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03/03/2025 | FRANCE | N°24MA00739

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 03 mars 2025, 24MA00739


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par cinq requêtes distinctes, M. C... a demandé au tribunal administratif de Nice, en premier lieu, d'annuler la décision du 25 janvier 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande d'indemnisation à hauteur de 50 000 euros, d'annuler la décision implicite du 24 février 2021 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté la même demande, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice, assort

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par cinq requêtes distinctes, M. C... a demandé au tribunal administratif de Nice, en premier lieu, d'annuler la décision du 25 janvier 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande d'indemnisation à hauteur de 50 000 euros, d'annuler la décision implicite du 24 février 2021 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté la même demande, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice, assortie des intérêts à compter du 25 janvier 2021 et des intérêts de retard, d'ordonner la capitalisation des intérêts échus, en deuxième lieu, d'annuler la décision du 25 janvier 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ensemble la décision implicite du 24 février 2021 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a confirmé ce refus, et d'enjoindre au recteur et au ministre de lui délivrer le bénéfice de la protection fonctionnelle ou, à défaut, de réexaminer sa demande de protection fonctionnelle, en troisième lieu, d'annuler la décision du 2 avril 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Nice lui a notifié un refus de validation de sa période préparatoire au reclassement dans le corps des attachés et lui a demandé de prendre position sur une transition professionnelle vers un emploi de catégorie B en tant qu'elle révèle un refus de reclassement en qualité d'attaché d'administration de l'Etat et d'enjoindre au recteur de procéder à son reclassement sur un poste de catégorie A, en quatrième lieu, d'annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle le recteur a rejeté sa demande d'affectation sur un poste adapté de longue durée, a confirmé son refus de reconversion professionnelle dans le corps d'attaché d'administration et l'a maintenu sur le poste de fondé de pouvoir au sein du lycée Pierre et Marie Curie, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 5 juillet 2021 et d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Nice de réexaminer sa demande d'affectation sur un poste adapté de longue durée dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, en cinquième lieu, d'annuler la décision du 13 juillet 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Nice a prononcé sa radiation des cadres de la fonction publique.

Par un jugement nos 2101634, 2101635, 2103010, 2104499 et 2104534 du 6 février 2024, le tribunal administratif de Nice a, en premier lieu, annulé la décision du 30 juin 2021 en tant qu'elle refuse la nomination de M. B... sur un poste adapté de longue durée, en deuxième lieu, annulé la décision du 25 janvier 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ensemble la décision implicite du 24 février 2021 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a confirmé ce refus, en troisième lieu, enjoint à la rectrice de l'académie de Nice d'accorder à M. B... le bénéfice de la protection fonctionnelle pour les faits survenus jusqu'au 2 juillet 2019, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, en quatrième lieu, condamné la rectrice de l'académie de Nice à verser à M. B... une somme de 3 000 euros en indemnisation de son préjudice, et, en cinquième lieu, rejeté le surplus des demandes de ce dernier.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2024, un mémoire enregistré le 26 septembre 2024 et un mémoire récapitulatif enregistré le 31 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Paloux, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses demandes ;

2°) faisant droit à ces demandes, d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 du recteur de l'académie de Nice prononçant sa radiation, d'annuler la décision du 25 janvier 2021 du recteur de l'académie de Nice, d'annuler la décision tacite du 24 février 2021 du ministre de l'éducation nationale refusant sa demande de protection fonctionnelle, d'annuler la décision du 2 avril 2021 du recteur de l'académie de Nice lui refusant la validation du bilan de la période préparatoire au reclassement dans le corps des attachés, et proposant un accompagnement à la transition professionnelle sur un emploi de catégorie B, d'annuler la décision rectorale du 30 juin 2021 lui refusant un poste adapté de longue durée et le maintenant au Lycée Pierre et Marie Curie à Menton, de condamner l'Etat à la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts de retard à compter du 25 janvier 2021, capitalisés, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Nice de l'affecter sur un poste adapté, d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Nice et au ministre de l'éducation nationale de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé et omet de répondre à un moyen ;

