Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune du Cannet a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2020 du ministre de l'économie, des finances et de la relance, du ministre de l'intérieur et du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, en tant qu'il a refusé de reconnaître l'état de catastrophe naturelle pour son territoire au titre de mouvements de terrains pour la période du 22 au 24 novembre 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2102549 du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mai et 4 décembre 2024, la commune du Cannet, représentée par Me Lacroix, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2102549 du 11 avril 2024 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté conjoint du 14 septembre 2020 du ministre de l'intérieur, du ministre de l'économie et des finances, et du ministre délégué auprès du ministre de de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, en tant qu'il a refusé de reconnaitre l'état de catastrophe naturelle sur le territoire de la commune du Cannet pour les mouvements de terrains du 22 au 24 novembre 2019, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux du 14 janvier 2021 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, aux ministres de prendre un nouvel arrêté reconnaissant l'état de catastrophe naturelle pour les mouvements de terrains qui ont eu lieu du 22 au
24 novembre 2019, dans un délai de 10 jours à compter de la notification de l'arrêt à venir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de se prononcer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur l'inscription de la commune du Cannet sur la liste des communes déclarées en état de catastrophe naturelle pour les mouvements de terrains qui ont eu lieu du 22 au 24 novembre 2019, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ni la commission, ni les ministres auteurs de l'arrêté attaqué n'ont pu procéder à un examen particulier de sa situation ; aucun élément n'a été produit en défense, dans le cadre de la procédure de première instance, permettant de démontrer l'existence des travaux préparatoires à la commission interministérielle, auxquels a fait référence le tribunal pour écarter ce moyen ;
- elle n'a pas été mise à même de connaître la méthode suivie pour écarter la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle " mouvements de terrains du 22 novembre 2019 au 24 novembre 2019 " ; la décision attaquée est fondée sur un critère quantitatif supplémentaire qui n'est prévu par aucun texte ;
- les mouvements de terrains du 22 au 24 novembre 2019 présentent une intensité anormale ; c'est à tort que l'administration et le tribunal administratif de Nice ont retenu des désordres d'origine anthropique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2024, le ministre de l'intérieur, représenté par Me Fergon, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué, et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune requérante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la commune du Cannet ne sont pas fondés.
Un courrier du 18 novembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article
R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 8 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des assurances ;
- la circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Plenet, substituant Me Lacroix, représentant la commune du Cannet.
Considérant ce qui suit :
1. La commune du Cannet a présenté une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour un phénomène de mouvement de terrains (hors sécheresse géotechnique) ayant donné lieu à des dégâts survenus au cours de la période allant du 22 au
24 novembre 2019. Par un arrêté du 14 septembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, le ministre de l'intérieur et le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, n'ont pas reconnu l'état de catastrophe naturelle au bénéfice de la commune du Cannet au titre de mouvements de terrains pour la période du 22 au 24 novembre 2019. Par un jugement du 11 avril 2024, dont la commune du Cannet relève appel dans la présente instance, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté, en tant qu'il a rejeté sa demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, et de la décision implicite par laquelle son recours gracieux a été rejeté.
Sur la légalité des décisions attaquées :
2. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances, dans sa version applicable au litige : " Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. (...) ".
3. En premier lieu, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que la légalité de l'arrêté par lequel les ministres compétents se prononcent sur une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en application de l'article L. 125-1 du code des assurances soit subordonnée à la communication aux communes concernées d'une fiche explicative décrivant la méthodologie qui a été suivie pour instruire leur demande. A supposer que l'appelante ait entendu soulever le moyen tiré du défaut de motivation, les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances, qui exigent que la décision des ministres soit, postérieurement à la publication de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, notifiée par le représentant de l'État dans le département à chaque commune concernée et que cette notification soit assortie d'une motivation, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de cet arrêté. En tout état de cause, il ressort de la lettre du 10 novembre 2020 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a notifié à la commune du Cannet l'arrêté du 14 septembre 2020, que les motifs de la décision attaquée sont clairement exposés, lui permettant ainsi d'en contester utilement le bien-fondé.
