La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/03/2025 | FRANCE | N°23MA01999

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 11 mars 2025, 23MA01999


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C..., divorcée B..., a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler le titre de recette n°16 émis à son encontre le 11 septembre 2019, subsidiairement, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 2 287 euros correspondant à la première moitié de la participation au financement de l'assainissement collectif mise en recouvrement à la demande de la commune d'Auribeau-sur-Siagne au moyen de ce titre de recette et en tout état de cause, de condamner la co

mmune d'Auribeau-sur-Siagne à lui payer la somme de 2 000 euros en application des di...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., divorcée B..., a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler le titre de recette n°16 émis à son encontre le 11 septembre 2019, subsidiairement, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 2 287 euros correspondant à la première moitié de la participation au financement de l'assainissement collectif mise en recouvrement à la demande de la commune d'Auribeau-sur-Siagne au moyen de ce titre de recette et en tout état de cause, de condamner la commune d'Auribeau-sur-Siagne à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905412 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Nice a déchargé Mme C... de l'obligation de payer la participation au financement de l'assainissement collectif mise en recouvrement au moyen de ce titre de recette, à l'exception de la part correspondant au sauna d'une surface de 7,75 m2 et a mis à la charge de la commune d'Auribeau-sur-Siagne une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 juillet 2023, 13 septembre 2024, 3 octobre 2024 et 14 février 2025, la commune d'Auribeau-sur-Siagne, représentée par

Me Masquelier, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 1er juin 2023 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... ;

3°) d'ordonner à celle-ci de produire les factures des travaux relatifs aux constructions irrégulières ;

4°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier au regard des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative, faute de motivation et de visa quant à l'illégalité du plan d'aménagement d'ensemble ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il n'est pas justifié, par le seul courrier du préfet des Alpes-Maritimes, de la prescription même partielle de la créance qui est l'objet du titre de recette en litige, alors que le délai de prescription ne court qu'à compter de l'achèvement des travaux ;

- contrairement à ce qu'a également jugé le tribunal, et en application d'une délibération de son conseil municipal du 20 mars 2006, les constructions incluses dans le périmètre couvert par le plan d'aménagement d'ensemble ne sont pas exclues du champ de la participation pour raccordement à l'égout, remplacée par la participation au financement de l'assainissement collectif instaurée par délibération du conseil municipal du 15 décembre 2016, laquelle n'a pas été contestée ;

- l'intimée ne démontre pas que les constructions en cause ne génèrent pas de rejets d'eaux usées domestiques ;

- la participation en litige ne fait pas double emploi avec les frais de raccordement au réseau exposés dans le cadre du programme d'aménagement d'ensemble.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 août 2024 et le 1er octobre 2024, Mme C..., représentée par Me Orlandini, conclut :

1°) à titre principal, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande d'annulation du titre exécutoire et de décharge de la somme correspondante ;

2°) subsidiairement, au rejet de la requête ;

3°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune d'Auribeau-sur-Siagne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'appel est irrecevable, faute pour la commune de produire une délibération autorisant la conseillère municipale à ester en justice dans cette instance ;

- les moyens d'appel ne sont pas fondés ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté son moyen tiré de la méconnaissance de la règle de non-cumul énoncée aux articles L. 332-6 et L. 332-6-1 du code de l'urbanisme, dès lors que son ex-époux avait été assujetti à la participation réajustée du programme d'aménagement d'ensemble D..., et que l'illégalité de ce dernier et de la délibération du 15 mars 2016 instaurant la participation au financement de l'assainissement collectif sont à cet égard sans incidence ;

- même si la participation au financement de l'assainissement était applicable, le titre en litige serait illégal, dans la mesure où, d'une part, sur les sept constructions irrégulières, cinq constitutives d'annexes légères ne génèrent aucun rejet d'eaux usées, d'autre part, il en va de même des extensions de constructions, et enfin toutes, sauf le sauna, ont été édifiées avant le 1er juillet 2012.

Par une lettre du 19 février 2025, la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident de Mme C..., dans l'hypothèse où l'appel de la commune serait irrecevable pour défaut d'habilitation à agir en cause d'appel au nom de celle-ci.