- ce jugement est entaché de contradiction de motifs ;

- il n'a pas été placé dans une situation statutaire régulière ;

- ces faits caractérisent un harcèlement moral ;

- le lien avec le service n'a pas été rompu ;

- la décision de radiation est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- le jugement est entaché d'erreurs de droit et d'appréciation ;

- la décision du 2 avril 2021 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- en effet, il est en capacité d'assumer les missions d'un attaché d'administration ;

- en outre, il ne pouvait lui être proposé un reclassement vers un corps de catégorie B ;

- la décision du 30 juin 2021 qui le maintient sur un poste de fondé de pouvoir fait grief ;

- le rectorat devait réexaminer sa demande de poste adapté de longue durée ;

- le harcèlement moral a perduré après le 2 juillet 2019 ;

- la protection fonctionnelle devait donc lui être accordée pour la période postérieure ;

- le tribunal administratif n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations ;

- la responsabilité de l'administration est engagée ;

- il doit être indemnisé de son préjudice moral ;

- l'injonction prononcée ne pouvait se limiter à la période allant jusqu'au 2 juillet 2019.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2024, la rectrice de l'académie de Nice conclut au rejet de la requête d'appel de M. B....

Elle soutient que les moyens présentés à l'appui de sa requête sont infondés.

Par une lettre en date du 26 juillet 2024, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici au 31 décembre 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 1er octobre 2024.

Par ordonnance du 15 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Par lettre du 5 février 2025, la Cour a informé les parties que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé les moyens d'ordre public tirés, d'une part, de l'irrecevabilité de la demande tendant à l'annulation de la lettre du 2 avril 2021 en tant que celle-ci propose à M. B... une procédure préparatoire au reclassement, une telle proposition ne revêtant pas le caractère d'un acte faisant grief (CE, 15 mars 1999, Siano, nos 157635-171142, Rec. T.) et, d'autre part, de l'irrecevabilité de l'appel en tant qu'il tend à l'annulation de la décision du 25 janvier 2021 refusant à M. B... le bénéfice de la protection fonctionnelle et de la décision ministérielle confirmant cette décision, dès lors que, l'article 2 du jugement attaqué annulant ces décisions en totalité, M. B... est dépourvu d'intérêt à faire appel sur ce point.

Par lettre du même jour, la Cour a invité la rectrice de l'académie de Nice à indiquer à la Cour les raisons qui ont conduit à refuser à M. B... le poste adapté de longue durée qu'il sollicitait, au CNED ou dans une autre administration relevant du ministère de l'éducation nationale. La rectrice a répondu à cette mesure d'instruction par une lettre enregistrée le 7 février 2025, qui a été communiquée à M. B.... M. B... a présenté le 13 février 2025 ses observations en réponse, qui, ne comportant pas d'éléments nouveaux, n'ont pas été communiquées à la rectrice.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la décision par laquelle le président de la Cour a désigné M. A... Thielé, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 28-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Pelgrin pour M. B....

