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04/04/2025 | FRANCE | N°23MA02048

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 04 avril 2025, 23MA02048


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Sous le numéro 2102393, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a refusé l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées section Y n° 393, 201, 204, 395 et 396 à Valensole, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel cette même autorité a autorisé M. A... B... à exploiter ces mêmes parcelles.





Sous le numéro 210

9461, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 30 juillet 2021 par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le numéro 2102393, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a refusé l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées section Y n° 393, 201, 204, 395 et 396 à Valensole, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel cette même autorité a autorisé M. A... B... à exploiter ces mêmes parcelles.

Sous le numéro 2109461, M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 30 juillet 2021 par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur l'a mis en demeure de cesser d'exploiter les parcelles cadastrées section Y n° 201, 204, 393, 395, 396 sur le territoire de la commune de Valensole.

Par un jugement n° 2102393 et 2109461 du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a, après avoir joint les deux demandes de M. D..., annulé l'intégralité des actes contestés.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour d'annuler le jugement du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Marseille et de rejeter les demandes présentées par M. D... devant ce même tribunal.

Il soutient que :

- en ce qui concerne les arrêtés du 19 octobre 2020 : c'est à tort que le tribunal a jugé que le préfet avait méconnu les dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- en ce qui concerne la décision du 30 juillet 2021 : dès lors que c'est à bon droit que le préfet a refusé à M. D... l'autorisation d'exploiter les parcelles en cause, c'est par conséquent à bon droit qu'il a mis en demeure celui-ci de cesser de les exploiter.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2024, M. C... D..., représenté par Me Dumolie, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

En ce qui concerne les arrêtés du 19 octobre 2020 :

- c'est à juste titre que le tribunal a jugé que le préfet avait méconnu les dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- l'autorisation demandée par M. B... compromettant la viabilité de l'exploitation de M. D..., le préfet a commis des erreurs de droit et d'appréciation en s'abstenant de la refuser sur le fondement de l'article L. 331-3-1, I, 2° du code rural ;

- au regard de sa qualité de preneur en place, le préfet a estimé à tort que M. D... était soumis au contrôle des structures au motif que sa demande revenait à un agrandissement excédant le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de la région PACA ;

- le préfet a entaché sa décision d'erreur de droit en estimant qu'il pouvait lui refuser une demande d'autorisation d'exploiter à laquelle il n'avait pas à se soumettre ;

En ce qui concerne la décision du 30 juillet 2021 :

- dès lors que c'est à tort que le préfet a refusé l'autorisation d'exploiter les parcelles en cause, c'est par conséquent à tort qu'il l'a mis en demeure de cesser de les exploiter.

La procédure a été communiquée à M. A... B..., qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti ;

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;

- les observations de Me Tagnon, substituant le cabinet Debeaurain, représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a refusé l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées section Y n° 393, 201, 204, 395 et 396 à Valensole, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel cette autorité administrative a autorisé M. A... B... à exploiter ces mêmes parcelles. M. D... a également demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 30 juillet 2021 par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur l'a mis en demeure de cesser d'exploiter les parcelles en cause. Par un jugement du 7 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'intégralité des actes contestés. Le ministre de l'agriculture relève appel de ce jugement.

Sur les moyens d'annulation retenus par le jugement attaqué :

En ce qui concerne les arrêtés du 19 octobre 2020 :

2. Aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " I. Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : 1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. La constitution d'une société n'est toutefois pas soumise à autorisation préalable lorsqu'elle résulte de la transformation, sans autre modification, d'une exploitation individuelle détenue par une personne physique qui en devient l'unique associé exploitant ou lorsqu'elle résulte de l'apport d'exploitations individuelles détenues par deux époux ou deux personnes liées par un pacte civil de solidarité qui en deviennent les seuls associés exploitants ; 2° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles ayant pour conséquence : a) De supprimer une exploitation agricole dont la superficie excède le seuil mentionné au 1° ou de ramener la superficie d'une exploitation en deçà de ce seuil ; b) De priver une exploitation agricole d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s'il est reconstruit ou remplacé ; 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle fixées par voie réglementaire ; b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant ; c) Lorsque l'exploitant est un exploitant pluriactif, remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, dont les revenus extra-agricoles excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive, au sens de l'article L. 330-2 ; 4° Lorsque le schéma directeur régional des exploitations agricoles le prévoit, les agrandissements ou réunions d'exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à un maximum qu'il fixe ; 5° Les créations ou extensions de capacité des ateliers de production hors sol au-delà d'un seuil de production fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " I.- L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place (...) ".

4. Pour rejeter la demande de M. D... d'autorisation d'exploitation des parcelles en cause, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a d'abord considéré que celui-ci n'était plus titulaire d'un bail rural sur les parcelles litigieuses et que sa demande devait donc être soumise au contrôle des structures au titre du 2° du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime. Il a ensuite mis sa demande en concurrence avec celle de M. A... B... et estimé que ce dernier présentait un niveau de priorité supérieur au sien.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si le bail rural dont était titulaire M. D... était venu à échéance et congé lui avait été donné par les propriétaires des parcelles dont s'agit, l'intéressé a contesté la validité de ce congé et par un arrêt définitif du 17 novembre 2022, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du 7 décembre 2020 par lequel le tribunal paritaire des baux ruraux de Manosque a déclaré nul le congé délivré à M. D... par les propriétaires des parcelles en cause et constaté le renouvellement de ce bail à compter du 1er janvier 2020, pour une durée de neuf années. Eu égard à l'effet rétroactif attaché à ces décisions du juge judiciaire, M. D... doit être regardé comme n'ayant nullement perdu la qualité de preneur en place d'un bail rural sur les parcelles en cause à la date à laquelle sont intervenus les arrêtés du 19 octobre 2020 en litige. Il s'en suit que, comme l'a jugé le tribunal, M. D... était, à la date des arrêtés contestés, preneur d'un bail rural et le préfet ne pouvait, dès lors, soumettre sa demande au contrôle des structures au titre du 2° du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ou mettre sa demande en concurrence avec celle de M. A... B....

6. Il suit de là que le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a annulé, pour ce motif, les arrêtés du 19 octobre 2020.

En ce qui concerne la décision du 30 juillet 2021 :

7. Aux termes de l'article L. 331-7 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. / La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées. / Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée. (...) ".

8. Par une décision du 30 juillet 2021, le préfet a, au motif que M. D... poursuivait l'exploitation des parcelles sur lesquelles le préfet lui avait refusé de l'autoriser à exploiter, ce qu'un huissier avait constaté sur place le 29 janvier 2021, mis en demeure celui-ci de cesser d'exploiter ces parcelles dans le délai d'un mois.

9. Dès lors que, comme il l'a été dit, c'est à tort que le préfet a refusé à M. D... l'autorisation d'exploiter les parcelles en cause, c'est par conséquent également à tort qu'il a, pour ce motif, mis en demeure celui-ci de cesser d'exploiter ces parcelles. Ainsi, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision préfectorale du 30 juillet 2021.

10. Il résulte de tout ce qui précède que ministre de l'agriculture n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés préfectoraux du 19 octobre 2020 ainsi que la décision du 30 juillet 2021.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'agriculture est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à M. C... D... et à M. A... B....

Copie en sera adressé au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2025.

2

N° 23MA02048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02048
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET JEAN DEBEAURAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-04;23ma02048 ?
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