Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 6 mars 2024 par lesquels le préfet des Hautes-Alpes, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans, et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département des Hautes-Alpes pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2402811 du 29 mars 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille, après avoir admis Mme A... à l'aide juridictionnelle provisoire et renvoyé les conclusions tendant à l'annulation du refus de renouvellement du titre de séjour de la requérante devant une formation collégiale du tribunal administratif de Marseille, a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et assignant Mme A... à résidence, contenues dans les arrêtés du préfet des Hautes-Alpes du 6 mars 2024, a enjoint au préfet des Hautes-Alpes de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans cette attente et sans délai une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 mai 2024 et 10 février 2025 sous le numéro 24MA01153, le préfet des Hautes-Alpes demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2402811 du 29 mars 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande de Mme A... accueillies par le premier juge.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, il n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant sur des faits relevant de l'article 441-2 du code pénal pour refuser le renouvellement du titre de séjour de Mme A... ;
- les faits reprochés à l'intimée sont établis ;
- il n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2025, Mme A..., représentée par Me Rudloff, conclut au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête du préfet des Hautes-Alpes et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 octobre 2024 devenu définitif et ainsi revêtu de l'autorité de chose jugée ;
- les conclusions relatives à l'obligation de quitter le territoire français et à l'interdiction de retour sur le territoire français, abrogées en application de l'article L. 614-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont dépourvues d'objet du fait de cette annulation et il n'y a pas lieu de statuer ;
- l'illégalité de ces décisions entraîne l'illégalité du refus de délai de départ volontaire, de la décision fixant le pays de destination et de l'assignation à résidence ;
- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, elle devait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-21, L. 423-23 et L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet des Hautes-Alpes a méconnu l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a méconnu les articles L. 432-1 et L. 432-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'elle ne représente pas une menace à l'ordre public et que les faits évoqués par le préfet ne sont pas établis ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- en ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire, la décision est insuffisamment motivée, entachée d'erreur manifeste d'appréciation et illégale par voie d'exception ;
- en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, elle est illégale par voie d'exception ;
- en ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français, la décision n'est pas motivée et illégale par voie d'exception ;
- le préfet des Hautes-Alpes a méconnu l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- en ce qui concerne l'assignation à résidence, la décision est entachée d'incompétence et illégale par voie d'exception ;
- le préfet a retenu une base légale erronée ;
- le préfet, qui n'a pas sollicité d'avis médical, n'a pas apprécié son état de santé et son lieu de résidence.
Par une décision du 25 octobre 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis Mme A... à l'aide juridictionnelle totale.
II. Par une requête, enregistrée le 2 mai 2024 sous le numéro 24MA01152, le préfet des Hautes-Alpes demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2402811 du 29 mars 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Il se prévaut des mêmes moyens que dans l'instance 24MA01153.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2025, Mme A..., représentée par Me Rudloff, conclut au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire, au rejet de la requête du préfet des Hautes-Alpes et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est dépourvue d'objet et irrecevable en l'absence de motivation.
Par une décision du 28 février 2025, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a admis Mme A... à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante russe, a sollicité le renouvellement du titre de séjour dont elle bénéficiait au titre de sa vie privée et familiale, valable jusqu'au 4 juin 2023. Après avoir délivré à l'intéressée un récépissé d'une durée de six mois renouvelé pour trois mois, le préfet des Hautes-Alpes, par deux arrêtés du 6 mars 2024, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public et qu'il était ainsi fondé à faire application de l'article L. 432-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département des Hautes-Alpes pour une durée de quarante-cinq jours. Le préfet des Hautes-Alpes relève appel du jugement du 29 mars 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille, après avoir renvoyé les conclusions tendant à l'annulation du refus de renouvellement du titre de séjour de la requérante devant une formation collégiale du tribunal, a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination, refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et assignant Mme A... à résidence.
2. Les requêtes n° 24MA01152 et n° 24MA01153 présentées par le préfet des Hautes-Alpes sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 24MA01153 :
3. Aux termes de l'article L. 614-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'annulation de la décision relative au séjour emporte abrogation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision d'interdiction de retour qui l'accompagne le cas échéant (...) ".
4. Postérieurement à l'enregistrement de la requête d'appel, le tribunal administratif de Marseille a, dans sa formation collégiale, annulé la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour opposée à Mme A... contenue dans l'arrêté du préfet des Hautes-Alpes du 6 mars 2024, par un jugement du 3 octobre 2024 devenu définitif, le préfet ayant d'ailleurs délivré le 10 octobre 2024 à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 9 octobre 2026.
5. En application des dispositions mentionnées au point 3, l'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de Mme A... contenue dans l'arrêté du 6 mars 2024, qui n'a pas reçu exécution pendant la période au cours de laquelle elle était en vigueur, a été abrogée à la date du jugement du 3 octobre 2024. Les conclusions du préfet des Hautes-Alpes dirigées contre le jugement du 29 mars 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé cette décision sont ainsi privées d'objet et il n'y pas lieu d'y statuer.
6. En revanche, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme A... contenue dans l'arrêté du 6 mars 2024, qui n'a pas été retirée, si elle a été abrogée à la date du jugement du 3 octobre 2024, a reçu exécution pendant la période au cours de laquelle elle était en vigueur compte tenu de la décision d'assignation à résidence également prise par le préfet. Les conclusions dirigées contre le jugement du 29 mars 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé cette décision ne sont ainsi pas privées d'objet. Toutefois, dans la mesure où la décision de refus de titre de séjour était le fondement de l'obligation de quitter le territoire français et des autres décisions contenues dans les arrêtés du 6 mars 2024, l'annulation de la décision de refus de titre de séjour par le jugement définitif du 3 octobre 2024 du tribunal administratif de Marseille conduit à l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français, des décisions refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination et de l'assignation à résidence.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Hautes-Alpes n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et assignant Mme A... à résidence, contenues dans ses arrêtés du 6 mars 2024.
Sur la requête n° 24MA01152 :
8. Dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions du préfet des Hautes-Alpes tendant à l'annulation du jugement contesté, il n'y a pas lieu pour la Cour de statuer sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les frais liés au litige :
9. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Rudloff, avocate de Mme A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que cette avocate renonce à la perception de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24MA01152 du préfet des Hautes-Alpes et sur les conclusions de la requête n° 24MA01153 du préfet des Hautes-Alpes dirigées contre le jugement n° 2402811 du 29 mars 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il porte sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de Mme A... contenue dans l'arrêté du 6 mars 2024.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 24MA01153 du préfet des Hautes-Alpes est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à Me Rudloff, avocate de Mme A..., sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Me Rudloff et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2025.
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N° 24MA01152 - 24MA01153