Connaissance prise de la note en délibéré présentée le 19 février 2025 par la rectrice de l'académie de Nice.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., a, après avoir réussi le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré d'anglais, été placé en stage au sein du collège Victor Hugo de Gassin (Var). Le 15 juin 2010, à l'issue de son service, il a été, après plusieurs heures, désincarcéré de son véhicule inondé à la suite de pluies diluviennes. Par décision du 5 juillet 2011, le recteur a reconnu qu'il avait alors été victime d'un accident de service. Ayant présenté, à la suite de ces événements, de graves troubles psychiatriques qui ne lui ont plus permis d'enseigner, il a été placé en congé de maladie. Le 21 décembre 2011, il a conclu avec l'administration une convention d'accompagnement des mobilités professionnelles au titre de l'année scolaire 2011-2012, laquelle prévoyait, dans le cadre d'un projet de réorientation professionnelle vers un poste administratif, qu'il serait affecté sur un poste aménagé de courte durée en qualité de chargé de mission au plan académique pour l'organisation des commissions et jurys de la validation des acquis de l'expérience. A l'issue de cette année scolaire, M. B... a demandé le renouvellement de son affectation sur un poste aménagé de courte durée. Par une décision du 28 août 2012, le recteur de l'académie de Nice a cependant décidé de l'affecter, du 1er septembre 2012 au 31 août 2013, sur un poste adapté de courte durée au CNED pour y effectuer 50 % de son service, et au lycée Port Lympia de Nice pour y effectuer les 50 % restants et reprendre progressivement ses fonctions d'enseignant. M. B... ayant refusé de reprendre, même partiellement, ses fonctions d'enseignant, le recteur de l'académie de Nice a décidé, par arrêté du 2 octobre 2012, d'affecter l'intéressé à compter de cette date jusqu'au 31 août 2013 en zone de remplacement AM-1. Après deux mises en demeure infructueuses de rejoindre son poste, le recteur de l'académie de Nice a, par une décision en date du 1er février 2013, décidé de radier des cadres M. B... pour abandon de poste. Par un arrêt nos 15MA01601, 15MA01602 du 24 mai 2016, la Cour a annulé les arrêtés du 28 août 2012, du 2 octobre 2012 et du 1er février 2013, au motif que l'administration avait réaffecté M. B... sur un poste d'enseignement sans avoir pris le soin d'évaluer, comme elle y était tenue, si ce dernier était de nouveau apte à l'exercice des fonctions d'enseignant. Déférant à l'injonction de la Cour, le recteur de l'académie de Nice a, par une décision du 22 juin 2016, réintégré M. B... dans son corps d'origine à compter du 7 février 2013, procédé à la reconstitution de la carrière de l'intéressé du 7 février 2013 au 6 juillet 2016 puis, par un arrêté du 23 novembre 2016, pris après avis du médecin de prévention du 18 juillet 2016, affecté M. B... à titre provisoire à compter du 3 novembre 2016 sur un poste adapté de courte durée au centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Par une décision du 21 mars 2019, le recteur a refusé à M. B... un poste adapté. Le 22 décembre 2020, M. B... a adressé à l'administration une demande indemnitaire préalable ainsi qu'une demande de protection fonctionnelle. Le recteur a rejeté ces demandes le 25 janvier 2021. Le ministre de l'éducation nationale a implicitement confirmé ce rejet le 24 février 2021. Par un jugement nos 1801442-1802499-1900595-1902384 du 31 mars 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 21 mars 2019 refusant à M. B... un poste adapté. Le 2 avril 2021, le recteur a refusé de valider la période préparatoire au reclassement de M. B... dans le corps des attachés. Le 30 juin 2021, le recteur a à nouveau refusé d'affecter M. B... sur un poste adapté de longue durée, a confirmé son refus de reconversion sur un emploi d'attaché d'administration et l'a maintenu sur les fonctions de fondé de pouvoir au sein du lycée Pierre et Marie Curie. Le 13 juillet 2021, le recteur d'académie a procédé à la radiation du requérant pour abandon de poste et rupture du lien avec le service, pour n'avoir pas rejoint le 9 mai 2021 le poste de fondé de pouvoir du Lycée Marie Curie. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Nice de demandes tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2021 du recteur d'académie en tant qu'elle révèle le refus de l'administration de le reclasser en qualité d'attaché d'administration de l'Etat, ainsi que des décisions du 30 juin 2021 et du 13 juillet 2021, ainsi que d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à indemniser le préjudice qu'il estime avoir subi à hauteur de 50 000 euros. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a, en premier lieu, annulé la décision du 30 juin 2021 en tant qu'elle refuse la nomination de M. B... sur un poste adapté de longue durée, en deuxième lieu, annulé la décision du 25 janvier 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ensemble la décision implicite du 24 février 2021 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a confirmé ce refus, en troisième lieu, enjoint à la rectrice de l'académie de Nice d'accorder à M. B... le bénéfice de la protection fonctionnelle pour les faits survenus jusqu'au 2 juillet 2019, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, en quatrième lieu, condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 3 000 euros en indemnisation de son préjudice, et, en cinquième lieu, rejeté le surplus de ses demandes. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses demandes.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. L'appel ne pouvant tendre qu'à l'annulation ou la réformation du dispositif d'un jugement, M. B... n'est pas recevable à contester les motifs qui constituent le soutien de l'article 2 du jugement, qui annule dans sa totalité la décision du 25 janvier 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle. Il est en revanche recevable à contester l'article 3 du jugement, en tant que celui enjoint à la rectrice de ne lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle que pour les faits survenus jusqu'au 2 juillet 2019.

