Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille :
- à titre principal, d'annuler la décision du 22 septembre 2023 par laquelle le président-directeur général du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix-huit mois, dont six avec sursis, et a ordonné la publication non anonymisée de cette décision au bulletin officiel de cet établissement public à caractère scientifique et technologique, et de lui enjoindre de procéder, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, à sa réintégration dans ses fonctions pour la période durant laquelle il a été exclu de celles-ci avec toutes les conséquences qui s'y attachent, et à la suspension de cette publication ;
- à titre subsidiaire, d'annuler cette décision du 22 septembre 2023 en ce qu'elle prévoit cette publication non anonymisée et d'enjoindre au CNRS de procéder, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, à la suspension de celle-ci ;
- en tout état de cause, de mettre à la charge du CNRS une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2309630 du 17 septembre 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision du président-directeur général du CNRS du 22 septembre 2023, a enjoint à ce dernier de procéder à la reconstitution de la carrière de M. A... pour la période durant laquelle il a été exclu de ses fonctions, avec toutes les conséquences de droit, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 février 2025, le CNRS, représenté par la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 décembre 2024.
Il soutient que les conditions fixées par cet article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies dès lors que ses moyens d'appel, comme ceux qu'il avait invoqués devant le tribunal administratif de Marseille, doivent non seulement entraîner l'annulation de ce jugement mais aussi le rejet au fond des conclusions initiales présentées par M. A... :
- en retenant, par une motivation insuffisante, que la sanction infligée à M. A... était disproportionnée, le tribunal administratif de Marseille a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation, voire d'une contradiction de motifs, d'une erreur de qualification juridique ainsi que d'une erreur de droit ;
- le jugement attaqué doit être censuré pour avoir omis de qualifier certains faits reprochés à M. A... en faits graves, répétés et constitutifs de harcèlement sexuel ;
- la sanction infligée à M. A... était nécessaire, adaptée et proportionnée aux fautes qui lui sont reprochées ;
- la sanction complémentaire de publication non anonymisée à son bulletin officiel est expressément prévue par l'article L. 533-4 du code général de la fonction publique ; elle est justifiée dans son principe et sa nécessité, et elle est également proportionnée ;
- si la Cour devait considérer que la durée d'une telle publication doit être bornée, l'autorité disciplinaire devra seulement la limiter dans le temps ; dans la balance entre la gravité et la proportionnalité de la sanction de publication, l'intérêt de l'auteur des faits sanctionnés s'oppose à celui des victimes, ce dernier devant prévaloir et justifier cette publication dans un but pédagogique et de restauration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2025, M. A..., représenté par Me Stéphan, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la suspension de l'exécution de la décision du 22 septembre 2023 en ce qu'elle prévoit la reproduction non anonymisée de la sanction qui lui a été infligée au bulletin officiel du CNRS et à ce qu'il soit enjoint à cet établissement public à caractère scientifique et technologique, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à cette suspension et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du CNRS au titre de l'article L. 761-1 du même code.
Il fait valoir que :
- le CNRS qui, au demeurant, ne produit aucune pièce nouvelle, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 22 septembre 2023 et aucun de ses moyens, n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement litigieux du 17 décembre 2024 ;
- si, par extraordinaire, la Cour devait ordonner le sursis à exécution de ce jugement, la décision du 22 septembre 2023 serait à nouveau exécutoire et il conviendra donc, à titre subsidiaire, de prononcer l'injonction de ne pas procéder à la publication de la reproduction non anonymisée de cette décision ;
- alors qu'à ce jour, il a intégralement purgé sa sanction, il continue de rencontrer des difficultés professionnelles imputables au CNRS qui, en ne le réintégrant pas dans ses fonctions, méconnaît le principe non bis in idem.
Vu :
- la copie du recours au fond, enregistrée sur l'application informatique Télérecours le 10 février 2025, sous le n° 25MA00361 ;
- et les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Lécuyer, représentant le CNRS, et de Me Stephan, représentant M. A....
Une note en délibéré, présentée pour le CNRS, par la SCP Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, a été enregistrée le 9 avril 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Directeur de recherche de classe exceptionnelle au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), M. A... était affecté au centre de recherche en cancérologie de Marseille (CRCM) dont il était le directeur adjoint. Il y était co-responsable de l'équipe " Télomères et chromatine ", lorsque, par une décision du 22 septembre 2023, le président-directeur général du CNRS lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix-huit mois, dont six avec sursis, et a ordonné la publication non anonymisée de cette décision au bulletin officiel de cet établissement public à caractère scientifique et technologique. Le CNRS demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement du 17 décembre 2024 par lequel, saisi par M. A..., le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision du 22 septembre 2023 et a enjoint à son président-directeur général de procéder à la reconstitution de carrière de ce dernier, pour la période durant laquelle il a été exclu de ses fonctions, avec toutes les conséquences de droit, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
2. Aux termes de l'article R. 811-14 du code de justice administrative : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel dans les conditions prévues par le présent titre. ". L'article R. 811-15 du même code dispose que : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ".
3. En application de ces dispositions, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et par le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun des moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou à confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.
4. Pour annuler la décision du président-directeur général du CNRS du 22 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur le motif tiré de ce que la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix-huit mois, dont six avec sursis, avec publication non anonymisée de cette décision au bulletin officiel du CNRS, infligée à M. A... était disproportionnée. En l'état de l'instruction, aucun des moyens présentés par le CNRS au soutien de sa demande de sursis à exécution du jugement attaqué ne paraît sérieux et de nature à justifier, outre son annulation ou sa réformation, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. La requête du CNRS ne peut, dès lors, qu'être rejetée.
Sur les conclusions aux fins de suspension, d'injonction et d'astreinte :
5. Le présent arrêt rejetant la requête du CNRS, il n'y a pas lieu de se prononcer, en tout état de cause, sur les conclusions aux fins de suspension, d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... subsidiairement à ses conclusions tendant au rejet du recours du CNRS.
Sur les frais liés au litige :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CNRS le versement à M. A... d'une somme de 1 000 euros en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du CNRS est rejetée.
Article 2 : Le CNRS versera une somme de 1 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... relatives à ses frais d'instance est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.
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No 25MA00370
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