Le 20 février 2025, la commune d'Auribeau-sur-Siagne a présenté des observations en réponse à cette information, qui ont été communiquées à Mme C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Quema, substituant Me Masquelier, représentant la commune d'Auribeau-sur-Siagne, et de Me Gadd, substituant Me Orlandini, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est propriétaire, à Auribeau-sur-Siagne, de trois parcelles d'un seul tenant, cadastrées section AV n° 160-179 et 180, supportant notamment une ancienne bâtisse et des annexes, et situées dans le périmètre du programme d'aménagement d'ensemble dit D..., institué par délibération du conseil municipal du 19 septembre 2005. Le 11 juillet 2019, les agents de la direction départementale des territoires et de la mer ont dressé à l'encontre de Mme C... un procès-verbal d'infraction pour réalisation sans autorisation d'urbanisme d'installations, d'extensions de constructions et d'annexes. Par un titre émis sous le n° 16 et rendu exécutoire le 11 septembre 2019, le maire d'Auribeau-sur-Siagne a exigé le paiement par Mme C... de la somme de 2 287 euros correspondant à la première moitié de la participation pour le financement de l'assainissement collectif. Par un jugement du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Nice a déchargé Mme C... de l'obligation de payer la participation au financement de l'assainissement collectif mise en recouvrement au moyen du titre de recette du 11 septembre 2019, à l'exception de la part correspondant au sauna d'une surface de 7,75 m2. La commune d'Auribeau-sur-Siagne relève appel de ce jugement en ce qu'il a prononcé cette décharge partielle, et Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit intégralement à sa demande de décharge.

Sur la recevabilité de l'appel principal de la commune d'Auribeau-sur-Siagne :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune ". L'article L. 2122-22 prévoit que : " Le maire peut, (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ". L'article L. 2122-23 du même code précise que : " Les décisions prises par le maire en vertu de l'article L. 2122-22 sont soumises aux mêmes règles que celles qui sont applicables aux délibérations des conseils municipaux portant sur les mêmes objets. / Sauf disposition contraire dans la délibération portant délégation, les décisions prises en application de celle-ci peuvent être signées par un adjoint ou un conseiller municipal agissant par délégation du maire dans les conditions fixées à l'article L. 2122-18. Sauf disposition contraire dans la délibération, les décisions relatives aux matières ayant fait l'objet de la délégation sont prises, en cas d'empêchement du maire, par le conseil municipal. / (...) Le conseil municipal peut toujours mettre fin à la délégation. " Le premier alinéa de l'article L. 2122-18 dispose que : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal ".

3. D'autre part, le I de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dispose que : " Au sens de la présente loi, constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction. / Lorsqu'ils estiment se trouver dans une telle situation : / (...) 2° Sous réserve des exceptions prévues au deuxième alinéa de l'article 432-12 du code pénal, les personnes titulaires de fonctions exécutives locales sont suppléées par leur délégataire, auquel elles s'abstiennent d'adresser des instructions ; (...) ". L'article 5 du décret du 31 janvier 2014 portant application de l'article 2 de cette loi, applicable aux titulaires d'une fonction de maire en vertu de son premier alinéa, précise que : " (...) Lorsqu'elles estiment se trouver en situation de conflit d'intérêts, qu'elles agissent en vertu de leurs pouvoirs propres ou par délégation de l'organe délibérant, les personnes mentionnées au précédent alinéa prennent un arrêté mentionnant la teneur des questions pour lesquelles elles estiment ne pas devoir exercer leurs compétences et désignant, dans les conditions prévues par la loi, la personne chargée de les suppléer. / Par dérogation aux règles de délégation prévues aux articles L. 2122-18 (...) du code général des collectivités territoriales, elles ne peuvent adresser aucune instruction à leur délégataire. ". Aux termes de l'article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales : " Dans le cas où les intérêts du maire se trouvent en opposition avec ceux de la commune, le conseil municipal désigne un autre de ses membres pour représenter la commune, soit en justice, soit dans les contrats. "

4. Il résulte, d'une part, des dispositions, citées au point 3, de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 et de l'article 5 du décret du 31 janvier 2014 pris pour son application, qu'un maire qui estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts doit prendre un arrêté mentionnant la teneur des questions pour lesquelles il estime ne pas devoir exercer ses compétences et désigner, dans les conditions prévues par la loi, la personne chargée de le suppléer. Il résulte, d'autre part, des dispositions de l'article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales, également citées au point 3, que lorsque les intérêts du maire se trouvent en opposition avec ceux de la commune dans un litige donné ou pour la signature ou l'exécution d'un contrat, seul le conseil municipal est compétent pour désigner un autre de ses membres soit pour représenter la commune en justice soit pour signer le contrat ou intervenir dans son exécution.