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne la contradiction entre les motifs et l'article 2 du dispositif :

3. La décision portant refus d'octroi de la protection fonctionnelle constitue un acte indivisible. Dès lors qu'ils avaient retenu, au point 16 du jugement, l'existence d'un harcèlement moral jusqu'au 2 juillet 2019, il appartenait dès lors aux premiers juges d'annuler dans leur totalité la décision rectorale du 25 janvier 2021 et la décision ministérielle rejetant implicitement le recours hiérarchique de l'intéressé. Il n'y a donc pas de contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement.

En ce qui concerne la motivation de l'injonction prononcée à l'article 3 :

4. Dans son point 16, le jugement attaqué tient pour acquis l'existence d'un harcèlement moral jusqu'au 2 juillet 2019, date de l'affectation du requérant dans un poste de fondé de pouvoir ayant vocation à être occupé par des agents relevant de corps de catégorie A. Compte tenu de la nature des faits de harcèlement moral retenus, qui tenaient au fait, pour l'administration, de n'avoir pas proposé à M. B... un poste adapté à son état de santé, et tenant compte de son incapacité d'enseigner, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en estimant que les faits de harcèlement moral n'étaient caractérisés que jusqu'à la date de l'affectation de l'intéressé, avec son assentiment, sur un poste de fondé de pouvoir.

En ce qui concerne l'omission de réponse à un moyen :

5. Dans son point 10, le jugement attaqué mentionne qu'" il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a pas démontré ses capacités professionnelles à assumer pleinement des fonctions de catégorie A. Partant, alors qu'il ne fait état d'aucun élément susceptible de contredire l'évaluation de ses capacités présentée par l'administration, il ne peut sérieusement soutenir que le refus de valider sa période de préparation au reclassement en catégorie A serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ni que son administration aurait dû chercher à le reclasser sur un poste de catégorie A ". Ce faisant, les premiers juges ont répondu au moyen tiré de ce que l'administration avait méconnu la portée de l'obligation de reclassement et de loyauté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens tirés des erreurs de droit et d'appréciation commises par les premiers juges et des contradictions entre les motifs du jugement :

6. Compte tenu de l'office du juge d'appel, il n'appartient pas à celui-ci de censurer un jugement pour de tels motifs.

En ce qui concerne la décision rectorale du 25 janvier 2021 refusant à l'intéressé le bénéfice de la protection fonctionnelle et la décision implicite du ministre rejetant le recours hiérarchique de M. B... :

S'agissant du refus d'octroi de la protection fonctionnelle :

7. Ainsi qu'il a été dit au point 2, ces décisions ont été annulées en totalité par l'article 2 du jugement attaqué. M. B... n'a donc pas intérêt à contester le jugement sur ce point, alors même que, dans ces motifs, il ne tient le harcèlement moral allégué pour établi que sur une période de temps limité.

S'agissant de l'injonction prononcée à l'article 3 du jugement :

8. En revanche, M. B... est recevable à contester la mesure d'injonction prononcée par l'article 3 du jugement, en ce qu'elle prescrit seulement à la rectrice de l'académie de Nice de lui octroyer la protection fonctionnelle pour les faits survenus jusqu'au 2 juillet 2019.

