Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Funecap Sud Est a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 26 juin 2021, par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (DREETS PACA) lui a infligé une amende administrative d'un montant de 135 000 euros pour non-respect des délais de paiement sur le fondement des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce, ainsi que la décision du 31 août 2021 du ministre de l'économie, des finances et de la relance rejetant son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 2102828 du 14 mars 2024, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 mai et 18 novembre 2024, la société Funecap Sud Est, représentée par Me Ahmedi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la décision du 26 juin 2021 a été prise par une autorité incompétente pour ce faire, faute de justification de la publication de l'arrêté portant délégation de signature tout comme la décision du 31 août 2021 ;
- les décisions sont entachées d'erreur de droit ;
- le montant de la sanction infligée s'avère disproportionné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un courrier du 11 décembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par ordonnance du 7 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Ahmedi pour la société Funecap Sud Est.
Considérant ce qui suit :
1. Le 2 mai 2019, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a diligenté un contrôle au sein de la société Funecap Sud Est, lequel portait sur la réglementation relative aux délais de paiements interprofessionnels. Un procès-verbal de manquement a été dressé le 8 février 2021. Par un courrier du 15 mars 2021, la DREETS PACA a informé la société Funecap Sud Est de ce qu'elle envisageait de lui infliger une amende de 135 000 euros et de diffuser un communiqué concernant cette sanction, sur son site internet, pour une durée de trois mois. La société a présenté ses observations par un courrier du 25 mai 2021. Les sanctions ont été prononcées le 26 juin 2021. Le 31 août 2021, le recours hiérarchique de la société Funecap Sud Est a été rejeté et le 14 septembre 2021, un titre de perception a été émis en vue de recouvrer l'amende administrative. La société Funecap Sud Est a alors saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à l'annulation des décisions du 26 juin 2021 et du 31 août 2021. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La société Funecap Sud Est relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose : " Les jugements sont motivés. ".
3. Contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la société, ont suffisamment répondu dans les points 6 et 7 de leur jugement au moyen soulevé par la société Funecap Sud Est quant au caractère disproportionné de la sanction qui lui était infligée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement manque en fait et ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, si la société Funecap Sud Est entend remettre en cause la régularité du jugement attaqué en se fondant sur ce que les premiers juges, en répondant comme ils l'ont fait, se seraient bornés à reprendre le raisonnement de l'administration et auraient écarté de manière expéditive la question du caractère disproportionné de la sanction, un tel moyen tend en réalité à remettre en cause l'appréciation des premiers juges et ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de la régularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le cadre juridique :
5. Aux termes de l'article L. 441-3 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " (...) le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service. L'acheteur doit la réclamer. (...) ". Aux termes de l'article L. 441-6 du code du commerce dans leur rédaction applicable : " I.- Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle (...) / Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. / Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture. / (...) / VI. - Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d'euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième, onzième et dernier alinéas du I du présent article, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 470-2. Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. / (...) ".
6. Il résulte des dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce, citées au point précédent, que tout dépassement du délai de paiement convenu entre une société et son fournisseur, et qui court à compter de l'émission de la facture, est constitutif d'un manquement qui justifie l'infliction d'une amende administrative.
7. Par ailleurs, le montant de l'amende doit être fixé par référence au montant de l'avantage de trésorerie dont l'entreprise a bénéficié, et dont ses fournisseurs ont été corrélativement privés, du fait des retards de paiement, en tenant compte des autres circonstances, et notamment à la situation financière de l'acheteur au moment des faits reprochés. Conformément à la pratique de la majeure partie des services de la concurrence jusqu'en 2021, et aux lignes directrices établies par la direction générale le 2 décembre 2021, qui procèdent d'une exacte application de l'article L. 441-6 du code de commerce, le montant de l'avantage de trésorerie servant de base à la détermination du montant de l'amende est déterminé par référence au gain annuel en besoin de fonds de roulement, qui correspond au produit du montant des factures payées en retard par le retard moyen de paiement en jours, pondéré en fonction du montant des factures, et rapporté au nombre de jours de la période contrôlée.
En ce qui concerne la régularité externe :
8. En premier lieu, M. C... A..., directeur régional adjoint de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, a reçu, par décision du 1er avril 2021 régulièrement publiée le même jour au recueil n° R93-2021-053 des actes administratifs de la préfecture de région, délégation de M. D... B..., directeur, pour signer la décision attaquée du 26 juin 2021. En outre, il ressort de la consultation du site internet de la préfecture pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, accessible tant au juge qu'aux parties, que le recueil des actes administratifs a été publié le 1er avril 2021. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la preuve de la publication du recueil à la date alléguée par l'administration n'est pas apportée ne peut qu'être écarté.
9. En second lieu, lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision du directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, sa décision ne se substitue pas à celle du directeur. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle du directeur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision. Ainsi, le moyen de la société Funecap Sud Est, tiré de l'incompétence de la décision prise au nom du ministre est, en tout état de cause, inopérant.
En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction :
S'agissant du principe de la sanction :
10. Contrairement à ce qui est soutenu, l'autorité administrative a pris soin d'indiquer les critères sur lesquels elle s'est fondée pour fixer son quantum, en se référant notamment au nombre de factures payées avec retard ainsi que la situation financière de la contrevenante, sans qu'il ne puisse lui être reproché de ne pas avoir mentionné précisément les modalités de calcul de ce montant. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit et de ce que la sanction résulterait du " fait du prince " ne peut qu'être écarté.
S'agissant du quantum de la sanction :
11. Il ressort du procès-verbal du contrôle que l'encours total des factures payées en retard s'élève à 15 724,50 euros. Ces factures ont été payées avec un retard moyen, pondéré en fonction de leur montant, de 54,08 jours. La durée du contrôle étant de deux cent quarante-quatre jours, le gain annuel en besoin de fonds de roulement s'établit donc seulement à 3 485 euros (54,08 x 15 724,50 euros / 244). Compte tenu du caractère restreint de l'échantillonnage ainsi examiné, l'administration ne pouvait considérer cet échantillon comme représentatif, du point de vue des retards de paiement, des pratiques de la société, et considérer que les factures non examinées avaient été payées avec le même retard moyen. Eu égard à ces circonstances, la société Funecap Sud Est est fondée à soutenir que la sanction de 135 000 euros qui lui a été infligée est excessive. Il y a lieu, compte tenu de ce qui précède, de ramener l'amende infligée par le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités à la somme de 5 000 euros.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Funecap Sud Est est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de réduire le montant de l'amende prononcée par la décision du 26 juin 2021, confirmée par la décision du ministre de l'économie, des finances et de la relance du 31 août 2021.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros qui sera versée à la société Funecap Sud Est au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2102828 du 14 mars 2024 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : Le montant de l'amende prononcée à l'encontre de la société Funecap Sud Est par la décision du 26 juin 2021 du directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est ramené à la somme de 5 000 euros.
Article 3 : L'Etat versera à la société Funecap Sud Est une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Funecap Sud Est est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Funecap Sud Est et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 17 février 2025, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère,
- Mme Constance Dyèvre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 mars 2025.
N° 24MA01173 2