Il s'ensuit que lorsque le maire estime ne pas devoir exercer ses compétences en raison d'un conflit d'intérêts, il ne saurait désigner la personne habilitée soit à représenter la commune en justice dans un litige donné soit à signer ou exécuter un contrat que si ses intérêts ne se trouvent pas en opposition avec ceux de la commune. Lorsqu'une telle situation, de conflit d'intérêts ou d'opposition, ressort des pièces du dossier qui lui est soumis, il appartient au juge de relever, le cas échéant d'office, l'irrecevabilité de la demande de la commune représentée par son maire ou par une personne qui n'a pas été légalement désignée (CE, 30 janvier 2020, Commune de Paita, n° 421952).

5. Depuis l'élection de Mme C... en qualité de maire de la commune d'Auribeau-sur-Siagne le 28 juin 2020, ses intérêts personnels, qu'elle a entendu défendre en formant, devant le tribunal administratif de Nice, opposition à l'exécution du titre émis et rendu exécutoire le 11 septembre 2019 à son encontre par son prédécesseur, se trouvent en opposition avec ceux de la commune au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales. La commune d'Auribeau-sur-Siagne ne pouvait donc interjeter appel, de manière recevable, du jugement faisant droit à la demande de Mme C... qu'à la condition que son conseil municipal ait, conformément à ces dispositions, désigné un autre de ses membres que celle-ci pour la représenter à cet effet devant la Cour. Or, s'il ressort des pièces du dossier que par une délibération n° 18072023/4 du 18 juillet 2023, le conseil municipal d'Auribeau-sur-Siagne a décidé de faire appel du jugement rendu le 1er juin 2023 par le tribunal administratif dans le litige opposant la commune à Mme C... et si celle-ci, s'estimant seulement en situation de conflit d'intérêts au sens et pour l'application des dispositions de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, a signé le 8 août 2013 un arrêté désignant Mme Delizy, conseillère municipale, en application des dispositions de l'article 5 du décret du 31 janvier 2014 pris pour l'application de cette loi, pour la suppléer aux fins, notamment, d'ester en justice au nom de la commune, et de relever appel du jugement attaqué, le conseil municipal n'a pas délibéré pour désigner celle-ci ou tout autre de ses membres pour signer la requête d'appel, ainsi que l'exigent au cas d'espèce les dispositions de l'article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales. Contrairement à ce que soutient la commune, la délibération n° 18072023/1 du

18 juillet 2023 par laquelle son conseil municipal a désigné Mme Delizy pour la représenter dans l'instance d'appel l'opposant à M. B..., ex-époux de Mme C..., ne saurait valoir habilitation de cette élue à agir en son nom pour interjeter appel du jugement attaqué. Par suite, celle-ci, qui est recevable à contester au cours de l'instance la recevabilité de l'appel de la commune, sans méconnaître les exigences de bonne foi et de loyauté procédurale, est fondée à prétendre que la requête d'appel de la commune d'Auribeau-sur-Siagne n'est pas recevable et qu'elle doit être rejetée pour ce motif.

Sur la recevabilité de l'appel incident de Mme C... :

6. L'irrecevabilité de l'appel principal de la commune d'Auribeau-sur-Siagne entraîne, par voie de conséquence, celle de l'appel incident formé par Mme C....

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie essentiellement perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme C... tendant à l'application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Auribeau-sur-Siagne est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de Mme C..., ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Auribeau-sur-Siagne et à Mme A... C....

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et à la direction régionale des finances publiques Provence-Alpes-Côte d'Azur et des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.

N° 23MA019992


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01999
Date de la décision : 11/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Voies de recours - Appel - Recevabilité - Qualité pour faire appel.

Urbanisme et aménagement du territoire - Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public - Participation pour raccordement à l'égout.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : AARPI MASQUELIER-CUERVO AVOCATS & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-11;23ma01999 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award