Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mai 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2404964 du 30 septembre 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Tapiero, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 septembre 2024 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ensemble l'arrêté du 2 mai 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'ordonner la suspension des effets de l'arrêté du 2 mai 2024 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du 2 mai 2024 est entaché d'incompétence ;
- la décision implicite de rejet de sa demande est illégale du fait de son absence de motivation, dès lors qu'il n'a pas été répondu à son recours gracieux ; l'arrêté du 2 mai 2024 est insuffisamment motivé en fait ; sa motivation est entachée d'erreurs ou de contradictions, notamment sur sa durée de présence en France, sur son insertion professionnelle et sur sa vie affective ;
- la décision portant refus de droit au séjour a été prise en méconnaissance de son droit au respect de sa vie privée et familiale ; elle est illégale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ainsi qu'au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait également les stipulations des articles 7 et 7 bis de l'accord franco-algérien et les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte-tenu de son activité professionnelle ;
- son admission exceptionnelle au séjour était également justifiée en application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation ;
- le patrimoine des sociétés dont il est le gérant et l'associé a été détourné ; il doit pouvoir être entendu dans le cadre des procédures pénales en cours ; l'obligation de quitter le territoire et l'interdiction de retour l'empêchent de préserver ses intérêts et portent atteinte à son droit de propriété, en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les mêmes décisions méconnaissent les stipulations de l'article 6 de ladite convention et les objectifs issus de l'article 8 de la directive (UE) n° 2016/343 dès lors qu'elles l'empêchent d'assurer sa défense dans le cadre de la mise en examen dont il fait l'objet et de respecter son contrôle judiciaire.
La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive (UE) n° 2016/343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les observations de Me Torkman, substituant Me Tapiero, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né en 1977, relève appel du jugement du 30 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2024 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.
2. A titre liminaire, si des rejets implicites sont nés du silence gardé par le préfet des Bouches-du-Rhône d'une part sur la demande de titre de séjour présentée par M. A... le 30 juin 2023, et d'autre part sur le recours gracieux formé contre ce rejet implicite le 20 novembre 2023, l'arrêté du 2 mai 2024 s'y est substitué. Dès lors, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, la demande de M. A... doit être regardée comme dirigée contre ce seul arrêté.
3. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 de leur décision.
4. En deuxième lieu, la circonstance que la décision initiale de rejet de la demande de titre de séjour, implicite, n'a pas été motivée, malgré le recours gracieux formé à son encontre, est inopérante sur la légalité de l'arrêté en litige qui s'y est substitué. Il ressort par ailleurs de cet arrêté qu'après le rappel des textes applicables, la situation de M. A... y est examinée au regard de la durée de son séjour en France et des conditions de celui-ci, notamment quant à la vie socio-professionnelle et personnelle et familiale de l'intéressé. Le préfet y indique sans contradiction et sans erreur, d'une part, que M. A... ne justifie pas de sa dernière entrée en France en février 2022 en relevant que le tampon d'entrée sur le territoire le plus récent qui figure sur son passeport date du 28 février 2020, d'autre part que malgré les mandats de gestion de société qu'il exerce, il ne fournit que des avis de non-imposition et ne justifie d'aucune insertion socio-professionnelle significative. Il relève également, entre autres, que M. A... est marié en Algérie et père de deux enfants dont un mineur avant de conclure notamment qu'il n'y a pas lieu de faire usage de son pouvoir de régularisation. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé, quand bien même le concubinage dont se prévaut l'intéressé n'est pas évoqué.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Un ressortissant algérien ne saurait dès lors utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il lui appartient, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle et professionnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. Si M. A... soutient résider en France depuis le 1er février 2019, en concubinage depuis le mois d'avril 2022 avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence et mère de trois enfants, cette situation demeure récente à la date de la décision attaquée, alors qu'il est marié dans son pays d'origine, et père de deux enfants dont l'un mineur. Il est par ailleurs mis en examen en raison de faits de blanchiment d'argent en bande organisée et en lien avec le trafic de stupéfiants et a été placé, après une période de détention provisoire, sous contrôle judiciaire. S'il est impliqué dans la gestion de plusieurs sociétés, exploitant des hôtels et une boulangerie, ainsi que dans une société civile de gestion immobilière, ces établissements commerciaux ont dû être fermés durant sa détention avant qu'un conflit ne l'oppose à son associé, rendant difficile toute poursuite d'exploitation. M. A... ne justifie pas tirer de quelconques revenus de ces activités. Dans ces circonstances, en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour l'admettre exceptionnellement au séjour, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus au point 6, la décision portant refus de droit au séjour ne porte pas atteinte au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Elle ne méconnait ni les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En cinquième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des articles 7 et 7 bis de l'accord franco-algérien par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille aux points 8 et 9 du jugement attaqué.
10. En sixième lieu, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions des articles L. 421-5 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables à sa situation, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus au point 5 s'agissant de l'article L. 435-1 du même code.
11. En septième lieu, M. A... qui pourra être représenté par un avocat dans le cadre des procédures judiciaires qu'il a engagées à l'encontre de son associé, ne saurait soutenir que les décisions qui, respectivement l'oblige à quitter le territoire et lui interdise le retour durant deux ans, portent à cet égard atteinte à son droit au respect de ses biens tel que garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En huitième lieu, si M. A... fait, ainsi qu'il a été dit, lui-même l'objet de poursuites pénales et d'une mesure de contrôle judiciaire ordonnée par la vice-présidente chargée de l'instruction près le tribunal judiciaire de Marseille, lui imposant, en particulier, de ne pas sortir des limites du territoire de la France métropolitaine, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet des Bouches-du-Rhône prenne à son encontre des mesures d'éloignement du territoire et d'interdiction de retour, l'exécution de ces mesures étant alors subordonnée à la levée, par le juge judiciaire, de l'interdiction de sortie du territoire français dont il fait l'objet. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme comme, en tout état de cause, des dispositions de la directive du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales, doivent par suite être écartés.
13. En neuvième et dernier lieu, il résulte de l'ensemble de ce qui a été exposé que les décisions contestées ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation de M. A....
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 2 mai 2024 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et de suspension. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel présentées par M. A..., en ce comprises les conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et de suspension et celles présentées au titre des frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.
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N° 24MA02675
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