9. Aucun agissement de l'administration susceptible d'être qualifié de harcèlement moral n'est établi pour la période courant à compter du 2 juillet 2019, date de l'affectation de M. B... sur des fonctions de fondé de pouvoir au lycée Pierre et Marie Curie. A le supposer même illégal, le seul refus de proposer à l'intéressé un poste adapté de longue durée ne peut être regardé comme susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En ce qui concerne la décision du 2 avril 2021 portant refus de validation du bilan de la période préparatoire au reclassement dans le corps des attachés et proposant à M. B... un accompagnement à la transition professionnelle vers un emploi de catégorie B :

S'agissant du refus de reclassement dans le corps des attachés d'administration de l'Etat :

10. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges au point 10 de leur jugement, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, M. B... ne s'est pas montré en capacité d'assumer les fonctions dévolues à des attachés d'administration de l'Etat, ainsi qu'il ressort des deux rapports administratifs circonstanciés, dont rien n'indique qu'ils aient été établis pour les besoins de la cause. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant son reclassement dans le corps des attachés est illégale.

S'agissant de la proposition d'accompagnement :

11. La proposition d'accompagnement à la transition professionnelle vers un emploi de catégorie B constitue une simple proposition et ne fait pas grief. La demande d'annulation de cette proposition est donc irrecevable.

En ce qui concerne la décision rectorale du 30 juin 2021 en tant qu'elle maintient l'intéressé sur un poste de fondé de pouvoir au sein du lycée Pierre et Marie Curie :

12. Comme l'a jugé le tribunal administratif, cette décision, qui se borne à tirer les conséquences de l'absence de possibilité de reclassement de l'intéressé dans les fonctions d'attaché d'administration de l'Etat, et qui n'emporte par elle-même pas refus d'octroi d'un poste adapté de longue durée, est une mesure d'ordre intérieur insusceptible de faire grief.

En ce qui concerne la décision du 13 juillet 2021 prononçant la radiation des cadres pour abandon de poste :

13. Aux termes du quatrième alinéa de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 novembre 1984 pris pour l'application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : " Lorsque l'état de santé d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son corps, l'administration, après avis du comité médical, propose à l'intéressé une période de préparation au reclassement en application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / La période de préparation au reclassement débute à compter de la réception de l'avis du comité médical si l'agent est en fonction ou à compter de sa reprise de fonctions si l'agent est en congé de maladie lors de la réception de l'avis du comité médical. / La période de préparation au reclassement prend fin à la date de reclassement de l'agent et au plus tard un an après la date à laquelle elle a débuté. Toutefois, l'agent qui a présenté une demande de reclassement peut être maintenu en position d'activité jusqu'à la date à laquelle celui-ci prend effet, dans la limite de la durée maximum de trois mois mentionnée à l'article 3 du présent décret (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 2-1 de ce décret : " La période de préparation au reclassement a pour objet de préparer et, le cas échéant, de qualifier son bénéficiaire pour l'occupation de nouveaux emplois compatibles avec son état de santé, s'il y a lieu en dehors de son administration d'affectation. Elle vise à accompagner la transition professionnelle du fonctionnaire vers le reclassement. / La période de préparation au reclassement peut comporter, dans l'administration d'affectation de l'agent ou dans toute administration ou établissement public mentionnés à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, des périodes de formation, d'observation et de mise en situation sur un ou plusieurs postes. Les modalités d'accueil de l'agent lorsque ces périodes se déroulent en dehors de son administration d'affectation font l'objet d'une convention tripartite conclue entre cette administration, l'administration ou l'établissement d'accueil et l'intéressé (...) ".

14. Il résulte d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l'intéressé dans un autre emploi. La mise en œuvre de ce principe implique que, sauf si l'agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l'employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l'emploi précédemment occupé ou, à défaut d'un tel emploi, tout autre emploi si l'intéressé l'accepte. Ce n'est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu'il n'existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l'intéressé, soit que l'intéressé est déclaré inapte à l'exercice de toutes fonctions ou soit que l'intéressé refuse la proposition d'emploi qui lui est faite, qu'il appartient à l'employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l'intéressé, son licenciement.

