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25/04/2025 | FRANCE | N°24MA01623

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 25 avril 2025, 24MA01623


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 21 juin 2022 par laquelle le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse l'a licenciée pour inaptitude physique, de condamner la collectivité de Corse à lui verser la somme de 41 705,60 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'erreur de calcul de son indemnité de licenciement et de mettre à la charge de la collectivité de Corse la

somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 21 juin 2022 par laquelle le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse l'a licenciée pour inaptitude physique, de condamner la collectivité de Corse à lui verser la somme de 41 705,60 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'erreur de calcul de son indemnité de licenciement et de mettre à la charge de la collectivité de Corse la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2201027 du 26 avril 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la requête de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2024, Mme B... A..., représentée par Me Paolini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler la décision en date du 21 juin 2022 par laquelle elle a été licenciée pour inaptitude physique ;

3°) de condamner la collectivité de Corse à lui verser la somme de 41 705, 60 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

4°) de mettre à la charge de la collectivité de Corse le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce qu'elle aurait dû être invitée à présenter une demande de reclassement et s'est contenté de se référer à un principe général du droit sans citer divers textes internationaux ;

- la commission consultative paritaire n'a pas été consultée ;

- l'obligation de reclassement a été méconnue ; il y a une contradiction entre les avis médicaux d'inaptitude et la fixation, par la caisse d'assurance maladie, d'une consolidation au 30 novembre 2021 ;

- elle doit bénéficier de la portabilité de son contrat antérieurement souscrit au sein du groupement d'intérêt public Académie de Corse, ce qui implique que sa durée d'ancienneté soit, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, fixée à 24 ans ;

- la collectivité de Corse doit également lui régler des jours qui étaient sur son compte épargne temps, des congés payés non pris et une période de deux mois de préavis.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2025, la collectivité de Corse, représentée par Me Muscatelli, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de Mme A... ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... sont irrecevables faute de demande indemnitaire préalable ;

- les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Dallot substituant Me Muscatelli pour la collectivité de Corse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée par le département de la Corse du Sud, par contrat à durée indéterminée, à compter du 1er septembre 2013 en qualité d'agent non titulaire de catégorie A. Par une décision en date du 21 juin 2022, le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse a licencié Mme A... pour inaptitude physique. Mme A... interjette appel du jugement du 26 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision ainsi que ses conclusions tendant à ce que la collectivité de Corse lui verse la somme de 41 705,60 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'erreur de calcul de son indemnité de licenciement en raison de l'absence de prise en compte, au titre de son ancienneté, des années exercées au sein du groupement d'intérêt public Académie de Corse.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif de Bastia, qui n'était pas tenu de citer l'article 22 de la déclaration universelle des droits de l'homme, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la charte sociale européenne, la déclaration de l'organisation internationale du travail, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale qui n'étaient, au demeurant, pas invoqués par Mme A... dans ses écritures de première instance, n'avait, dès lors qu'il avait estimé, au point 4 du jugement, que l'intéressée ne pouvait bénéficier d'un reclassement puisqu'elle était totalement et définitivement inapte à toutes fonctions, pas à répondre au moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas été invitée à présenter une demande de reclassement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation du licenciement :

3. Aux termes de l'article 39-5 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II.- Lorsque l'autorité territoriale envisage de licencier un agent pour l'un des motifs mentionnés au I du présent article, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 42. A l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire, prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge ".

4. Si Mme A... fait valoir, pour la première fois en appel, que la commission consultative paritaire n'a, préalablement au licenciement attaqué, pas été consultée, il ressort des pièces produites par la collectivité de Corse le 5 mars 2025 à la suite d'une mesure d'instruction adressée par la Cour, que celle-ci a été saisie et a émis un avis le 9 juin 2022. Par suite, le moyen précité manque en fait et doit être écarté.

5. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé, sans pouvoir imposer à celui-ci un reclassement. Ce principe est applicable aux agents contractuels de droit public. La mise en œuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis en date du 9 novembre 2021, le médecin du travail a estimé que Mme A... présentait une inaptitude totale et définitive à toute fonction au sein de la collectivité de Corse. Cet avis a été confirmé le 9 décembre 2021 par l'expert psychiatre. Si, par une lettre en date du 24 novembre 2021, Mme A... a été informée par sa caisse d'assurance maladie que sa pathologie devait être regardée comme consolidée au 30 novembre 2021, cette circonstance, qui signifie simplement que son état n'était, à cette date, plus susceptible d'évoluer dans un sens favorable ou défavorable, ne signifiait pas pour autant qu'elle était apte à reprendre ses fonctions ou à exercer d'autres fonctions. Par suite, en l'absence de toute possibilité de reclassement, il appartenait à la collectivité de Corse de procéder au licenciement de Mme A....

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation du licenciement en date du 21 juin 2022.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 43 du décret du 15 février 1988 précité alors applicable : " En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée à l'agent recruté pour une durée indéterminée ou à l'agent recruté pour une durée déterminée et licencié avant le terme de son contrat ". Aux termes de l'article 46 dudit décret : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle (...) Pour l'application de cet article, toute fraction de service égale ou supérieure à six mois sera comptée pour un an ; toute fraction de service inférieure à six mois n'est pas prise en compte (...) ". Enfin, aux termes de l'article 48 du même décret : " L'ancienneté prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement définie à l'article 46 est décomptée à partir de la date à laquelle le contrat a été initialement conclu jusqu'à la date d'effet du licenciement, compte tenu, le cas échéant, des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis. Lorsque plusieurs contrats se sont succédé sans interruption ou avec une interruption n'excédant pas deux mois et que celle-ci n'est pas due à une démission de l'agent, la date initiale à prendre en compte est la date à laquelle le premier contrat a été conclu. / Les services doivent avoir été accomplis pour le compte de la même collectivité territoriale, de l'un de ses établissements publics à caractère administratif ou de l'un des établissements publics à caractère administratif auquel elle participe. / Les services ne peuvent être pris en compte lorsqu'ils ont déjà été retenus dans le calcul d'une précédente indemnité de licenciement. / Les congés pris en compte pour la détermination de cette ancienneté sont ceux fixés au premier alinéa du I de l'article 28. Les congés non pris en compte ne font pas perdre l'ancienneté acquise avant leur octroi (...) ".

9. Il résulte des dispositions précitées de l'article 48 du décret du 15 février 1988 que seuls les services accomplis pour le compte de la même collectivité territoriale, de l'un de ses établissements publics à caractère administratif ou de l'un des établissements publics à caractère administratif auquel elle participe, peuvent être pris en compte pour le calcul du montant de l'indemnité de licenciement. Par suite, Mme A... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les services qu'elle aurait accomplis au sein du groupement d'intérêt public de l'Académie de Corse, qui n'est pas un établissement public administratif de la collectivité de Corse ni un établissement public administratif auquel elle participe, auraient dû être pris en compte dans le calcul de son indemnité de licenciement.

10. En deuxième lieu, si Mme A... fait valoir que la collectivité de Corse doit également lui régler des jours qui étaient sur son compte épargne temps, des congés payés non pris et une période de deux mois de préavis, elle n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant, en tout état de cause, d'en apprécier le bien-fondé.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par la collectivité de Corse, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a également rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais d'instance :

12. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme A... doivent, dès lors, être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la collectivité de Corse.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la collectivité de Corse en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la collectivité de Corse.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2025.

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bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01623
Date de la décision : 25/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat. - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : MCM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-25;24ma01623 ?
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