui porte sur l'immeuble dont il s'agit, sur la parcelle alors cadastrée section G n° 148, titre qui se borne à évoquer un bien " comprenant uniquement une maison ". M. A... n'apporte pas plus la preuve de ce qu'il détiendrait un titre de propriété sur le local situé sous la voie publique par la production d'une attestation de surface établie le 5 novembre 2020, au seul motif que son rédacteur conclut à l'existence d'une " surface utile brute ou commercialisable " de 39,31 m², dont 6,81 m² au titre d'une pièce voutée aveugle dite " voute historique ", proche de la surface de 46 m² mentionnée dans l'acte authentique du 28 mai 2019, dès lors que cette dernière valeur porte sur la seule surface cadastrale de la parcelle sur laquelle est édifié l'immeuble, sans aucune autre précision sur les surfaces du bâti lui-même. Pour le même motif, cette preuve n'est pas davantage apportée par l'extrait du cadastre napoléonien de 1824, ni par l'état de sections des propriétés non bâties et bâties. Dans ces conditions, M. A..., qui n'établit pas être propriétaire de l'élément de la construction dans lequel des désordres seraient survenus à raison, selon ses affirmations, d'infiltrations et fuites d'eau résultant tant de la présence de deux canalisations défectueuses d'évacuation des eaux usées, que de fuites provenant de la rue de l'Île qui la surplombe, ne justifie d'aucun intérêt à agir dans le cadre d'une action tendant à la réparation de dommages ayant affecté le local dont il s'agit. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense, tirée du défaut d'intérêt à agir, doit être accueillie.
3. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit une expertise, ses demandes d'annulation, d'indemnisation et d'injonction de faire réaliser des travaux doivent être rejetées.
Sur les conclusions d'appel en garantie de la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération :
4. Le présent arrêt ne prononçant aucune condamnation à l'encontre de la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération, les conclusions d'appel en garantie formées par celle-ci à l'encontre de la société SAUR sont sans objet.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du requérant tendant à leur application et dirigées contre la commune de Manosque et la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération, qui ne sont pas les parties perdantes. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération, la commune de Manosque et la société SAUR présentent au titre des frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Manosque, à la communauté d'agglomération Durance Luberon Verdon agglomération et à la société SAUR.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, où siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président de la Cour,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 13 mai 2025.
N° 24MA01492 2