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09/05/2025 | FRANCE | N°24MA01763

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 09 mai 2025, 24MA01763


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête enregistrée sous le n° 2302654, Mme B... C... épouse A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a implicitement rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour et d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement.



Par une requête

enregistrée sous le n° 2400784, Mme B... C... épouse A... D... a demandé au tribunal administratif de N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2302654, Mme B... C... épouse A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a implicitement rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour et d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement.

Par une requête enregistrée sous le n° 2400784, Mme B... C... épouse A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination et d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ou, à titre subsidiaire, de réexaminer son droit au séjour et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de 8 jours.

Par un jugement n° 2302654, 2400784, du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 21 juillet 2024, Mme A... D..., représentée par Me Hmad, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 6 juin 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 janvier 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de 8 jours, et subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'erreurs de faits dès lors qu'il mentionne que son époux et sa fille, née le 15 décembre 2005, sont en situation irrégulière alors qu'ils sont respectivement titulaires d'une autorisation provisoire de séjour et d'un récépissé de demande de titre de séjour ;

- il est entaché d'un défaut d'examen attentif de sa situation ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation, notamment de la durée de sa présence sur le territoire, de son insertion socio-professionnelle et de ses liens en France.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- et les observations de Me Hmad pour Mme A... D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse A... D..., de nationalité tunisienne, née le 3 juillet 1977, est entrée en France en août 2016 sous couvert d'un visa de 90 jours à entrées multiples. Elle a présenté, le 13 mars 2023, auprès des services de la préfecture des Alpes-Maritimes, une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Une décision implicite de rejet est, dans un premier temps, née sur cette demande. Par un arrêté en date du 9 janvier 2024, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté expressément la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté les requêtes de Mme A... D... dirigées contre, d'une part, la décision implicite de rejet précitée, et d'autre part, l'arrêté du 9 janvier 2024. Mme A... D... doit, au regard des moyens de sa requête, être regardée comme demandant l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2024.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423- 21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412 1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des bulletins de salaires, des pièces médicales, des documents bancaires, des factures, des courriers et des récapitulatifs mensuels des salaires déclarés à l'Urssaf, que Mme A... D..., entrée en France pour la dernière fois le 4 août 2016, justifie d'une résidence habituelle sur le territoire. Par ailleurs, la requérante est mariée et mère de trois enfants, nés en 1997, 2003 et 2005, dont deux d'entre eux séjournent régulièrement sur le territoire français, y ont effectué leur scolarité et suivent un parcours universitaire. Enfin, l'intéressée justifie par les pièces qu'elle produit, à savoir des récapitulatifs annuels et mensuels des salaires déclarés à l'Urssaf, des bulletins de salaire, des contrats de travail et des avis d'imposition, d'une insertion professionnelle notable sur le territoire depuis l'année 2018. Dès lors, Mme A... D..., qui dispose de liens suffisamment intenses, anciens et stables en France, est fondée à soutenir qu'en prenant l'arrêté contesté, le préfet des Alpes-Maritimes a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2024. Elle est, dès lors, fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation de ce jugement ainsi que celle de la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 9 janvier 2024.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu du motif d'annulation retenu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à cette délivrance dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de remettre à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... D... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2302654, 2400784 du 6 juin 2024 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il rejette les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 janvier 2024.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 janvier 2024 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme A... D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... D..., la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- M. Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2025.

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N° 24MA01763

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01763
Date de la décision : 09/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : HMAD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-09;24ma01763 ?
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