Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 2 avril 2024 par lequel le préfet du Var a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai et une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans et a fixé le pays de destination et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2401214 du 26 septembre 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2024, M. D... A..., représenté par Me Quintard, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 avril 2024 par lequel le préfet du Var a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités dès lors, d'une part, qu'il est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté et, d'autre part, a omis de statuer sur le caractère disproportionné de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans ;
- l'arrêté du 2 avril 2024 est insuffisamment motivé ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans est disproportionnée ;
- il n'a plus aucun lien avec son pays d'origine, l'Angola.
La procédure a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vincent.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant angolais, né le 18 juin 1986, serait, selon ses dires, entré en France en 2017. Le 29 mars 2023, M. A... a présenté une demande de titre de séjour en qualité de conjoint d'une française et père d'un enfant français. Par une décision du 23 janvier 2024, le préfet du Var a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour. Par un arrêté du 2 avril 2024, le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq ans. M. A... interjette appel du jugement du 26 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, les premiers juges ont, au point 4 du jugement attaqué, suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté du 2 avril 2024 serait entaché d'une insuffisance de motivation.
3. En second lieu, il résulte des écritures de première instance que M. A... n'avait pas soulevé alors le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de cinq années présenterait un caractère disproportionné. Par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une omission de statuer sur un tel moyen.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué précise, de manière suffisamment circonstanciée, les considérations de droit et de fait qui le fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dudit arrêté doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Droit au respect de la vie privée et familiale. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de mettre en balance le maintien de l'ordre public avec l'atteinte portée à la vie privée et familiale. La menace pour l'ordre public s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant le comportement personnel de l'étranger en cause. Il n'est donc ni nécessaire, ni suffisant que le demandeur ait fait l'objet de condamnations pénales. L'existence de celles-ci constitue cependant un élément d'appréciation au même titre que d'autres éléments tels que la nature, l'ancienneté ou la gravité des faits reprochés à la personne ou encore son comportement habituel.
7. S'il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui justifie avoir travaillé en qualité d'intérimaire d'avril à novembre 2023, est marié, depuis le 14 février 2023, avec Mme C..., de nationalité française, avec laquelle il indique vivre, produisant toutefois peu de pièces à cet égard, depuis le mois de mars 2022, et qu'il est père d'une fille, B..., de nationalité française, née le 22 novembre, il est toutefois constant qu'il a été condamné le 18 avril 2017 par le tribunal correctionnel de Tarascon à une peine d'un an et 4 mois d'emprisonnement pour des faits de recel de bien provenant d'un vol et détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs commis le 31 décembre 2015, cette peine ayant été assortie d'une interdiction de territoire français pendant cinq ans. Il a également été condamné le 29 janvier 2019 par le tribunal correctionnel de Marseille à une peine de 6 mois d'emprisonnement, assortie d'une interdiction du territoire français de cinq ans pour des faits de proxénétisme et proxénétisme aggravé commis du 29 avril 2017 au 10 juillet 2017, ainsi que, le 6 avril 2021, à une peine de trois ans d'emprisonnement, assortie d'une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant cinq ans, pour des faits de vol aggravé par deux circonstances commis le 16 janvier 2020 et, enfin, le 7 juillet 2022, à une peine d'un an d'emprisonnement pour des faits de recel de bien provenant d'un vol commis le 4 mars 2020 et détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs. Au regard de la gravité des infractions commises, de leur réitération et de leur caractère encore récent à la date de l'arrêté attaqué, M. A..., compte tenu de la menace qu'il représente pour l'ordre public, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Pour les mêmes motifs, le préfet du Var n'a pas davantage méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne le pays de renvoi :
8. Si M. A..., qui n'établit ni même n'allègue qu'il serait exposé à des risques en cas de renvoi dans son retour d'origine, fait valoir qu'il ne peut être renvoyé en Angola où il ne disposerait plus d'aucune famille, il ne l'établit pas en se bornant à produire à cet égard, sans produire aucun document d'état civil, une attestation de son oncle qui l'aurait accueilli au Portugal.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et de dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Selon l'article L. 612-10 de ce même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
10. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsque le préfet prend à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire français.
11. En fixant à une durée de cinq ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Var n'a, au regard de l'entrée récente en France de l'intéressé, de la circonstance qu'il a, à deux reprises, été condamné par le juge pénal à une interdiction du territoire français de cinq ans et, plus généralement, de la menace à l'ordre public qu'il constitue, pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en dépit de la circonstance qu'il ait épousé en 2023 une française et soit père d'une jeune enfant française.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 2 avril 2024.
Sur les frais d'instance :
13. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 28 février 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2025.
N° 24MA02662 2
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