15. Il ressort des pièces du dossier que, constatant l'absence de M. B... de son poste de travail depuis le 10 mai 2021, à la suite d'un message de la direction de l'établissement en date du 18 mai 2021, le rectorat a, par un courrier du 4 juin 2021 notifié le 10 juin 2021 à M. B..., mis ce dernier en demeure de rejoindre son affectation sous quarante-huit heures à compter de la réception de cette lettre, en précisant qu'à défaut, serait prononcée à son encontre une décision de radiation pour abandon de poste, sans accomplissement des formalités prescrites en matière disciplinaire. Par courrier du 15 juin 2021, l'agente comptable du lycée Pierre et Marie Curie a indiqué au rectorat que M. B... n'avait pas repris ses fonctions. Le rectorat a alors, une seconde fois, mis M. B... en demeure de rejoindre son poste par un courrier du 30 juin 2021 notifié à M. B... le 5 juillet 2021, sans que M. B... ne défère à cette nouvelle mise en demeure.

16. Toutefois, les fonctions de fondé de pouvoir au sein du lycée Pierre et Marie Curie n'avaient été confiées à M. B... que de manière temporaire, dans le cadre de la période de préparation au reclassement dans le corps des attachés de l'administration de l'Etat. Or cette préparation s'était achevée sans porter ses fruits, l'administration ayant estimé, au vu de rapports d'évaluation établis en septembre 2020 et avril 2021, que les capacités de M. B... ne permettaient pas d'envisager un tel reclassement. Dès lors, les dispositions précitées de l'article 2 du décret du 30 novembre 1984, qui prévoient que la période de préparation au reclassement prend fin au plus tard un an après la date à laquelle elle a débuté, l'intéressé ne pouvant être maintenu en activité après le terme de cette période que dans l'attente de la prise d'effet du reclassement, faisaient obstacle au maintien de l'intéressé dans les fonctions de fondé de pouvoir au sein du lycée Pierre et Marie Curie. Le dossier ne comporte en outre la trace d'aucune décision, antérieure à la mesure de radiation contestée, maintenant M. B... dans ses fonctions au lycée Pierre et Marie Curie. D'ailleurs, une telle décision de maintien, qui n'aurait pu avoir d'autre objet que de permettre le versement à l'intéressé de son traitement sans qu'il ait vocation à occuper les fonctions correspondantes, aurait eu le caractère d'une nomination pour ordre. Par ailleurs, il ressort de la correspondance entre M. B... et le rectorat que l'appelant, à l'appui de son refus de reprendre ses fonctions et d'accepter la nouvelle période de préparation au reclassement proposée par l'administration, avait émis le vœu d'être placé dans une situation statutaire régulière, par exemple en étant reclassé sur un poste adapté de longue durée. Or l'administration n'établit pas qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de lui octroyer un tel poste. Il y a lieu de remarquer, à cet égard, que, par un jugement nos 1801442-1802499-1900595-1902384 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Nice, saisi par M. B..., avait annulé un précédent refus d'octroi d'un poste adapté de longue durée à temps plein en date du 21 mars 2019, et enjoint au recteur de réexaminer la demande d'affectation sur un tel poste de M. B... dans un délai de quatre mois. Or, par une décision du 30 juin 2021, le recteur n'avait déféré que partiellement à cette demande, se bornant à refuser l'octroi d'un poste adapté de longue durée comme correcteur d'anglais au CNED, au motif que l'état de santé de M. B... s'opposait à l'attribution d'un tel poste, ce qui est contesté par l'intéressé qui fait valoir, sans être contredit, que compte tenu des différences dans les conditions de travail, cet emploi qu'il appelle de ses vœux est compatible avec son état de santé. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, M. B..., bien que n'ayant pas déféré aux mises en demeure de reprendre le travail, ne peut pour autant être regardé comme ayant entendu rompre le lien avec le service.

17. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par M. B..., ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le recteur l'a radié des cadres pour abandon de poste.

