Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 2 avril 2024 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français durant une période de 5 ans, et d'enjoindre à cette même autorité de procéder au réexamen de sa situation à compter de la notification du jugement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de supprimer le signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2401261 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 2 avril 2024, enjoint au préfet du Var de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, de supprimer le signalement de M. B... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2024, le préfet du Var demande à la cour d'annuler le jugement du 11 juillet 2024 du tribunal administratif de Toulon.
Il soutient que sa requête est recevable et que c'est à tort que le tribunal a estimé que son arrêté du 2 avril 2024 portait une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée au regard de la menace pour l'ordre et la sécurité publics que celui-ci représente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Bochnakian, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet du Var ne sont pas fondés et que la décision lui ayant interdit de retourner sur le territoire français durant une période de 5 ans ne comporte aucune mention quant à sa durée de présence en France.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- et les observations de Me Bochnakian, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 19 octobre 1980, a bénéficié de deux cartes de résident valables dix ans, dont la dernière a expiré le 18 mars 2017 et dont il n'a pas demandé le renouvellement. Le 23 décembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " qui lui a été refusée par un arrêté du préfet du Var du 27 juin 2023. Sur le fondement de cette décision de refus, ce même préfet lui a, par un arrêté du 2 avril 2024, fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans. Par un jugement du 11 juillet 2024 dont le préfet du Var relève appel, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté préfectoral du 2 avril 2024.
Sur l'appel du préfet du Var :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Si M. B... n'a aucune attache familiale avec le pays dont il possède la nationalité et s'il est constant qu'il est venu en France seulement âgé de quelques mois et y réside depuis 1980 et que sa famille composée de son père, titulaire d'une carte de résident, et de sa mère et de cinq frères et sœurs, tous de nationalité française, vit sur le territoire national, il n'a toutefois pas d'enfant tandis que sa prétendue vie commune avec une ressortissante française n'est pas établie dès lors que les pièces fournies sont uniquement soit à son nom soit au nom de cette personne. En outre, il s'est rendu coupable d'infractions graves et répétées, s'agissant notamment de vols aggravés et de trafic de stupéfiants, ayant conduit à sa condamnation à des peines d'emprisonnement d'une durée totale de douze ans et neuf mois. Compte tenu de ces éléments et eu égard aux effets d'une mesure portant obligation de quitter le territoire français, l'arrêté du préfet du Var du 2 avril 2024 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.
5. Le préfet du Var est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 2 avril 2024 au motif que celui-ci portait au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance et en appel.
Sur les moyens présentés par M. B... :
7. En premier lieu, l'arrêté préfectoral contesté comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.
8. En deuxième lieu, il ne ressort certes pas des pièces du dossier que le préfet du Var ait informé M. B... de son intention de prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, il a, le 16 mai 2023, fait entendre M. B... par la commission départementale du titre de séjour en vue de son éventuelle expulsion. En outre, M. B... n'indique pas les arguments qu'il aurait pu faire valoir s'il avait été entendu préalablement à l'éduction de la mesure d'éloignement contestée. Dans ces conditions, il n'a pas été effectivement privé de son droit à être entendu et le moyen tiré de la violation de ce droit doit donc être écarté.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Var n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé.
10. En quatrième lieu, l'article L.4 du code de justice administrative dispose : " Sauf dispositions législatives spéciales, les requêtes n'ont pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par la juridiction. ". Il résulte de ces dispositions que le recours que M. B... expose avoir formé contre l'arrêté pris le 27 juin 2023 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour n'a pas d'effet suspensif. Par suite et ainsi que le prévoit l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 2, le préfet pouvait légalement se fonder sur la circonstance que M. B... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour pour l'obliger à quitter le territoire français.
11. En cinquième lieu et compte tenu de ce qui a été dit au point 4, c'est sans entacher d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet a obligé M. B... à quitter le territoire français.
12. En sixième lieu, pour contester la décision lui refusant un délai de départ volontaire, M. B... se borne à soutenir qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public alors que tel n'est pas le motif pour lequel le préfet du Var a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire.
13. Enfin, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...). ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). ". En l'espèce et contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. B..., le préfet a pris en considération l'ensemble des critères énumérés à l'article L. 612-10 précité. En outre, cette décision, eu égard à ce qui a été dit au point 4, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 2 avril 2024 et lui a enjoint, dans un délai de deux mois, de statuer à nouveau sur la situation de M. B....
Sur les frais liés à l'instance d'appel :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2401261 du 11 juillet 2024 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon et ses conclusions formées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2025 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2025.
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N° 24MA02113
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