Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le groupement d'intérêt économique (GIE) Amigale a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2002799 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 juillet 2023, le 23 janvier 2024 et le 25 juin 2024, le GIE Amigale, représenté par Me Ferrandi-Acquaviva, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 15 juin 2023 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure est irrégulière dès lors que le service vérificateur a consulté des documents couverts par le secret professionnel ;
- les cotisations versées par ses membres étaient exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 261 B du code général des impôts ;
- il a adressé à l'administration une demande de prise de position formelle relative à la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux apports en numéraire des membres qui est restée sans réponse ;
- à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, l'administration n'a pas remis en cause l'exonération des sommes réclamées à ses adhérents ;
- les cotisations versées par ses membres devaient être exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que la décision de rescrit du 12 septembre 2006 n° 2006/43 TCA admet qu'une société imposée à la taxe sur la valeur ajoutée et dont l'activité présente tous les caractères d'autonomie liés à l'obligation de sectorisation puisse être partie au groupement au titre du secteur d'activité distinct regroupant les opérations exonérées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 décembre 2023, le 25 avril 2024 et le 12 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le GIE Amigale ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Meot, substituant Me Ferrandi-Acquaviva, représentant le GIE Amigale.
Une note en délibéré présentée pour le GIE Amigale a été enregistrée le 18 février 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Le GIE Amigale, qui a été constitué en 2006 entre six membres, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, il a été assujetti à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la soumission à la taxe des appels de cotisations adressés à ses membres. Le GIE Amigale relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel (...) ".
3. Le requérant, qui ne précise pas la nature exacte des " consultations et actes d'avocat " auquel le vérificateur aurait eu accès, ne verse aux débats aucune demande du vérificateur tendant à la consultation de pièces couvertes par le secret professionnel, ni aucun document accompagnant la remise de telles pièces. Par ailleurs, la réalité de cette consultation, qui est contestée par l'administration fiscale, n'est pas établie par les mentions de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable relatives à l'utilisation par les membres, et notamment Smile, des conseils de l'avocat du GIE et à l'imputation à ces membres des honoraires d'avocat, dès lors que ces considérations, qui ne comportent aucune indication précise quant au contenu des prestations, ont pu être émises à l'issue du seul examen des écritures comptables et des déclarations du GIE Amigale, au regard des caractéristiques et de la nature des activités des membres. Par suite, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière au motif que le service vérificateur aurait consulté des documents couverts par le secret professionnel, qui auraient fondé en tout ou partie les redressements.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 261 B de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti sont exonérées de cette taxe à la condition qu'ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes (...) ".
5. Il est constant que l'association de gestion agréée A..., qui est membre du GIE Amigale, était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée au cours de la période considérée. Ainsi, et quand bien même une sectorisation des activités réalisées par cette association aurait été possible, le GIE Amigale ne pouvait prétendre à l'exonération prévue par l'article 261 B du code général des impôts. En outre et au surplus, le dirigeant du GIE, également dirigeant de chacune des entités qui le compose, a indiqué au vérificateur que le mode de répartition des cotisations était fondé sur les possibilités de trésorerie des différents membres. Toutefois le requérant ne démontre pas que les sommes réclamées à ses membres correspondraient exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes en se bornant à produire des tableaux de répartition des heures de travail de ses salariés ainsi que des tableaux récapitulatifs de la répartition des dépenses établis par ses soins, lesquels, de surcroît, font ressortir une clé de répartition de l'ensemble des dépenses strictement identique pour tous les membres au cours de chacune des trois années considérées, alors qu'il fait valoir que les heures de travail auraient été réparties en tenant compte du temps passé par les salariés pour le compte de chaque membre et que les autres charges auraient été réparties en fonction du chiffre d'affaires de chacun de ses membres. Par conséquent, doit être écarté le moyen tiré de ce que les cotisations versées par les membres GIE Amigale étaient exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 261 B du code général des impôts.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
7. Le GIE Amigale se prévaut des énonciations de la décision de rescrit n°° 2006/43 (TCA) du 12 septembre 2006 selon lesquelles : " Aux termes de l'article 261 B du CGI, qui transpose l'article 13 A-1-f de la sixième directive TVA du Conseil 77/388/CEE du 17 mai 1977 (devenu l'article 132-1-f de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA) sont exonérés de TVA, sous certaines conditions, les services rendus à prix coûtant par les groupements à leurs membres, personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti. Il est toutefois admis que certaines de ces personnes puissent sans perdre le bénéfice des dispositions de l'article 261 B du CGI, être redevables de la taxe pour certaines de leurs opérations, à condition que le pourcentage des recettes taxables par rapport aux recettes totales soit inférieur à 20 %. / Dès lors que l'activité imposée à la TVA d'une société présente déjà tous les caractères d'autonomie liés à l'obligation de sectorisation et que, par suite, il suffirait de filialiser ce secteur d'activité soumis à la taxe pour obtenir un résultat équivalent, il a paru possible d'admettre que cette société puisse être partie au groupement au titre du secteur d'activité distinct regroupant les opérations exonérées. / Les groupements pourront facturer en exonération de taxe, sur le fondement de l'article 261 B du CGI, les prestations fournies pour la réalisation des opérations effectuées pour le secteur d'activité distinct exonéré de la société. Corrélativement, les prestations relatives au secteur d'activité taxable devront être soumises à la TVA ". Toutefois, les extraits des grands livres des comptes généraux de l'association de gestion agréée A..., dans lesquels ne sont distinguées que les adhésions soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, ne permettent pas d'identifier un secteur regroupant les activités situées en dehors du champ de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans le champ de cette taxe. Il en va de même du tableau présenté comme un compte de résultat, ainsi que des tableaux de répartition des produits et charges de l'association, établis par les soins du requérant, faute de production des écritures comptables correspondantes. Par conséquent, le GIE Amigale n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la décision de rescrit n°°2006/43 (TCA) du 12 septembre 2006.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".
9. D'une part, si le GIE a adressé une demande de prise de position formelle à l'administration en 2008, il est constant qu'aucune réponse n'a été apportée par l'administration. Ainsi, en l'absence de prise de position formelle, le GIE Amigale n'est pas fondé à soutenir que l'administration serait revenue sur sa position.
10. D'autre part, le requérant ne saurait en tout état de cause invoquer la circonstance que l'administration, postérieurement à la période d'imposition en litige, n'a pas remis en cause l'exonération des sommes réclamées à ses adhérents à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le GIE Amigale n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de le GIE Amigale est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au groupement d'intérêt économique Amigale et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2025.
La rapporteure,
signé
F. MASTRANTUONOLa présidente de la 3ème chambre,
signé
E. PAIXLa greffière,
signé
C. PONS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23MA01847