En ce qui concerne l'injonction :

18. Compte tenu de l'annulation de la décision radiant M. B... des cadres, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande de M. B... tendant à être nommé sur un poste adapté de longue durée motif pris de cette radiation. Compte tenu des motifs énoncés au point 4 du jugement du tribunal administratif, qui constituent le soutien nécessaire de l'annulation, devenue définitive, de la décision du 30 juin 2021 qui refuse de nommer le requérant sur un poste adapté de longue durée, compte tenu de l'obligation qu'ont les administrations de proposer à leurs agents, quand ils existent, un poste adapté, et compte tenu du fait que l'administration ne conteste pas disposer de postes adaptés à longue durée, il y a lieu d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Nice de nommer M. B... sur un poste adapté de longue durée dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois.

En ce qui concerne l'indemnité :

19. Les premiers juges ont partiellement fait droit à la demande indemnitaire de M. B..., en accordant à ce dernier une indemnité de 3 000 euros en réparation du harcèlement moral dont il a fait l'objet pour la période antérieure au 2 juillet 2019.

20. M. B... sollicite l'indemnisation du préjudice moral résultant des illégalités imputées à l'administration, ainsi qu'au harcèlement moral dont il soutient avoir fait l'objet.

21. Compte tenu des faits de harcèlement moral retenus par le jugement attaqué, qui, faute d'avoir été contesté par l'Etat, est devenu définitif sur ce point, il y a lieu de confirmer à ce titre le montant de l'indemnité retenue par les premiers juges, qui n'est pas utilement contesté par M. B....

22. Toutefois, M. B... sollicite également une indemnité au titre du préjudice moral que lui ont causé les différentes illégalités entachant les décisions attaquées.

23. Par un jugement nos 1801442-1802499-1900595-1902384 du 31 mars 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 30 janvier 2018 portant mise en congé d'office à titre conservatoire, la décision du 13 avril 2018 portant mise en congé de longue maladie non imputable au service, la décision du 6 décembre 2018 portant prolongation du placement en congé de longue maladie et la décision du 21 mars 2019 portant refus d'octroi d'un poste adapté. En outre, le jugement attaqué dans le cadre de la présente instance est devenu définitif en tant qu'il annule la décision du 30 juin 2021 en tant qu'elle refuse la nomination de M. B... sur un poste adapté de longue durée, en tant qu'il annule la décision du 25 janvier 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Nice a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ensemble la décision implicite du 24 février 2021 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a confirmé ce refus. Enfin, le présent arrêt, faisant droit à l'appel de M. B..., annule la décision portant radiation de l'intéressé des cadres pour abandon de poste.

24. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral résultant pour M. B... de ces différentes illégalités fautives en lui octroyant une indemnité supplémentaire de 7 000 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation :

25. Il y a lieu, en application des articles 1231-6 et 1343-2 du code civil, d'assortir la condamnation prononcée des intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2021, comme le demande M. B..., cette date étant postérieure à la date de présentation de la réclamation indemnitaire, et de prononcer la capitalisation des intérêts échus à la date du 25 janvier 2022 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

26. Les intérêts au taux légal courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.

Sur les frais liés au litige :

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 6 du jugement nos 2101634, 2101635, 2103010, 2104499 et 2104534 du 6 février 2024 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il rejette la demande tendant à l'annulation de la décision du 13 juillet 2021 prononçant la radiation de M. B... pour abandon de poste et la demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la rectrice d'académie de nommer ce dernier sur un poste adapté de longue durée.

Article 2 : La décision du 13 juillet 2021 prononçant la radiation de M. B... pour abandon de poste est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Nice de nommer M. B... sur un poste adapté de longue durée dans un délai de deux mois.

Article 4 : Le montant de la condamnation prononcée par l'article 4 du jugement du 6 février 2024 est porté de 3 000 à 10 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2021 et capitalisation des intérêts à la date du 25 janvier 2022 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 5 : L'article 4 du jugement du 6 février 2024 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 4 du présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Nice.

Délibéré après l'audience du 17 février 2025, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère,

- Mme Constance Dyèvre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 mars 2025.

N° 24MA00739 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00739
Date de la décision : 03/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Changement de cadres - reclassements - intégrations - Intégration de fonctionnaires métropolitains dans des corps et cadres divers.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : PALOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-03;24ma00739 ?
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