4. En deuxième lieu, l'arrêté en litige a été pris après avis rendu par la commission interministérielle instituée par la circulaire du 27 mars 1984 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, qui précise les conditions d'examen des demandes de reconnaissance d'une catastrophe naturelle, au terme de la séance qui s'est tenue le 8 septembre 2020. Il ressort des pièces du dossier que tant les membres de cette instance que les ministres décisionnaires ont disposé des données fournies par Météo France ainsi que d'un rapport du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), qu'ils ont pu comparer aux critères servant à apprécier l'état de catastrophe naturelle. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier ni n'est établi qu'en ce qui concerne la commune du Cannet, ces éléments auraient été insuffisamment précis, ou encore que d'autres éléments plus pertinents auraient dû être pris en compte pour apprécier sa situation au regard de l'évènement survenu pendant la période du 22 au 24 novembre 2019. Ce faisant, eu égard au travail préparatoire effectué antérieurement à la réunion du 8 septembre 2020, la circonstance que la commission ait examiné au cours de cette séance la situation d'un grand nombre de communes n'est pas, à elle seule, de nature à établir que cette commission et les ministres compétents ne se seraient pas prononcés sur la situation particulière de la commune du Cannet. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
5. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances que le législateur a entendu confier aux ministres concernés la compétence pour se prononcer sur les demandes des communes tendant à la reconnaissance, sur leur territoire, de l'état de catastrophe naturelle. Il leur appartient, à cet effet, d'apprécier l'intensité et l'anormalité des agents naturels en cause sur le territoire des communes concernées. Ils peuvent légalement, même en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires le prévoyant, s'entourer, avant de prendre les décisions relevant de leurs attributions, des avis qu'ils estiment utiles de recueillir et s'appuyer sur des méthodologies et paramètres scientifiques, sous réserve que ceux-ci apparaissent appropriés, en l'état des connaissances, pour caractériser l'intensité des phénomènes en cause et leur localisation, qu'ils ne constituent pas une condition nouvelle à laquelle la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle serait subordonnée ni ne dispensent les ministres d'un examen particulier des circonstances propres à chaque commune. Il incombe, enfin, aux ministres concernés de tenir compte de l'ensemble des éléments d'information ou d'analyse dont ils disposent, le cas échéant à l'initiative des communes concernées.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle de la commune du Cannet au titre d'un phénomène de mouvement de terrains (hors sécheresse géotechnique) ayant donné lieu à des dégâts survenus au cours de la période allant du 22 au 24 novembre 2019, les ministres compétents, qui ne se sont pas bornés à relever l'existence de désordres d'origine anthropique, ont estimé, sur la base d'un rapport météorologique établi par Météo France ainsi que d'un rapport géotechnique établi par le CEREMA, que le phénomène en cause ne présentait pas une intensité anormale, laquelle, s'agissant d'un mouvement de terrain, est avérée lorsque l'origine de son déclenchement est naturelle et que l'évènement est inhabituel ou d'intensité supérieure aux évènements connus, ou est soudain, dynamique et sans préavis, ou encore lorsqu'il résulte d'une accélération d'un mouvement progressif. Si l'administration considère également, ainsi que cela ressort du courrier adressé le 10 novembre 2020 par le préfet des Alpes-Maritimes au maire de la commune du Cannet, que dans tous les cas, les masses mises en mouvement doivent être considérables, un tel critère, qui permet de caractériser l'intensité du phénomène en cause, ne saurait être regardé comme constituant une condition nouvelle à laquelle la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle serait subordonnée.
7. D'autre part, l'état de catastrophe naturelle n'est constaté par arrêté interministériel que dans le cas où les dommages qui résultent de cette catastrophe ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale de l'agent naturel en cause. Il ressort des pièces du dossier que, lors des épisodes pluvieux survenus entre le 22 et le 24 novembre 2019, qui sont au demeurant décrits avec suffisamment de précision par le rapport de Météo France, lequel précise par ailleurs le taux d'humidité des sols au cours de cette même période, des murs se sont effondrés sur trois sites distincts, dont l'un, le site n° 2, avait déjà subi en 2015 des mouvements de terrains au titre desquels la commune avait été placée en état de catastrophe naturelle. Toutefois, selon le rapport géotechnique du CEREMA, ces sinistres ne résultent pas de mouvements de terrains en ce qui concerne les sites n° 1 et n° 3 dès lors qu'ils ne présentent pas une propagation atypique et qu'il existe des facteurs de prédisposition résultant des dimensionnements insuffisants des murs et de l'absence de drainage de ces ouvrages. S'il est certes exact, s'agissant du site n° 2, que le CEREMA, sans exclure une problématique liée à la construction elle-même, a évoqué un contexte de déstabilisation plus importante des sols due soit à un glissement superficiel, soit à une problématique de retrait gonflement des argiles, nécessitant des investigations complémentaires, et que la commune produit un rapport d'expertise du 20 novembre 2024 aux termes duquel le site se caractérise par un glissement peut-être encore en activité, à la cinématique lente, pour lequel il ne peut être exclu une réactivation lors d'un évènement pluvieux important, la pluie étant le facteur principal de l'instabilité des sols et ouvrages, il ne ressort pour autant pas de ce rapport, ni de l'expertise du CEREMA et pas davantage des autres pièces du dossier, que le site n° 2 aurait fait l'objet, entre le 22 et le 24 novembre 2019, d'un mouvement de terrain ayant atteint un caractère d'intensité anormale justifiant la constatation de l'état de catastrophe naturelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Cannet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2020 du ministre de l'économie, des finances et de la relance, du ministre de l'intérieur et du ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en tant qu'il a refusé de reconnaître l'état de catastrophe naturelle pour son territoire au titre de mouvements de terrains pour la période du 22 au 24 novembre 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune du Cannet sur ce fondement. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune du Cannet une somme de 2 000 euros à verser à l'Etat sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune du Cannet est rejetée.
Article 2 : La commune du Cannet versera la somme de 2 000 euros à l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Cannet, au ministre de l'intérieur, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre chargée des comptes publics.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, où siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président de la Cour,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 13 mai 2025.
N° 24MA01326 2