Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 mai 2023 par laquelle le proviseur du lycée Victor Hugo à Marseille lui a infligé la sanction disciplinaire du licenciement, et de mettre à la charge du rectorat de l'académie d'Aix-Marseille la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2305413 du 3 juillet 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 août 2024, le lycée général et technologique Victor Hugo, représenté par Me Darmon, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a mal apprécié les faits de l'espèce ;
- la sanction n'était pas disproportionnée ;
- les autres moyens présentés par M. B... sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Stioui, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête d'appel et de confirmer l'annulation prononcée par le jugement ;
2°) de mettre à la charge du lycée Victor Hugo la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le proviseur, en conflit avec lui, était juge et partie ;
- aucun entretien préalable n'a eu lieu ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait ;
- la sanction est disproportionnée ;
- son mandat syndical constitue une circonstance atténuante ;
- le rapport du proviseur prend parti sur les faits ;
- la décision est entachée de détournement de pouvoir.
Par une lettre en date du 22 novembre 2024, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu avant le 31 mars 2025, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 31 décembre 2024.
Par ordonnance du 28 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.
Vu :
- la décision du 6 février 2025 par laquelle le président de la Cour a désigné Mme Anne-Laure Chenal-Peter présidente par intérim de la 6ème chambre ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation :
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 2003-484 du 6 juin 2003 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Darmon pour le lycée général et technologique Victor Hugo, celles de Me Stioui pour M. B..., et celles de M. G... pour le recteur de l'académie d'Aix-Marseille.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté sous contrat à durée déterminée à temps non complet, pour une période d'un an allant du 1er septembre 2019 au 31 août 2020, renouvelé à compter de cette dernière date pour une période de trois ans, pour exercer des fonctions d'assistant d'éducation au sein du lycée Victor Hugo à Marseille. Par décision datée du 17 mai 2023, le proviseur de cet établissement a décidé de le licencier à titre disciplinaire. M. B... a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par le jugement attaqué, dont le lycée Victor Hugo relève appel, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 17 mai 2023, au motif que la sanction ainsi infligée était disproportionnée.
Sur le motif du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article 43-1 du décret susvisé du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent contractuel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire (...) ". Aux termes de l'article 43-2 de ce décret : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / 3° bis L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre jours à six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et de quatre jours à un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code général de la fonction publique : " L'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ".
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Pour décider de licencier M. B... à titre disciplinaire, le proviseur du lycée Victor Hugo a retenu que M. B... s'était adressé de manière irrespectueuse, menaçante et agressive à une collègue assistante d'éducation, à une conseillère principale d'éducation et au proviseur du lycée, et que certains de ces propos avaient été tenus devant l'établissement, devant les élèves, portant atteinte à l'image et à la réputation du service public de l'enseignement.
6. En premier lieu, il ressort du témoignage de Mme H... D... que, le matin du vendredi 21 octobre 2022, au terme d'une semaine marquée par des tentatives de blocage du lycée par des élèves, il l'a prise à parti, alors qu'elle demandait à un élève de descendre d'une poubelle, en l'attrapant par l'arrière, la retournant et lui criant : " Non, mais qu'est-ce que tu fous, c'est pas ton rôle, t'as rien à dire, ils font ce qu'ils veulent ". Une collègue étant intervenue en demandant à M. B... d'arrêter de crier, M. B... a crié à Mme D... : " au lieu de balancer, tu ferais mieux de fermer ta grande bouche ". Ces faits, rapportés par la principale intéressée, sont corroborés par les trois témoignages d'agents ayant assisté à la scène. Puis, alors que Mme D... et Mme C... rentraient dans le lycée, M. B... leur a dit " A... a les collabos qui rentrent ". M. B... ne conteste sérieusement ni la réalité de ces propos, ni le sens qui doit leur être donné.
7. En deuxième lieu, informé par le proviseur, le 9 décembre 2022, de l'engagement de la procédure disciplinaire, il lui a rétorqué, devant trois personnes qui ont confirmé la réalité de ces propos : " Vous voulez la guerre (...) c'était rien par rapport à ce qui va se passer (...) votre carrière va en prendre un coup (...) avec Mme E... [l'ancienne proviseure] (...) on n'en a pas fini avec elle. On va s'entretuer ".
8. En troisième lieu, le même jour, il a, ainsi qu'il l'a ultérieurement admis, menacé la conseillère principale d'éducation, sa supérieure hiérarchique, en ces termes : " C'est dommage que vous êtes contractuelle, ça va être difficile pour vous, je vais envoyer la CGT, vous allez découvrir la CGT ".
9. Cette attitude, agressive et menaçante de M. B... caractérise un manquement à l'obligation de dignité et au devoir d'obéissance qui s'imposaient particulièrement dans le contexte de tensions que connaissait alors le lycée Victor Hugo. En outre, les propos tenus le matin du 21 octobre 2022 l'ont été devant des élèves, portant atteinte à l'image de l'établissement et du service public de l'éducation nationale et à la cohésion de l'équipe éducative. Compte tenu de leur gravité, et en dépit de ses états de service, ces fautes, qui n'ont en tout état de cause aucun rapport avec l'exercice par l'intéressé d'un mandat syndical, justifiaient l'infliction à M. B... d'une sanction de licenciement, qui met fin à un contrat de recrutement dont le terme, au demeurant, devait intervenir moins de quatre mois plus tard.
10. Le lycée Victor Hugo est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la sanction disciplinaire infligée à M. B... présentait un caractère disproportionné.
11. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. B... en première instance et en appel.
12. En premier lieu, si M. B... soutient que le proviseur de l'établissement, investi du pouvoir disciplinaire par application des dispositions de l'article 44 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, selon lequel " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité ayant le pouvoir de procéder au recrutement ", ne pouvait lui infliger de sanction à raison de propos menaçants tenus à son encontre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le proviseur aurait fait preuve, à l'encontre de M. B..., d'une animosité personnelle de nature à mettre en cause son impartialité. Le moyen tiré de la violation du principe d'impartialité doit donc être écarté.
13. En deuxième lieu, l'article 44 du décret du 17 janvier 1986 dispose que : " L'agent contractuel à l'encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous documents annexes et à se faire assister par les défenseurs de son choix. / L'administration doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier ".
14. Si ces dispositions prévoient le droit de l'agent non titulaire à l'encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous documents annexes et à l'assistance par les défenseurs de son choix, elles ne mentionnent pas, parmi les formalités applicables à une sanction disciplinaire, l'exigence d'un entretien préalable. Par ailleurs, les dispositions de l'article 47 du décret du 17 janvier 1986 qui prévoit que " le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable " ne sont pas applicables aux sanctions disciplinaires, qui sont régies par un titre distinct du décret. Dès lors, si M. B... n'a pas, comme il l'indique, " bénéficié d'un entretien préalable ni avant ni après la commission de discipline ", cette circonstance reste en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure ayant abouti à la décision contestée.
15. En troisième lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas, au vu de ce qui précède, établi.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le lycée Victor Hugo est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande M. B....
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du lycée Victor Hugo, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de M. B... sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2305413 du 3 juillet 2024 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. B... est rejetée, ainsi que le surplus des conclusions d'appel des parties.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au lycée Victor Hugo et à M. F... B....
Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, où siégeaient :
- Mme Anne-Laure Chenal-Peter, présidente,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Caroline Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2025.
N° 24MA02285 2